Pulling a Bradbury

By somebaudy

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“Écrire un roman, c’est compliqué: vous pouvez passer un an, peut-être plus, sur quelque chose qui au final... More

Et Tchèque et mat
Le canard se fait un sang d'encre
L'évêque qui reniflait des emballage de hamburgers encore tièdes
La descente aux affaires
La Sylverfield
Une île privée dans les Caraïbes
Le centre du monde
Le Yacht du Sultan du Brunei
Dix kilomètres à la ronde
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La sauce pickles se mangeait en famille
Cousu de fil noir
L'averse de 13 h 37
Jeunes MR, menottes et poney
Borsalino à Barcelone
Baron Chlorhydrique
nodipuC
Il a pas un peu grossi, Bruce Willis ?
Dans la vie, on a toujours le choix
Noces d'Uranium
Floraline et le raton laveur

Demain est une drôle d'idée

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By somebaudy

Bruxelles (plus précisément Schaerbeek), dans un passé pas du tout lointain

Je suis tombé sur le facteur en rentrant du bureau de poste de l'avenue Plasky. J'avais mon formulaire de changement d'adresse en main quand nous nous sommes fait peur dans le hall de l'immeuble. Nous avons eu peur pour la même raison : aucun de nous deux ne s'attendait à rencontrer quelqu'un d'autre dans cet immeuble. Moi, parce que j'étais le premier et le seul habitant de cet immeuble, lui parce que c'était la première fois qu'il avait du courrier à déposer à cette adresse.

Nous deux, en chœur :

— Vous m'avez fait peur !

Lui :

— J'ai un courrier pour Paul Quertinmont. Je suppose que c'est vous ?

— Vous supposez bien ?

— Ça dit que vous avez la boîte 3A, mais je ne trouve pas la boîte 3 A.

Nos regards ont convergé vers les boites aux lettres. Un léger film plastique protégeait encore leur virginité. Aucune d'elle ne portait de nom ou de numéro.

— C'est probablement un courrier du propriétaire pour me dire laquelle est ma boîte aux lettres.

— En attendant, je vais vous le donner en main propre, mais mettez-vous en ordre de boîte aux lettres rapidement s'il vous plaît. On a de moins en moins temps pour les distributions.

Je tendis la main pour recevoir, à n'en pas douter, une enveloppe en Conqueror crème contenant un bristol de bienvenue en 120g/m2. Peut-être même du 160.

Eddy a plongé la main dans sa sacoche en cuir et en a sorti...

Une carte postale de Durbuy.

Il a marmonné une salutation d'au revoir et je ne sais plus si, sous l'emprise de la surprise, j'ai eu le réflexe de réciproquer.

Le recto montrait Durbuy vu d'avion ou de Montgolfière. Je n'ai plus mis les pieds à Durbuy depuis qu'en route vers le Luxembourg pour admirer l'éclipse du 11 aout 1999 j'y suis tombé en panne de voiture.

Le verso portait un timbre banal, mon nom, mon adresse, la boite postale. Un bic bleu banal a tracé des lettres qui ne disent pas beaucoup sur celui ou celle qui les a tracés. Dans la case réservée au texte il y avait.

On passe de super vacances. On pense à toi ! Foutue appendicite. Bisous de Manon, Louis et moi-même bien sûr. Mon propriétaire étant un couple de messieurs : ce n'était donc pas eux qui poussait le service après-vente jusqu'à me tenir informé du bon déroulement de leurs vacances.

J'avais pris ma journée pour diverses démarches administratives. J'ai décidé de rentrer à l'appartement et de me faire un thé vert.

Vous voyez l'odeur enivrante d'une voiture neuve. Multipliez ça par autant que vous voulez, vous n'arriverez pas à vous imaginer quel pied j'ai pu prendre en aspirant de pleines poumonées d'air neuf d'appartement neuf dans un immeuble neuf. Qui d'autre s'est trouvé à ma place ? Louis XIV à Versailles ? Un pharaon dans sa pyramide ? Mitterrand dans la sienne ? George Washington dans la Maison-Blanche ?

Le mobilier de mon appartement avec Zoé était dispersé chez divers antiquaires et brocanteurs. J'étais dans du Habitat et un peu de Ikea. Quand le chèque de l'assurance est arrivé, l'image de la carcasse de sa Panda et du camion m'est brièvement revenue. Le cadeau d'adieu de Zoé c'était ça : un appartement blanc comme une page et des meubles qui avaient encore l'apprêt du neuf.

Je me suis versé une tasse de thé sur ma coffee table, j'ai retiré mes pieds des mocassins et j'ai cherché une explication raisonnable. Celle qui m'a paru la plus raisonnable : un message des services secrets d'un pays ou d'un autre qui n'a pas trouvé son destinataire. J'ai allumé la télé. Elle parlait d'attentat dans le métro de Londres. J'ai éteint la télé, allumé mon portable et commencé à répondre à quelques mails professionnels.

Je sortais le sac-poubelle blanc plein de gobelets, de sachets de chips vides, de papier cadeau et d'assiettes en carton pleines de traces de taboulé, de salade et de gâteau au chocolat quand j'ai vu que les boîtes aux lettres avaient reçu leurs étiquettes. Mon nom n'était pas encore sur la mienne. J'étais toujours le seul occupant de cet immeuble. J'allais enfin pouvoir poser l'autocollant indiquant que je ne souhaite pas recevoir de publicité ni de presse gratuite. Machinalement, je l'ai ouverte, probablement pour renifler son odeur de neuf et admirer son vide lisse et mat.

Une surface brillante tapinait au fond de la boîte. Elle jetait des reflets dorés autour d'elle. Une grande vue et deux petites de Tamariu. Au dos « Very nice holiday. Sheila scored with a kraut, caught crabs. XOXOX ».

Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai allumé mon Toshiba, cherché un peu après un numéro de téléphone. J'ai cherché pendant un quart d'heure après le site de la sûreté de l'état. Rien. Rien de rien. J'ai fini par trouver un numéro de téléphone, en appelant les renseignements, à l'ancienne.

— Bonjour, est-ce que vous envoyez des messages secrets sous forme de cartes postales à mon adresse par hasard ?

Oui, j'ai vraiment dit ça à «  Sureté de l'état, Staatsveiligheid goiemorgenbonjour ».

— Je vous passe quelqu'un.

Quelqu'un. Le service psychiatrique d'un hôpital ? Un barbouze qui me donnera rendez-vous dans une station de métro où je serai pris d'un spleen aussi soudain que définitif ?

— De Greef à l'appareil.

— Bonjour Monsieur, comme je l'ai dit à votre collègue de l'accueil, je me demande si dans mon courrier il y aurait, par le plus grand des ha—

— Des cartes postales de quel endroit, Monsieur ?

Je lui ai décrit les cartes postales, leur recto, leur verso, les tranches, le timbre, l'écriture, l'encre, la couleur de l'encre. J'ai même été prié de les renifler.

— J'envoie un coursier. On va vérifier. Ce n'est probablement rien d'important, Monsieur Quertinmont.

— Je... Je vous ai dit mon nom ?

— Non.

Seize minutes plus tard, j'entendais ma sonnette pour la première fois. Après une fausse manœuvre, je suis parvenu à ouvrir la porte de l'immeuble. Un homme athlétique grimpait les escaliers cinq à cinq.

— Monsieur Quertinmont, Paul

— Vous ne pouvez pas vous tromper, je suis seul dans cet immeuble.

— Vous n'êtes pas seul puisque je suis là.

— Oui, mais ce que je voulais dire c'est qu'habituellement je suis seul ici.

— Bien sûr. Les cartes postales, s'il vous plaît ?

Je lui ai tendu les cartes postales en les tenant par les coins, le moins possible.

— Il est possible que j'aie effacé des empreintes digitales en les manipulant.

— Ne vous inquiétez pas pour ça, monsieur. Merci d'avoir fait votre devoir citoyen. Nous ne vous tiendrons pas au courant. Belle journée.

Et cinq secondes plus tard, il était déjà deux étages plus bas. Je suis arrivé à la fenêtre qui donne sur la rue juste à temps pour voir une moto sportive sans gyrophare ni rien disparaître vers la chaussée de Louvain. D'après le bruit, elle était puissante et rapide.

Le temps a fait comme les voitures sur la chaussée de Louvain : inlassablement, il est passé. Contrairement au trafic automobile, le temps s'écoule dans un seul sens, ce qui veut dire qu'une moitié des automobilistes reculent quand ils pensent avancer. Le plus difficile est de savoir à laquelle des moitiés on appartient.

Je recevais du courrier normal à une fréquence normale. Ces messieurs du téléphone, de l'électricité, de l'internet et quelques autres m'informaient par des courriers un peu secs, mais très colorés qu'ils souhaitaient de ma part menue monnaie. De temps en temps, une pizzeria en phase de lancement n'obéissait pas au petit autocollant et me glissait un A5 ou une brochure en quadrichromie.

Zoé se promenait encore dans mes rêves. On faisait des courses chez Habitat pour l'appartement.

- Tu commences à quelle heure aujourd'hui, Zoé ?

C'est en secouant gentiment mon deuxième oreiller pour qu'il me réponde que je me suis complètement réveillé.

Le lundi qui a suivi, une société dont vous connaissez tous et toutes le nom a rejoint la clientèle du cabinet. Le Parlement européen se préparait à voter un petit quelque chose pas complètement en ligne avec sa politique commerciale. J'ai plongé dans ce dossier jour et nuit.

À la cantine du parlement, place du Luxembourg ou bien dans des endroits plus chics et discrets, j'avais du monde à rencontrer, des argumentaires à dérouler, des comptes-rendus à rédiger, des notes de frais à remplir. Mon foie garde de cette période un souvenir douloureux. Ma vie est devenue une longue suite de nappes blanches, de nuits blanches dans lesquelles je broyais du noir.

Je ne pouvais pas rester seul habitant de cet immeuble éternellement. De toute façon, il avait fini de sentir le neuf. D'après sa boîte aux lettres, elle se prénomme Amandine. Son nom de famille n'a pas d'importance. D'après mes yeux, elle a entre 28 et 31 ans, des jambes bronzées, galbées et dorées, un goût pour les robes légères à toutes petites fleurs et elle effectue ses achats au Colruyt de l'avenue de Roodebeek, ce qui laisse supposer un lourd passé dans un mouvement de jeunesse.

Elle m'a emprunté mon ouvre-boîte le jour de son emménagement. Le sien était « quelque part dans une caisse marquée cuisine. ». Elle a une pointe d'accent liégeois, des yeux piscine. Quand elle descend, ses ballerines volent deux ou trois millimètres au-dessus des escaliers. Quand elle monte, nous nous croisons parfois dans l'ascenseur.

— J'espère que mon piano ne vous dérange pas.

— Vous avez un piano ?

— J'en ai joué hier soir. Je ne vous ai pas dérangé au moins ?

J'envoie un large sourire.

— Rien entendu. L'insonorisation est parfaite.

— Pour le prix qu'on paye, elle peut.

D'un « ding » électronique, l'ascenseur, sadique, met un terme à cette conversation. Il fait beau, elle ira jusque Tractebel en vélo. Il faut que je pense à lui demander ce qu'elle y fait exactement. Je sais ce qu'elle me fait exactement : Zoé vient de moins en moins dans mes rêves. Je commence à avoir moins mal à son absence.

J'avais la tête au Danemark (ses sirènes, ses briques en plastiques, ses eurodéputées compréhensives) quand j'ai ouvert ma boîte aux lettres. Je suis retombé à Schaerbeek très vite.

Une enveloppe ordinaire, une écriture tellement penchée vers la droite qu'on dirait qu'elle va tomber, une adresse d'expédition impossible à déchiffrer. Le seul truc lisible c'est le code postal : 1000. Bruxelles. Aucun renseignement.

Amandine est entrée dans le hall quand j'étais en train de contempler l'enveloppe. Elle m'a fait un petit clin d'œil et elle a claqué ses bottes fourrées sur le rebord du trottoir.

— On ferait un sapin pour le hall d'entrée ?

(Je ne peux pas te répondre, Amandine, tous mes neurones sont en train de passer cette enveloppe au détecteur de problèmes.)

— Ça serait sympa même si on n'est que deux à y passer. Je veux bien payer.

— Oh, je peux en ramener un du Delhaize. Ils en ont des petits qui iront très bien.

— C'est parfait, j'ai des boules et des guirlandes.

Mentalement, je l'ai visualisée, une paire de boules de Noel en main. Bon sang, mais c'est bien sûr ! Ce courrier bizarre ne peut être qu'une bonne cause quelconque qui a eu mon adresse je ne sais comment et qui souhaite me soulager d'au moins le montant qui donne droit à une exonération fiscale.

Amandine s'est éclipsée dans un nuage qui sentait bon le frangipanier. J'ai déposé l'enveloppe sur la tablette dans l'entrée. C'est plus tard, après quelques mails professionnels et une demi-bouteille de Sauternes que je l'ai ouverte.

Mon grand loup,

J'espère que mes deux cartes postales ont attiré ton attention. Je sais que ton cœur est libre et j'aimerais m'y lover bien au chaud, pour faire le compte exact de toutes nos affinités.

Ne change rien, tu es beau comme tu es. Chaque fois que je te vois, je fonds. Laisse-moi un peu de temps pour m'habituer à la force de frappe de ta séduction. Quand je ne serai plus une flaque chaque fois que je penserai à toi, je te proposerai un petit repas dans un endroit sympathique.

La signature était l'empreinte d'une bouche de taille ni petite ni grande. Un rouge à lèvres vif.

Comment ne pas soupçonner Amandine d'être tordue ? Elle aura fait du charme à mes propriétaires. Elle est cintrée, elle a deux fils qui se touchent, elle a un grain, elle a un bug dans son logiciel, elle est bonne à enfermer, elle est dérangée de la méninge, elle a le cerveau aux fraises, elle pédale dans le vide, elle a une fissure au plafond, la foudre est tombée sur son clocher. Bref : elle a besoin de parler avec un professionnel de « je vous écoute » et de gober de la petite pilule rose comme si c'était des pastilles à la menthe.

J'ai été tout de suite un peu plus froid avec Amandine lors de nos rares contacts.

La Saint-Valentin commençait à se montrer dans les rayons des supermarchés quand l'ascenseur s'est ouvert à mon étage. Amandine et un grand dandy métis étaient en train de rouler une pelle grande comme un bulldozer. En entrant dans l'ascenseur, j'ai vérifié qu'il n'y avait pas une flaque de leurs salives au sol et supposé que mes aventures postales avaient trouvé une fin paisible.

Ma boîte aux lettres n'a pas été de cet avis.

Dix bonnes journées après être tombé sur Amandine et son chevalier léchant, le protocole habituel. L'enveloppe, comme on en trouve des millions. L'écriture penchée. Je n'ai pas attendu d'être chez moi pour l'ouvrir.

Mon amour de feu, ne trouves-tu pas que demain est une drôle d'idée ? Demain est un jour formidable. Demain est inoubliable. Demain est le jour où nous allons enfin pouvoir nous rencontrer.

Demain, je porterai une robe comme je sais que tu les aimes, un peu de parfum et peut-être bien que ce sera tout.

Demain, je ferai mon entrée au Falstaff. Nous nous sommes choisis l'un à l'autre en pensées, actions enfin notre union. Notre amour sera enseigné dans les livres d'histoire. Ensemble, parcourons le verger de l'amour et goûtons ses fruits les plus sucrés.

Demain à quinze heures précises, je me dirigerai vers toi. Naturellement tu porteras notre signe de reconnaissance rien qu'à nous deux. Une écharpe noire à pois blancs. J'en ai vu une si belle rue Neuve l'autre jour. J'ai pensé à toi qui la porte et à comme elle me donnerait encore plus envie de t'embrasser.

Demain est une drôle d'idée, demain est à portée de main. Il me tarde tant que demain devienne aujourd'hui...

Signature au rouge à lèvres.

P.S. J'ai été obligée de changer de culotte en écrivant cette lettre. Deux fois. Demain ! Vite !!

En achetant une écharpe noire à pois blancs (Olivier Strelli, Inno si ce genre de détails vous intéressent), je n'ai pas pu m'empêcher de penser « est-ce que je fais le jeu de la campagne de publicité la plus tordue de tous les temps ? ».

J'ai noué mon écharpe sur mon armani pétrole. En passant par le rayon parfumerie je me suis vaporisé un peu de guerlain et je me suis dirigé vers le Falsftaff.

J'ai poussé la porte du Falstaff une demi-heure avant l'heure du rendez-vous. Toutes les tables avaient un point commun : elles étaient occupées par un homme seul, bien habillé, une écharpe noire à pois blancs autour du cou..

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