Bonjour à tous ! Me voici de retour un jour plus tard que prévu ! Comme annoncé, j'ai fait une petite pause pour les fêtes de Noël pour me permettre de profiter de ma famille et reprendre un peu d'avance. Malheureusement, je dois vous apprendre l'échec de la mission parce que j'ai passé presque littéralement UN MOIS à être malade... D'où le retard de ce chapitre que j'ai eu bien du mal à trouver l'énergie d'écrire... (eh oui, je suis encore malade à l'heure où je vous parle...). Cela dit, j'ai bien l'intention de reprendre mon rythme de publication et vous aurez donc un nouveau chapitre le jeudi dans deux semaines, comme d'habitude. Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture !
***
Quelqu'un me secoua doucement l'épaule.
« Mademoiselle. » m'appela une voix.
J'ouvris lentement les yeux, émergeant tranquillement de mon sommeil pour constater que Geun Rye se tenait au-dessus de moi, l'air préoccupé. Je pris un moment pour reprendre conscience du monde qui m'entourait sans qu'elle ne me brusque. Si je me fiais à la luminosité, nous devions être en milieu d'après-midi.
« Vous êtes réveillée ? » me demanda Geun Rye, ayant l'air de réfréner une quelconque impatience.
« Oui. » lui répondis je en me redressant d'un seul coup.
Je me sentais étonnamment bien. En fait, je ressentais toujours la solitude et le désespoir qui m'avaient fait perdre pied avec la réalité mais en arrière-plan, sans que ce soit douloureux, un peu à la manière d'un membre coupé dont on se souvient la sensation sans plus éprouver la douleur d'une blessure qui s'est refermée avec le temps.
« Est-ce que vous allez bien ? » s'enquit la servante qui avait l'air de sérieusement douter.
« Ça va. » assurai je. « Est-ce qu'il y a un problème ? »
Je doutais qu'elle m'aurait réveillée s'il n'y avait pas quelque chose qui le justifiait. Si elle ne m'avait pas encore dit de quoi il retournait, c'est qu'elle devait avoir des inquiétudes quant à ma capacité à recevoir une mauvaise nouvelle ou quelque chose dans ce gout-là. Je ne pouvais pas vraiment dire que je ne lui avais pas donné de raison de s'inquiéter, dernièrement.
« La reine demande à vous voir. » m'informa-t-elle finalement.
Je soupirai. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas essayé de m'embêter, celle-là. Mais bon, même si ça m'embêtait de devoir perdre du temps avec elle, au moins, je me sentais d'attaque.
Je tapai donc mes mains sur mes cuisses, acceptant la fatalité, et me levai avant de défroisser un peu mes habits. Ça ferait l'affaire. Je n'aurais pas la patience de subir une séance de relooking avant d'aller me faire engueuler pour une raison si absurde que je n'arrivais même pas encore à l'anticiper.
« Allons voir ce que me veut cette enquiquineuse. » déclarai je, sous le regard choqué de Geun Rye qui ne devait pas concevoir qu'on puisse parler ainsi de la reine. « Je vais y aller avec Yeo Sang, tu peux rester là. » lui indiquai je.
Et je me dirigeai d'un pas décidé vers la sortie du pavillon.
Une fois à l'extérieur, je fus immédiatement rejointe par Yeo Sang qui fronçait les sourcils. Je décidai de l'ignorer. Je me sentais bien alors ce n'était pas le moment de me mettre de mauvaise humeur avec des bavardages inutiles.
« Tu penses que c'est vraiment une bonne idée de foncer bille en tête chez la reine ? » me demanda-t-il néanmoins, restant sans effort à ma hauteur.
« Il faut que j'essaie de régler les choses entre nous une bonne fois pour toutes, histoire qu'elle arrête de me faire perdre mon temps. » lui répondis je en continuant d'avancer avec détermination.
Si je pouvais au moins lui faire comprendre de me lâcher les basques... Parce que j'avais d'autres choses à gérer que ses états d'âmes royaux.
« Aller te confronter à elle avec un tel état d'esprit et sans préparation ser... »
« Oh, ta gueule, Yeo Sang. » le coupai je.
C'était bien de pouvoir s'entendre réfléchir, à un moment, aussi.
Je savais que ce n'était pas très sympa pour lui mais actuellement, je me sentais tout de même un peu en colère. C'était comme si retrouver mon énergie avait aussi réveillé en moi tout l'agacement accumulé jusque-là. J'en avais vraiment ras le bol de tout ce qui se passait et je trouvais injuste de me retrouver là à galérer contre tout et tout le monde pour une petite chose simple : pouvoir retrouver ma vie normale et ennuyeuse.
Si un jour je retournais chez moi, promis, je ne me plaindrais plus de la fac, je ferais diligemment mon travail, je n'éviterais plus mes parents et les encouragerais à se réconcilier. Qu'on me donne cette chance et je saurais apprécier la vie confortable et sécurisée dont je n'aurais jamais dû me plaindre.
Dans tous les cas, Yeo Sang trouva apparemment préférable de me laisser tranquille le temps du trajet.
Arrivée devant les appartements de la reine, on me fit patienter à l'extérieur le temps que la reine paraisse. Ce que c'était bien de pouvoir convoquer les gens à sa guise juste pour les faire poireauter...
Heureusement, elle ne mit pas trop de temps, non plus. Elle s'inclina légèrement en me voyant tandis que je lui rendais un salut bien profond, bien comme il faut, tout comme on m'avait appris. Pas que j'en avais envie mais ça ne servait à rien de chercher les ennuis en premier. Il fallait d'abord que je sache ce qu'elle me voulait, exactement.
« J'imagine que vos lacunes finiront par être comblées au fur et à mesure. » ne put elle s'empêcher de faire remarquer, l'air hautain.
Il fallait toujours qu'elle soit agréable, bien sûr.
Je ne répondis rien. De toute façon, je m'attendais à m'en prendre plein la figure, peu importait la raison.
« Allons-nous promener. » décida-t-elle, comprenant que je ne répliquerais pas et n'attendant visiblement aucun assentiment de ma part.
Au moins, elle proposait une rencontre en extérieur avec plein de potentiels témoins s'il se passait quoi que ce soit. Je pouvais imaginer que ça équivalait un signal de non-agression, ce qui était assez étrange. Qu'est-ce qu'elle cherchait si ce n'était pas la guerre ? Elle se contentait de marcher sans rien dire, laissant la réponse à mon imagination.
Après un moment à avancer ainsi, je ne trouvais toujours pas.
« Je dois admettre que je m'y suis bien mal pris, avec toi. » finit elle par amorcer la conversation.
Je haussai un sourcil. Peut-être que son silence prolongé était dû à une délibération interne sur comment présenter ses excuses sans trop avoir l'air de s'excuser. Si c'était bien de cela qu'il s'agissait. Dans tous les cas, il valait mieux que j'attende qu'elle développe.
« Je n'ai pas pris en compte que tu étais une jeune femme capable de lire et parler dans une autre langue que la tienne. Une femme avec qui l'on peut, à priori, raisonner. » poursuivit elle, me surprenant encore plus.
Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me passe de la pommade. Est-ce qu'elle attendait quelque chose de moi ?
« Je fais de mon mieux pour m'adapter à Joseon et ses règles. » dis je prudemment, avançant une réponse générique comme je ne savais pas où elle voulait en venir.
Je ne voulais pas donner l'air d'être trop réceptive à des excuses qui étaient peut-être fausses et qui déboucheraient peut-être sur une demande à laquelle je n'avais pas du tout envie d'accéder. Il fallait se méfier de tout le monde, ici et la reine ne faisait pas vraiment partie de mes amis.
« Néanmoins, il y a des règles que tu enfreins toujours sciemment. » me répliqua-t-elle avec un agacement certain mais contenu. Difficilement contenu, quand même. Je sentais qu'elle faisait de son mieux pour ne pas exploser de colère.
Mais on y était. C'était le sujet qu'elle voulait aborder. Elle voulait encore me parler des visites du roi. C'était son obsession. Mais qu'est-ce que j'y pouvais, moi ? Absolument tout le reste de l'univers semblait vouloir que je continue de le rencontrer...
« Je pensais que vous aviez fini par comprendre que les visites du roi n'étaient pas de mon fait. » décidai je de lui dire sans essayer de tourner autour du pot. « Et si vous avez continué à garder un œil dessus, vous vous serez rendu compte que c'est lui qui vient à moi et jamais l'inverse. » fis je valoir, quasi certaine qu'elle continuait de m'espionner.
La reine hocha la tête.
« Il est bien pour une jeune femme de savoir de savoir où doivent se situer ses limites. » me dit-elle, contenant toujours son agacement. « Mais il est encore mieux pour elle de savoir les poser afin d'éviter toute situation qui pourrait être mal interprétée. » essaya-t-elle de me faire comprendre.
Oui, oui. J'avais bien compris. Elle voulait que cette situation cesse, officiellement parce que c'était inconvenant et officieusement parce qu'elle ne supportait pas que son mari puisse avoir un semblant de sentiments pour moi.
« Donnez-moi la solution qui fera cesser les visites du roi et je suivrais vos recommandations immédiatement et à la lettre. » lui assurai je avec aplomb.
Evidemment, je ne pouvais pas tenir une telle promesse. Peu importe comment on retournait la situation, le roi devait me permettre de m'en sortir en vie. Mais je pensais bien que la reine n'avait aucune solution viable à me proposer. Je comptais là-dessus.
En effet, elle soupira.
« C'est ce qui est agaçant avec toi. » souffla-t-elle, contrariée. « Tu n'essaies pas d'être dans la rivalité et je ne peux pas te détester à ma guise. »
Je haussai un sourcil. Au moins, elle l'avait remarqué. Mais d'où lui venait cette soudaine sagesse ?
« Que tu ne puisses pas te défaire de San pour le moment, bien malgré moi, je l'entends. » concéda-t-elle à contrecœur. « Néanmoins, tu es une femme fiancée et cette relation inconvenante le deviendra encore plus lorsque tu seras mariée. Et non seulement cela pourrait mener à ta mort mais cela pourrait aussi nuire à la réputation de San. Un roi est un roi et il se doit d'être exemplaire pour guider son peuple. Il ne peut pas dévoyer de femme mariée. » asséna-t-elle.
« Je ne pense pas que ce problème puisse se présenter. Lorsque je serais mariée, je serais aux côtés du prince Seong Hwa en permanence. » supputai je.
Si seulement cet argument pouvait balayer tout le reste. Mais j'avais peu d'espoir.
« J'ai bien peur que ce soit précisément à ce moment-là que tu tombes amoureuse de San. » soupira-t-elle.
« A cause de son charme irrésistible ? » ironisai je.
Elle lui trouvait peut-être quelque chose d'incroyable mais pour moi, c'était seulement un très bel homme avec beaucoup de problèmes et un petit côté idiot. Et elle le savait visiblement puisqu'elle sous-entendait que je n'étais pas amoureuse de lui pour le moment.
« Parce que Seong Hwa te fera vivre un enfer. » me détrompa-t-elle.
Je retins un haussement d'épaules. Je doutais fortement que le prince Seong Hwa soit enclin à me faire du mal, peu importe comment. Mais il avait voulu faire croire à tout le monde qu'il ne m'appréciait pas donc... C'était logique que la reine pense ainsi. Il arrivait à tromper son monde à sa guise, pour sa part.
« Je n'ai pas tant d'appréhension. » voulus je tout de même calmer la reine.
Ça ne deviendrait pas ma grande copine mais si on pouvait avoir un semblant de paix le temps que c'était possible... Je ne voulais vraiment pas prendre sa place mais je préférais qu'elle ne décide pas de me faire tuer avant que ça n'arrive.
« On dirait que tu es quelqu'un d'une grande force morale. » concéda-t-elle, contenant à nouveau son agacement, comme si m'attribuer des qualités lui était difficile. « Une qualité indéniable pour n'importe quelle femme vivant à la cour. Mais je crains de ne pouvoir être aussi optimiste que toi car je connais bien Seong Hwa. » soupira-t-elle. « Pour être honnête, il a été mon fiancé avant que sa mère... »
Elle tût le reste, sans doute par une règle de bienséance obscure dont je n'avais pas eu vent. Ou alors, c'était simplement qu'elle ne voulait pas s'avancer plus loin sur le sujet.
Je hochai la tête. Elle avait dû être fiancée au prince héritier. Le prince héritier avait changé donc elle avait aussi changé de fiancé. Apparemment, ça ne l'avait pas beaucoup affectée. Quant à savoir ce qui était arrivé avec le prince Seong Hwa pour qu'elle semble me plaindre de l'épouser...
« Cela s'est si mal passé ? » demandai je, un peu curieuse quand même.
C'était surtout à propos du prince que je l'étais. Cet homme restait un mystère. Pas un énorme mystère, non plus. Non. Je comprenais très bien qu'au fond, c'était un enfant en colère et blessé par les erreurs de ses parents et une ambiance familiale délétère. Mais ce qu'il avait pu être avant et ce qu'il pourrait devenir s'il calmait la haine qui le mangeait, ça, ça m'interrogeait. J'étais sûre que je pouvais être surprise. Et quelque part, j'aurais voulu l'aider au passage même s'il y avait peu de chance que je puisse quoi que ce soit pour lui.
« Non, pas vraiment. J'étais un très bon parti. » se rengorgea-t-elle. « Néanmoins, je ne l'intéressais pas en tant que femme et il me montrait une indifférence qui confinait à l'insulte. » se rappela-t-elle.
Oui enfin... Ils n'étaient que des gosses, ce n'était pas si étonnant...
« Au reste, il ne m'intéressait pas non plus. San occupait déjà mon cœur, à ce moment. » décréta-t-elle.
Etais ce vrai ou étais ce son égo qui était blessé ? Une réponse que je n'aurais probablement pas.
Elle se tourna vers moi, un peu agité.
« Cœur qui lui a été acquis au moment où il m'a montré une chaleur et une attention que mon propre fiancé ne m'avait pas données. » appuya-t-elle.
Ah... Je comprenais mieux ses craintes, maintenant. Donc n'importe quelle femme un peu négligée allait directement se jeter dans les bras d'un autre s'il était un peu gentil avec elle ? Je n'allais pas lui faire l'affront de lui renvoyer qu'il n'y avait peut-être qu'elle qui envisageait les choses comme ça... Elle n'avait déjà pas l'air de trouver ça des plus agréables de discuter avec moi... Je ne voulais pas que nous nous fâchions plus que ça.
« Je comprends vos inquiétudes. » dis je à la place. « Mais je pense que vous n'avez pas besoin d'avoir tant de craintes. Même si le prince Seong Hwa ne se montre pas complaisant avec moi, je serais tout de même son épouse et comme j'ai pu constater à quel point il déteste le roi, je ne pense pas que celui-ci sera capable de m'approcher de très près. » arguai je. « Et puis, même si c'était le cas, le roi se lassera de moi. Ce qui l'attire chez moi, c'est la nouveauté, l'exotisme. Mais on se lasse même des choses inhabituelles et ça finira par arriver. » raisonnai je.
Je me serais bien passée de devoir la rassurer alors que je ne l'appréciais pas, surtout sur un sujet aussi trivial mais... Si c'était à ce prix que je pouvais acheter la paix... Il y avait certaines choses qui gagnaient à être faites.
La reine acquiesça comme si elle se rendait à mes arguments, un peu par manque de choix.
Elle fit un signe et deux de ses servantes s'approchèrent, l'une tenant une espèce de petit plateau rembourré de coton et l'autre un coffret en bois richement ornementé.
La reine saisit l'objet qui était posé sur le plateau, une sorte de nœud ornemental avec un petit cylindre en métal accroché. Sa servante recula aussitôt d'un pas, comme pour se mettre en retrait après la réussite de sa mission.
La reine ne lui prêta aucune attention et me tendit l'objet qu'elle venait de récupérer.
« J'ai fait préparer cela pour toi. » m'indiqua-t-elle. « Je ne sais pas s'il est possible d'adoucir l'humeur de Seong Hwa à ton égard mais si tu places cette amulette sous son oreiller lorsque vous serez mariés, cela devrait y contribuer. » dit elle en me remettant l'objet.
Je pris le nœud, pas trop sure de savoir quoi en faire dans l'immédiat. D'ailleurs, la reine avait l'air de porter également un regard dubitatif dessus.
« Quant à ceci... » poursuivit elle en prenant la boite. « C'est un cadeau de réconciliation. Après tout, nous serons bientôt de la même famille. Profitons-en pour nous soutenir l'une l'autre. » dit elle, avec un air que je lui trouvais peu convaincu.
Elle me la fourra dans les mains, me faisant signe de l'ouvrir pour en découvrir le contenu, ce que je fis. Apparemment, elle aussi voulait acheter la paix, bien que je ne comprenne pas vraiment en quoi elle avait besoin de le faire.
A l'intérieur, il y avait diverses pâtisseries dont le soin de la présentation laissait à penser qu'elles venaient tout droit d'une commande spéciale aux cuisines royales. C'était un met de luxe, sans aucun doute.
J'eus un sourire gêné. Je ne m'attendais pas à un tel geste de bonne volonté de sa part et je ne savais plus comment me comporter. Bien sûr, je n'avais pas envie d'être en guerre ouverte contre la reine et c'était plutôt soulageant de constater qu'elle non plus mais d'un autre côté, je ne voulais pas non plus devoir faire semblant d'être son amie ou éprouver une quelconque forme de sympathie pour elle. Après tout, elle allait surement devoir être envoyée loin du palais par ma faute. Bon, j'avais d'extrêmement bonnes raisons de laisser les choses se dérouler ainsi -ne pas mourir, notamment- mais il fallait avouer que c'était un peu plus facile quand on pensait agir au détriment d'une personne antipathique et qui méritait sans doute un peu son sort. Mais si elle commençait à faire preuve d'intelligence...
Je ne devais pas me laisser distraire. Elle avait quand même essayé de me faire tuer une fois. C'était difficile à pardonner. Et puis, elle n'avait pas l'air d'être de la plus pure sincérité. Je ne savais pas quel était son but mais je devais rester prudente.
Je refermai donc le coffret et remerciai la reine avec formalité. Ce que je devais retenir de cette entrevue, c'est qu'elle allait me fiche la paix. Bonne nouvelle. Ça s'arrêtait là.
D'ailleurs, elle aussi avait l'air de vouloir que ça s'arrête là. La réconciliation c'était bien mais il y avait des limites.
Sauf qu'avant qu'elle puisse me donner mon congé, nous vîmes arriver vers nous Hyo Myeong, l'air empressé. Elle s'inclina avec enthousiasme devant la reine, comme si elle avait attendu ce moment toute la journée, ce dont je doutais franchement.
« L'après midi était tellement ennuyeuse que quand j'ai su que tu avais invité notre Ri Ah, je n'ai pas pu m'empêcher de venir voir si je pouvais me joindre à vous. » expliqua-t-elle sa présence.
Cette façon qu'elle avait de tutoyer la reine me tuait. Je pensais bien que c'était une volonté délibérée de lui manquer de respect puisqu'au reste, moi, j'avais toujours droit au vouvoiement.
La reine prit d'ailleurs un air d'ennui profond. Elle était manifestement ennuyée de la présence de la concubine.
« Comme c'est dommage, nous avions... » commença-t-elle, essayant de la refouler.
Mais elle fut stoppée par un cri d'émerveillement suraigu de Hyo Myeong.
« Quelle chance vous avez, Ri Ah ! » dit elle avec tellement d'exagération que ça aurait pu me faire grincer des dents. « Dis donc, Ha Na ! Aucune de nous n'a jamais eu le droit à un tel cadeau de ta part ! » s'adressa-t-elle à la reine en ouvrant le coffret que je tenais dans les mains sans aucune gêne.
« Serais tu jalouse ? » lui demanda cette dernière, blasée.
« Oh... Un peu. » admit Hyo Myeong, avec son plus bel air hypocrite. « Ce n'est tellement pas ton genre d'offrir quoi que ce soit... Mais... On pourrait se demander ce que ça cache. » sous entendit elle en ayant du mal à s'empêcher de sourire plus largement.
Puis elle mit ses mains devant sa bouche en un geste théâtral en prenant l'air effaré.
« Tu n'essayerais pas de profiter de la naïveté de Ri Ah pour... L'empoisonner !? » suggéra-t-elle, comme si elle était catastrophée.
Mais qu'est ce que c'était que cette pièce de théâtre gratuite à laquelle j'avais le droit, là ? A quoi jouait Hyo Myeong, là, tout de suite ?
« C'est comme ça que tu comptes te débarrasser de ta rivale ? » poursuivit-elle, presque comme si elle paniquait mais sans arriver à s'empêcher totalement de sourire. « Mais Ha Na... Même si San rend souvent visite à notre pauvre et innocente Ri Ah, c'est avec moi qu'il passe ses nuits. » lui signala-t-elle avec une mesquinerie peu dissimulée.
Je vis la colère flamber dans le regard de la reine mais elle parvint à la contenir comme depuis le début de notre entrevue.
« Et ce n'est pas prendre en compte le caractère de notre douce et gentille amie. » continua Hyo Myeong, surjouant toutes ses phrases. « Elle ne garderait pas tout pour elle et dès ce soir, elle aurait pu partager les sucreries avec le roi ! » suggéra Hyo Myeong, commençant même à mimer un étouffement.
« Elle aurait bien tort. » lui répondit la reine, agacée. « San peut obtenir ce genre de mets dès qu'il le souhaite, ce qui ne sera jamais son cas, même si elle devient princesse. »
Mais malgré cette réponse rapide, j'avais l'impression que la reine semblait préoccupée. Est-ce que c'était juste l'ennui de devoir faire face aux provocations de Hyo Myeong ou est ce qu'éventuellement, les pâtisseries qu'elle m'avait données...
J'avais des doutes, maintenant...
« Mais le sait-elle seulement ? » la contra la concubine. « Les pâtisseries sont elles dures à obtenir, chez vous ? » me demanda-t-elle, l'air de follement s'amuser.
Est-ce qu'elle attendait une réponse en particulier ? Dans le doute, je répondis honnêtement, regrettant au passage les grandes surfaces et surtout, leur rayon chocolat.
« Pas vraiment. »
J'étais vraiment curieuse de savoir ou elle voulait en venir.
« Mais dans quelle opulence vivais-tu ? » s'interrogea la reine, hésitant visiblement à me croire. « Quoi qu'il en soit, c'est un cadeau de prix, ici. » m'informa-t-elle. « Ne partage pas avec n'importe qui. »
« Tu admets donc que ces gâteaux ne sont destinés qu'à Ri Ah. » releva immédiatement Hyo Myeong.
La reine fronça les sourcils et avança d'un pas pour saisir un gâteau dans la boite et le croquer à titre d'exemple.
« Contente ? » demanda-t-elle à Hyo Myeong.
Vu comme ça, Hyo Myeong semblait être la méchante de l'histoire, qui venait faire en sorte que la reine passe encore pour une mauvaise personne alors qu'elle faisait des efforts sincères de réconciliation.
D'ailleurs, Hyo Myeong dut sentir qu'elle avait peut être été un peu loin car elle se mit à rire comme si tout cela n'était qu'une farce.
« Tu prends tout tellement au sérieux. » se moqua-t-elle de la reine. « Ne sois pas fâchée, je voulais juste apprendre une leçon essentielle à notre petite Ri Ah. Il faut toujours se méfier de la nourriture qu'on nous offre. Et ce, peu importe qui nous l'offre. Tu n'es pas d'accord avec ça ? »
N'empêche qu'elle ne s'adressait qu'à la reine...
Cette dernière souffla.
« Certainement. » répondit elle âprement. « Je suis lasse, je retourne dans mes appartements. » décida-t-elle en joignant immédiatement le geste à la parole avant que Hyo Myeong ne trouve n'importe quel prétexte pour la retenir.
« Allons-y également. » me pressa Hyo Myeong après s'être inclinée en direction de la reine, même après son départ.
C'était l'étiquette qui le voulait.
Je ne me fis pas prier et nous commençâmes à nous éloigner également.
« Quelle était la signification de tout ça ? » demandai je à Hyo Myeong, curieuse de comprendre ses raisons.
Elle esquissa un sourire, se retourna légèrement comme si elle voulait voir où en était la reine et, sorti de nulle part, me fit un croche patte qui m'envoya m'étaler de tout mon long sur le sol. Je lâchai la boite de pâtisserie dont le contenu s'envola avant de s'éparpiller dans la poussière, ruinant les gâteaux pleins de sucre et de miel.
Ouais. Ok.
Je levai un regard énervé vers Hyo Myeong qui... Ne me regardait pas du tout. Elle, elle regardait vers la reine qui s'était retournée en entendant la chute. Néanmoins, elle n'y porta pas longtemps attention, se retournant brusquement pour continuer son chemin, d'un pas énervé.
« C'était vraiment obligé, ça ? » grommelai je en commençant à m'épousseter au sol.
« Ça vous donne un fabuleux prétexte pour ne rien manger de ce qu'elle vous a offert. » me dit Hyo Myeong, avec satisfaction.
« Vous ne pensez pas que vous allez un peu loin ? » l'apostrophai je. « Elle a même mangé un gâteau. » lui rappelai je.
Qu'est ce qu'il lui fallait de plus ?
« Et ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas tous empoisonnés que certains ne le sont pas. » me répondit elle, très sérieuse. « Je connais bien Ha Na et s'il y a une chose que je peux dire à son sujet, c'est qu'elle n'a absolument jamais fait la paix avec personne. En revanche, les gens qui la contrarient ne restent pas longtemps au palais, quelle que soit leur façon de le quitter. » me révéla-t-elle.
« Vous pensez vraiment qu'il y a du poison dans ces gâteaux ? » demandai je, pas trop sûre de ce que je devais croire.
« Et bien, vous n'aurez pas à prendre le risque de le découvrir à vos dépens. » me dit elle en haussant les épaules. « Dans tous les cas, vous auriez dû me faire appeler lorsque vous avez reçu l'invitation de Ha Na. » me reprocha-t-elle. « Nous en avions pourtant parlé. »
Oui bah... Je ne pouvais pas penser à tout, tout le temps...
J'amorçai un geste pour me relever et je vis Yeo Sang apparaitre devant moi et me tendre une main secourable. C'était surement son rôle mais ça me disait moyen. Il ne manquerait plus que j'ai des visions hors de propos après avoir vécu une scène aussi absurde. Mais il y avait Hyo Myeong à côté et je n'avais pas envie de lui expliquer pourquoi je repoussais les attentions de mon serviteur. Je n'allais quand même pas prétexter que je n'allais pas toucher quelqu'un d'inférieur à moi. D'autant que j'étais à peu près sure que l'excuse passerait alors qu'elle était éclatée...
Bon...
Je retins ma respiration et saisis la main de Yeo Sang qui m'aida à me relever sans que l'ombre de la moindre vision ne se manifeste. Quelle chance ! Et après ça, il se mit de nouveau en retrait, tel le serviteur efficace et silencieux qu'il n'était que pour la galerie.
« Ce n'est pas la première fois que je me fais la réflexion mais votre serviteur est vraiment beau. » badina Hyo Myeong tandis que je me débarrassais des restes de poussière accrochés à ma chima.
« Ah ? Il vous plait ? » demandai je, plus par réflexe que pour autre chose.
« Il a quelque chose de fascinant, je trouve. Mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. S'il était un yangban, il ferait tourner des têtes. »
Je pouffai. J'aurais voulu l'appeler près de nous juste pour voir sa tête. J'étais sure qu'il nous écoutait et qu'il était affreusement gêné.
« Il fait déjà tourner des têtes. » affirmai je, pensant à l'histoire avec Hong Sim.
« Vous devez avoir quelque servante sous son charme. » devina-t-elle en pouffant.
Puis elle tourna brusquement la tête, comme si elle avait entendu quelque chose alors qu'il n'y avait aucun bruit. Je regardai alentours pour comprendre ce qui m'avait échappé mais rien.
« Est-ce que vous m'en voulez si je vous laisse ? » me demanda-t-elle à brûle pourpoint. « J'avais d'autres projets pour la fin de la journée. »
« Non, non. Allez-y. » la libérai je, ayant définitivement du mal à la suivre.
Je la regardai sans aller, un peu perdue et un peu dubitative quant à sa manière d'agir. Je n'avais pas l'impression qu'elle était du genre à agir pour rien mais là, je me demandais si elle pensait vraiment que la reine avait mis du poison dans les gâteaux qu'elle m'avait offerts. Sinon, pourquoi elle aurait pris le temps de me faire faire une amulette ? Ou alors c'était juste un nœud pour faire joli et prétexter la réconciliation ?
« Le nœud n'a rien de spécial en lui-même. » m'informa le Tigre en arrivant précautionneusement dans mon esprit. « Mais l'amulette qui y est rattachée a bien été créée par un chamane. Cela dit, je ne pense pas que tu puisses compter sur un quelconque effet. » Précisa-t-il.
Ah. Elle avait du la faire faire par le chamane nul du palais. Mais... ça voulait dire que ce genre de charmes d'amour étaient censés marcher quand ils étaient bien faits ?
« Toutes les amulettes sont censées avoir un effet quand elles sont bien conçues. » m'apprit le Tigre.
« Tu lis dans mes pensées ? » tiquai je d'un coup.
« Pour m'assurer que tout va bien. Ton énergie a été très fluctuante ces derniers temps et même si elle a l'air de s'être stabilisée, il se trouve que tu en a généré de nulle part. De plus, quand j'ai essayé de te mettre en garde, tu m'as simplement éjecté. Il faut bien que je sache comment tu vas par un moyen ou un autre. » se justifia-t-il.
« Evite. Je me sens très bien. » lui ordonnai je, pas très heureuse de cette nouvelle.
« Dans tous les cas, il est important de faire attention aux amulettes qu'on porte. » revint il sur la précédente discussion. « L'effet d'une amulette est conditionné à l'objet physique créé par le chamane et ce n'est pas assez puissant pour être plus qu'une aide ou un obstacle mais elles ont malgré tout un effet. »
« Mais tu as dit que celle que la reine m'a donné n'a pas vraiment d'effet. » objectai je.
« Celle-là, non. » confirma-t-il.
« Donc tout va bien. » conclus je.
Il soupira comme si je l'exaspérais et se retira de mon esprit.
Et ben quoi ? Je n'avais rien dit de mal, cette fois ci. Pourquoi est ce que tout le monde était aussi bizarre, aujourd'hui ?
Je décidai que je n'en avais rien à faire. Puisque je me sentais bien, autant que j'essaie de faire quelque chose de constructif. Il fallait juste que je trouve quoi.
***
Vocabulaire :
Chima : Jupe du hanbok féminin
Yangban : Classe des nobles. Sous Goryeo, elle était composée de fonctionnaires civils et militaires mais sous Joseon, il s'agit plutôt d'érudits nobles (par l'influence du confucianisme) bien que les militaires aient aussi gardé ce titre.