Curiosité.

By lauhstylesx

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Astrid Bennet était une collectionneuse hors-paire. Chaque objet dont elle prenait soin avait une histoire. ... More

Boulangerie et librairie.
Départ.
Anniversaire.
Histoire.
Hansel et Gretel.
Rendez-vous.
Le collier.
Inattendu.
Continuité.
Cinéma.
Un simple emballage.
Explication.
Souvenirs.
Sourire.
Jade.
Anna.
Jolis moments.
Baby-sitting.
Pancakes.
Valerie.
Maternité.
Bonus: Halloween.
Conversation.
Déménagement.
Aimons-nous.
Euphorie.
Coffre.
Parcelles.
Rires.
Inquiétudes.
Noël.
Grands yeux.
Un quelconque jour de janvier.
L'inattendu est arrivé.

L'Allemagne.

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By lauhstylesx

Harry.

Nous étions chez moi. Et heureusement, le ménage était fait.

J'étais en train de fouiller dans le réfrigérateur, à la recherche d'un truc potable pour le dîner.

Comme à l'habitude, quand Eliott quittait la maison pour la semaine, je passais rarement au super-marché. Je me débrouillais avec les restes de la boulangerie ou le livreur de pizza.

-Et puis? Une idée en tête? dit Astrid en revenant de la salle de bain, où elle était allé poser ses bottes sur le radiateur, parce qu'elles avaient prit l'eau.

-Aucune, dis-je en refermant la porte. C'est à peine si j'ai des oeufs. Tu veux aller faire un tour au marché, appeler du resto? C'est toi qui choisi, dis-je en la regardant, souriant.

-Compte tenue du fait que je n'ai plus mes bottes fétiches, je pense qu'on doit oublier le marché. Mais... Est-ce que tu penses avoir tout ce qu'il faut pour faire du pain perdu? Un boulanger se doit d'avoir toujours le nécessaire, n'est-ce-pas?

Je souris en penchant la tête sur le côté, un peu gêné d'être démasqué. Parce que je n'avais presque plus d'oeufs, ni de lait.

-Je vais aller voir en bas, si j'ai tout ce qu'il faut.

-Pas de problème! Je t'attend, dit-elle en s'assoyant sur le canapé.

À la vitesse de l'éclair, je descendis à la boulangerie. Heureusement, dans la chambre froide, il y avait assez d'oeuf pour du pain perdu. J'en pris trois, avant de prendre une miche au raisin et à la cannelle et mon sucre vanillé.

Je remontai à l'étage, souriant en voyant Astrid, qui regardait le réfrigérateur et les dessins d'Eliott.

Je déposai tous les ingrédients sur le comptoir, avant de sourire en sortant deux tabliers.

-Tu vas bien m'aider? dis-je en souriant, lui lançant le tablier.

-Avec plaisir. Mais je ne peux pas te garantir qu'il n'y aura pas de coquille d'oeuf dans le mélange. Je suis nulle ne cuisine, rigola-t'elle en enfilant le tablier.

Et pendant que je coupais des tranches de pain, Astrid préparait le mélange d'oeuf, de lait et de cannelle, avec un peu de sucre vanillée. Elle rigola lorsque la moitié de la coquille tomba dans le bol, allant la repêcher avec ses doigts pour la jeter dans la poubelle.

C'était bien de faire du pain perdu, ce soir. De faire du pain perdu juste pour nous deux, sans qu'il ne soit parfait, ni bien dorée. On faisait seulement du pain perdu.

Je déposai un carré de beurre dans une poêle, avant de donner les tranches de pain à Astrid, qui se tenait près du four, avec le mélange aux oeufs.

-Tu les plonges dedans, tu les masses un peu pour t'assurer que ce soit bien humide, puis, tu me les donnes.

Elle hocha la tête et commença à tremper la première tranche, souriant à cause de la texture du mélange.

-Je déteste les oeufs crus, chuchota-t'elle doucement en tournant la tranche. C'est tout gluant et...

Elle fit une face de dégoût, avant de me tendre la tranche. Je souris en la laissant tomber dans la poêle, dans un joli bruit de cuisson.

Je rigolais avec Astrid, parce qu'elle faisait une drôle de face à chaque fois que ses doigts touchaient aux oeufs. Et à la dernière tranche, lorsqu'elle voulu essayer de la faire sauter, comme dans les émissions de cuisine, je me plaçai derrière elle.

Elle prit la poêle à deux mains, me jeta un coup d'oeil amusé, avant de lever la poêle du rond.

-Oh mon dieu, dit-elle en éclatant de rire en voyant que la tranche n'avait pas bougé d'un poil de la poêle. C'est complètement raté!

Et son rire franc me fit rigoler aussi, parce qu'il fallait avouer que niveau cuisine, elle était un peu nulle.

-Je ne suis pas une boulangère, moi, dit-elle en déposant quelques framboises par-dessus son pain perdu. Ce n'est pas inné, chez moi, de savoir comment faire du pain perdu ou de casser des oeufs...

Elle me fit un clin d'oeil avant de verser un filet de sirop d'érable. Une goutte du liquide doré tomba sur le comptoir et elle passa son doigt dessus, avant de le mettre dans sa bouche, souriant en goûtant le goût sucré.

Nos assiettes garnies, elle alla s'asseoir sur le canapé, en indien. Je fis comme elle et lui tendit un couteau et une fourchette, avant de me mettre à parler.

Elle rigolait et je m'amusais bien aussi, tout en mangeant mon pain perdu. Astrid était drôlement joviale, aujourd'hui. C'était peut-être parce qu'elle avait réussie à repêcher une histoire fantastique, peut-être simplement parce qu'elle avait envie d'être dans cet état d'esprit, mais je devais avouer que je ne voyais pas le temps passer.

Nous avions tous les deux terminés de manger et Astrid était en train de regarder l'étagère de disque de musique, que j'avais.

Je rangeais la cuisine, tout en la regardant sourire devant l'étagère remplies de mélodies et de notes harmonieuses.

Elle tira quelques albums, hochant la tête en souriant encore, avant de se tourner vers moi.

-Ça te dit qu'on aille se balader? demanda-t'elle en croisant ses bras sous sa poitrine, un petit sourire en coin sur les lèvres.

Hochant la tête en souriant, elle me suivit dans ma chambre, après m'avoir demandé de lui prêter une paire de bas, pour qu'elle n'ait pas encore froid aux pieds, malgré ses bas de laine.

Elle s'assied au bout de mon lit et enfila les chausettes que je venais de lui passer, avant de sourire en me regardant enfiler un chandail plus chaud.

Elle prit ses bottes sur le radiateur de la salle de bain et vint me rejoindre dans l'entrée. J'avais déjà enfilé mon manteau et mes bottes, la regardant boutonner chaque bouton de son simple manteau sans histoire fantastique.

Son gros foulard installé, nous quittâmes la maison, vers vingt heures, pour aller se balader.

Le sol était mouillé et le ciel était sombre. Il ne pleuvait pas mais l'air était glacial. Disons que ce n'était pas les meilleures conditions pour se balader, mais la présence d'Astrid près de moi suffisait à me réchauffer, un peu.

Les mains dans les poches, je la regardais de côté en souriant, alors que nous nous promenions dans un des grands parcs de Londres. Il y avait quelques personnes qui passaient, sacs de provision ou mallette en main.

-Dis, murmurais-je en la regardant, tu veux bien me raconter l'histoire de tes bottes?

Elle releva les yeux vers moi, puis les déposa sur ses bottes, avant d'arrêter de marcher.

-Seulement si tu me dis l'histoire des tiennes, après, chuchota-t'elle en regardant mes bottillons.

-Marché conclu.

Et alors que nous marchions dans la pénombre, au travers des grands arbres dénudés de feuilles, elle se mit à me parler de l'Allemagne.

C'était après son escale en Norvège, mais avant son escale au Danemark.

-Je me souviens que je regardais chaque rue, chaque maison, chaque humain en me demandant si ma mère avait regardé l'Allemagne comme je la regardais, à ce moment-là. J'essayais de me l'imaginer, petite, en train de courir dans les rues, avec ses nattes blondes et ses yeux bleus. Je l'ai toujours envié, d'avoir ce physique purement aryen, tu sais. Ses cheveux blonds doux, ses yeux calmes et tristes, sa peau pâle. Alors que moi, j'avais un prénom allemand et un physique juste... normal. De simple cheveux bruns, des yeux bruns innocent et une peau normale.

J'étais assise sur ce banc, en pleine capitale Allemande, à penser à ma mère, que j'avais quittée quelques mois avant. Je l'avais quittée et voilà que je la retrouvais, d'une certaine façon. Je n'ai jamais été très proche d'elle, elle était froide et peu sensible, sans être méchante et ignoble. Ce n'était juste pas dans sa nature. Je savais qu'elle m'aimait, qu'elle s'inquiétait, mais elle le montrait très rarement. C'était une femme triste. Elle avait quitté l'Allemagne dans les années 80, pour venir s'installer en Angleterre. Je n'ai jamais su pourquoi, d'ailleurs. Peut-être parce qu'elle avait honte de son pays. C'était une militante de la paix, tu sais. Peut-être simplement parce qu'elle avait goût d'aventure. Je ne sais pas.

Et donc, alors que je pensais et que je l'imageais, plus petite, j'ai simplement souri et j'ai regardé devant moi. Il y avait un vieille cordonnerie. Je me suis avancé vers la boutique et j'ai tiré la porte. Il y avait une clochette, pour annoncer l'arrivée des clients. Comme dans ta boulangerie. J'ai souri au vieil homme qui était en train de travailler, derrière un comptoir. Sur les murs, il y avait pleins de souliers et d'accessoire. Mais entre tout ça, si on prenait bien le temps d'observer, il y avait des tas de photos, de souvenirs, d'antiquités, d'objet uniques. Il fallait simplement ouvrir l'oeil. Le vieil homme, voyant que moi, j'avais ouvert l'oeil, s'est approché. J'étais obnubilée par tout ce que je voyais, par les souvenirs de mon pays, en quelque sorte. Je n'ai peut-être pas le physique typique d'une allemande, mais cette journée-là, je me souviens d'avoir souhaité que ma mère soit avec moi et qu'elle m'en parle. Qu'elle me dise à quel point les fleurs étaient jolies, à quel point on y mangeait bien, à quel point le ciel était bleu.

C'est le vieux cordonnier qui me parla de l'Allemagne. Je me suis assise sur un vieux banc de métal et je l'ai écouté parler, avec la base d'allemand que j'avais, durant tout l'après-midi. Je rigolais avec lui, pendant qu'il travaillait sur une paire de bottes. Je ne les avais même pas remarquée, durant notre conversation. Il m'avait offert de la bière et des chocolats et même un sandwich. Je souriais en notant quelques trucs dans un calepin, un peu nostalgique que ce soit un inconnu qui m'en parle, plutôt que ma propre mère. Peut-être que c'était mieux ainsi, après tout. Il me parlait de tout, ce cordonnier. De la guerre, du bon temps, du mur de Berlin et de la bière. De tout.

Il levait parfois les yeux vers moi, me zieutait de haut en bas et retournait travailler sur la paire de botte. Quand la journée tira à sa fin, que les rues devinrent moins bondées et que le soleil laissait tranquillement place à la lune, il a arrêté tout mouvement et m'a demandé d'enlever mes chaussures. J'ai obéi, un peu curieuse. Il a placé les bottes devant moi et m'a demandé de les enfiler. Un peu inquiète quant à la grandeur, j'ai quand même pris la peine de les chausser. Et elles m'allaient comme un gant. Lorsque les deux furent dans mes pieds, j'ai relevé les yeux vers le cordonnier, qui souriait en hochant la tête. Il m'a alors expliqué leur origine. Ces bottes, il les avaient trouvé dans un vide grenier, lors d'un voyage en Amérique. Elles étaient dans un pitoyable état, mais tout en me parlant de l'Allemagne, il avait réussi à les rendre jolie, tout en gardant leur aspect vieillot. Elles étaient dans mes pieds et je l'écoutais me parler des bottes.

À la fin, alors que j'étais déjà folle amoureuse de cette paire de bottes remplies de souvenirs, le cordonnier m'a dit, et je cite: Unverhoft kommt oft.

Elle arrêta de parler pendant quelques instants, me fit un joli sourire et se remit à sourire.

-L'inattendu est souvent arrivé, si je traduis. Il a pris mes deux mains, m'a souhaité bonne chance et il m'a laissé partir, en prenant mes vieilles bottes dans ses mains. J'ose espérer que mes bottes du temps sont maintenant dans les pieds de quelqu'un et que cette personne soit un peu comme moi, friande d'objet et d'histoire. Pour ce qui est du proverbe, je l'aime beaucoup. Tu sais, on a souvent tendance à attendre un truc, attendre quelque chose, espérer trouver l'amour, espérer gagner au loto, souhaiter de réaliser son rêve, de vivre un truc de malade, d'être riche et célèbre, d'avoir une promotion... Et souvent, il suffit juste d'ouvrir les yeux, je pense. À force de trop espérer, on oublie le présent, on est aveugle de notre monde. On passe à côté de beaucoup de chose. Alors que ce qu'on veut réellement est souvent juste sous nos yeux. •

J'avais arrêté de marcher, comme elle. Nous étions en plein milieu du trottoir et je la regardais, abasourdi par sa façon de voir les choses et sa façon de les vulgariser. Une simple histoire de bottes qui, finalement, devenait une histoire morale et remplie de sens.

Je me mis à sourire en regardant ses yeux, qui brillaient dans le noir. Et ses bottes, qui signifiait tellement, pour elle.

Elle se mit à sourire aussi, avant d'hausser les épaules et de me fixer.

-C'est mon histoire préférée, je pense. Je ne l'ai jamais dite à personne. En fait, personne ne connaît ma passion des histoires. Et ma mère, quand elle m'a demandé d'où venait ces bottes, je lui ai simplement dit que je les avait acheté dans un marché au puce. Je n'avais pas envie qu'elle sache toute la gamme d'émotion par laquelle j'étais passée, avec ce cordonnier. Je n'avais pas envie qu'elle sache à quel point j'étais déçue qu'elle ne m'ait pas parlé de mes racines. C'était mon histoire, mon cordonnier, mon Allemagne et mes bottes.

En ce moment, je venais de réaliser que j'étais la seule personne à connaître la fabuleuse Astrid Bennet, collectionneuse d'histoires, d'objets et de nombreux témoignages.

***
j'adore ce chapitre
🇩🇪
l.xx

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