Et en quelques temps, le petit appartement en haut de la boulangerie se transforma.
Plus les jours passaient, plus il se remplissait de trésors.
Des vieilles casseroles en fonte coloré étaient accrochées au mur. Des tapis couvraient avec parcimonie le vieux plancher de bois, qui craquait à certains endroits.
L'ancien coffre trônait au centre du séjour et Hansel le chat se couchait dessus tout les jours, lorsque les derniers rayons du soleil frappaient contre la fenêtre.
En marchant dans le couloir, c'était comme si vous viviez une expérience hallucinogène. Il y avait de nombreux dessins juvéniles, de jolies photos familiales dans des cadres oranges et bleus et quelques peintures européenne, repêchées dans de vieux bazar.
Il y avait toujours une odeur de pain qui flottait, dans ce petit appartement anglais. Et c'était rassurant, pour tout le monde. Même pour Hansel le chat.
Le mélange d'odeur de vieux meubles et de pains peut sembler légèrement excentrique, mais dans ce logis coloré et surprenant, c'était parfait. C'était étonnant, certes, mais ça ne dérangeait pas la narine, loin de là. Ça rappelait les vieux cafés parisien, les vieux salon de thé anglais.
Et c'est dans ce petit appartement fantasque mais tout simple que bien des histoires se créaient, au fil de la vie.
Un verre brisé. Une nouvelle chaise, sur laquelle un empereur français avait posé son postérieur, lors d'un grand dîner. Un sourire d'accomplissement. La découverte d'un nouveau film. Les aventures de Dino. Une histoire racontée à la lueur d'une chandelle, sous un fort de couvertures. Une soirée interminable de devoirs et de leçons. Des mains baladeuses sur le canapé. Des éclats de rire devant les acrobaties d'Hansel le chat. Des mains baladeuses sur le lit deux places. Des mains baladeuses dans la douche de céramique blanche. Des rêves partagés. Un malentendu quant à la facture d'électricité. Un cellulaire perdu, retrouvé sous le coussin du divan. Une petite voiture perdue, retrouvée sous une pile de factures. Une soirée à regarder des photos. L'arrivée d'un vieux tourne-disque, qui avait probablement joué trop souvent du Pink Floyd, dans son jeune temps.
Il y avait bien des histoires qui se créaient, dans cette maison. Comme dans toutes les maisons, d'ailleurs. À chaque seconde, à chaque minute, il y avait le début d'un récit, la fin de souvenir, ou l'apogée d'un moment.
Sauf qu'à ce moment, c'est dans le bureau du médecin que les premiers mots d'une nouvelle histoire venaient d'être prononcés.
-Vous pouvez enlevez vos bottes et les déposer près de la table. Eliott, tu peux t'asseoir près de ton papa, je vais faire ton vaccin en premier. Et après, on s'occupera d'Astrid.
Deux paires de bottes allemandes furent déposées contre la table blanche, métallique.
Astrid s'assied dessus, en regardant Harry, un léger sourire aux lèvres, tandis qu'Eliott s'assied sur la chaise voisine, en affichant des yeux légèrement apeurés.
-Ça ne fera pas mal, je te le promet. Enfin... Ça fera un peu mal, mais je suis certain que tu feras ça comme un grand.
Eliott hocha la tête, un peu stressé, avant de fermer les yeux en voyant l'infirmière, qui préparait l'aiguille.
Et quelques secondes plus tard, tout était terminé, Eliott jouait avec la petite figurine de dinosaure qu'il avait reçu et Astrid souriait nerveusement.
Ça avait été toute une surprise, il fallait l'avouer. Disons qu'aucune des deux n'avaient prévu que le rapide rapprochement qu'ils avaient eu, juste avant d'aller au théâtre pour voir une autre pièce un peu barjo, allait créer un petit être.
Elle était toute jeune, Astrid, pour être maman. Et d'une certaine façon, c'était comme si les rôles étaient inversés. Ordinairement, c'était la maman qui calmait le papa, qui lui disait que tout irait bien et qui pensait à chaque petits détails.
Mais dans ce cas-ci, c'était Harry, qui était le plus calme. Il rassurait Astrid, le soir, quand elle se demandait si c'était normal que sa poitrine soit lourde. Et il la rassurait en lui disant qu'il n'y aurait pas de problèmes financier, que la boulangerie était stable et que Curiosité attirait de plus en plus de clients, depuis que des blogs et des personnalités importantes en avaient parlés, sur les réseaux sociaux.
C'était Harry qui rappelait à Astrid de prendre ses vitamines, qui la regardait en souriant lorsqu'elle prenait une tasse de café, parfois, et qui s'obstinait à nettoyer la litière d'Hansel le chat, parce que c'était déconseillé, pour les jeunes mamans.
Et même s'il était plutôt calme, il était quand même énervé, Harry.
Lorsqu'il regardait Astrid, il se demandait bien à qui ressemblerait le petit. En tout cas, il espérait vraiment que son futur bébé ait le sourire unique d'Astrid et son incessante curiosité.
C'était différent de la première fois, avec Valerie. Il était prêt, maintenant. Et il aimait énormément Astrid, il le savait. Il adorait s'occuper d'elle et lui préparer son petit-déjeuner, le matin, quand elle avait la tête dans la toilette. Il adorait la regarder se vêtir, voir son tout petit ventre dans les vêtements classiques d'Astrid, dans ses pulls et ses jupes à motifs.
Harry, il passait beaucoup de temps à toucher le ventre légèrement arrondit d'Astrid. Le soir, quand il regardait la télévision, sa main droite était sur Astrid; sa gauche tenait la petite main d'Eliott.
Eliott, lui, il avait bien hâte de savoir s'il allait avoir un petit frère ou une petite soeur. Il espérait fortement que le petit soit un garçon, pour pouvoir jouer aux dinos et aux pirates, plus tard.
-Le bébé d'Astrid va sortir par le trou du bébé? murmura Eliott dans l'oreille d'Harry.
Et il pouffa de rire, parce qu'il était toujours surpris de l'étonnante mémoire de son fils de six ans. S'en suivit donc une discussion sur l'accouchement qui rassura Astrid, en plus d'informer Eliott, assis sur les genoux de son papa, qui regardait l'écran près de la docteure avec un drôle de regard.
Il voyait le bébé, dans le ventre d'Astrid.
Et une nouvelle histoire d'amour se créait, tranquillement. C'était comme si ce petit être en noir et blanc, qu'on voyait au travers d'un écran faisait maintenant partit de la famille. Astrid venait de découvrir le sentiment d'amour qu'une mère pouvait éprouver. Le coeur d'Harry venait de grandir, pour laisser une place, entre celle d'Astrid et celle d'Eliott, pour le nouveau bébé. Et le coeur d'Eliott venait de se remplir d'amusement et d'excitation, à l'idée de bientôt voir son frère ou sa soeur, (même s'il savait très bien qu'il aurait un frère avec qui il pourrait jouer aux super-héros.).
***
L'inattendu était arrivé.
C'est ce qu'Harry s'était dit, lorsque Astrid s'était rendue compte qu'un petit être poussait, au creux de son ventre. Certes, ce n'était pas prévu pour tout de suite, mais c'était arrivé et il fallait en profiter.
Et il repensait à tout ça, alors qu'Astrid rigolait avec Eliott. Tout avait rapidement changé, depuis qu'une jeune femme, la tête remplie d'histoire, s'était installée dans la bâtisse voisine de sa boulangerie. Et voilà qu'elle était enceinte de lui, près d'un an plus tard!
Et il était content de s'être balancé de toutes les normes, des non-dits et d'avoir rapidement accepté son amour pour Astrid. Ils étaient fait un pour l'autre, voilà tout. Il le savait, il le sentait, dans son coeur, aussi cliché que ça puisse sonner. Eliott se sentait bien avec Astrid, Harry se sentait bien avec Astrid, Astrid se sentait bien avec Harry et avec Eliott... Pourquoi aurait-il fallu attendre plus longtemps, prendre le temps (et peut-être le risque que tout foire) de voir si ce sentiment de bien-être était vraiment réel.
-Je veux ouvrir la boîte et voir la couleur des ballons! s'exclama Eliott en se levant de la couverture, qui était posée sur l'herbe.
Personne ne savait de quel sexe était le petit humain dans le ventre d'Astrid. Ils allaient tous le découvrir là, maintenant, en famille.
Astrid lança un joli regard à Harry, avant de s'approcher de lui et de lui prendre la main. Elle avait bien hâte de savoir, elle aussi. Son petit bébé à elle et à Harry, il était là, dans son ventre. Il n'était pas dans une toile, au musée.
Harry plaça la grande boîte devant Eliott, qui sautillait d'excitation. Retournant s'asseoir auprès d'Astrid, il ouvrit la bouche.
-Ce serait peut-être bien de faire un petit voeu pour le bébé, avant de savoir si c'est ungarçon ou une fille...
Et Astrid souriait en essayant de retenir ses petites larmes de joie (et ses larmes dû aux hormones, aussi). Et elle souhaitait très fort que ce petit bébé soit le plus heureux des petits bébés. Et elle espérait qu'il veuille bien découvrir pleins d'histoires, avec elle.
Eliott, lui, il espérait vraiment pouvoir jouer avec le bébé. Et avec Hansel le chat. Et si c'était possible, il voulait aussi que son frère (parce qu'il savait bien qu'un garçon se cachait dans le ventre d'Astrid!) lui apporte une vraie cape de super-héros, avec des pouvoirs.
Et Harry, il voulait seulement que sa vie continue comme ça, avec Eliott et Astrid et le nouveau bébé. Il voulait continuer d'être heureux, tout simplement. Et il avait vraiment hâte de voir son bébé porter les bottes allemandes. Il était rendu accro, lui aussi, à force de passer tout son temps avec Astrid.
-Vous êtes prêt? cria Eliott en souriant.
Et il ouvrit la boîte.
L'inattendu est arrivé et il arrivera encore et encore, pour créer milles et unes histoires.
***
Voilà.
C'est la fin. J'espère qu'elle vous plaît.
Il y a peut-être des bonus, sur Parcelles:)
J'espère que Curiosité vous a fait du bien et qu'elle vous a rendue heureuse, beaucoup heureuse.
En tout cas, vous n'avez pas idée à quel point elle m'a fait du bien, moi. Curiosité, c'était une idée comme ça, l'été dernier, après avoir vu Le fabuleux destin d'Amélie Poulain. Et ça s'est développé, tranquillement.
Et je veux vous remercier, beaucoup beaucoup. Vous êtes formidables, même quand je le suis moins, quand je publie pas, quand je prend des pauses, quand je termine des histoires.
SI tu as envie, relis Curiosité. Ou Florale ou Cactus ou Exorable ou Parcelles. Et sois heureuse, c'est tout ce que je veux pour toi.
Tant que tu es heureuse, tu vas bien.
Et n'oublie pas de bien saisir le moment présent, parce que l'inattendu est souvent arrivé.
Plein d'amour.
Laurance.