Dans l'ombre des flammes

By SophieTajana

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Les cinq Cités sont enfin réunies. Après plus de cinquante ans de conflit, le royaume est enfin à l'aube de l... More

Message de l'auteure
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31

Chapitre 7

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By SophieTajana

Au fond de la pièce, dissimulée par le nombre ahurissant d’invités, Erryn observait l’échange qui avait lieu à l’autre bout de la pièce. Même à plus de soixante mètres de distance, elle entendait parfaitement ce qui se disait grâce au silence assommant qui avait envahi la salle dès que les deux souverains étaient revenus de leurs entretiens sur les balcons. L’acoustique de la pièce y jouait aussi un rôle et la jeune femme était bien contente de ne pas être conviée au diner qui allait suivre. Dès que les conversations auraient reprises, le volume sonore allait devenir assourdissant.

Mais pour l’instant, elle compatissait pour son amie qui se trouvait au centre de l’attention générale. Et pire que tout, maintenant qu’Azar venait de la présenter en tant que Princesse de Tibesti, elle se trouvait au centre de son attention.

Elle entendit Thérik s’exclamer d’un air enjoué :

« Eh bien Azar, il semblerait que tu n’aies pas menti quand tu nous vantais la beauté de cette jeune femme. Elle est effectivement aussi jolie que sa mère. Et que sa tante, je peux au moins lui reconnaitre cela ».

Erryn retint son souffle. Cet homme n’avait donc ni peur, ni respect. Personne ne parlait avec autant de désinvolture des deux défuntes femmes. Et on évoquait encore moins le lien qui le liait à Vesta, sa première épouse, sauf si l’on souhaitait mettre abruptement fin à sa propre vie.

La colère envahit la prêtresse et son cœur pleura pour la blessure que Thérik venait de rouvrir dans celui de son amie. La plupart du temps, elle se sentait frustrée par la docilité de Kayla qui courbait l’échine et acceptait tous les coups que lui portait la vie. Mais aujourd’hui elle ne ressentait que de l’admiration face à la maitrise dont faisait preuve la jolie jeune femme. À sa place, elle n’aurait jamais réussi à garder contenance et serait certainement morte de colère. Littéralement. Erryn comprenait mieux que personne les efforts que devait fournir Kayla pour garder le contrôle de ses émotions, pour ne pas les laisser l’envahir et la plonger dans un long tourment de douleur.

Elle expira dans un long soupire et se reconcentra sur la conversation. Elle entendit son amie répondre :

« C’est un plaisir de faire enfin votre connaissance, Roi Thérik. J’espère que votre voyage a été plaisant.

- Mon voyage était aussi agréable qu’intéressant. Tibesti est vraiment une région des plus remarquables, une merveille d’architecture et de richesse », acheva-t-il en se tournant vers Gaham. 

Évidemment que son voyage était intéressant, il était en train de faire un état des lieux avant de s’approprier ce dernier territoire, si longuement convoité.

Assassin, pensa-t-elle. Meurtrier.

Cet homme aurait dû finir sur la potence. Il avait tué d’innombrables personnes, et des innocents désarmés qui plus est. Il n’y avait aucune limite à son avidité et à sa cruauté. Et elle ne pouvait abandonner son amie en la laissant partir seule pour l’antre de ce monstre.

Erryn se redressa brusquement et sortie de la pièce aussi vite que ses jambes le lui permirent, sans plus prêter attention à la suite de l’entretien.

Elle devait absolument parler à Vivian.

*

* *

Elle la trouva dans le réfectoire réservé aux domestiques, en train de se restaurer en compagnie des autres prêtresses. Déterminée à obtenir ce qu’elle était venue chercher elle força deux de ses camarades à lui faire de la place sur le banc, en face de le Grande Prêtresse. Cette dernière interrompit sa conversation avec sa voisine, pour lui adresser un coup d’œil contrarié.

« Je dois faire partie du groupe qui repart pour Centralia avec le convoi et Kayla », attaqua Erryn de but en blanc.

Vivian lui répondit par un "non" péremptoire, accompagné d’un regard qui déconseillait toute discussion. Mais cela n’arrêta nullement la jeune femme :

« Ce n’était pas une question. Je ferai partie du voyage.

- Hors de question. Il ne s’agit pas d’un voyage à but récréatif mais d’une affaire sérieuse.

- Mais enfin ! s’emporta Erryn. Tu ne peux pas me garder enchainée à tes côtés toute ma vie. Et je ne peux pas les laisser emmener Kayla toute seule dans l'antre du démon... »

Elle s’arrêta et vérifia par-dessus son épaule que personne ne leur prêtait attention avant de reprendre plus bas mais non sans moins de hargne.

« Ne prétend pas que cela ne t'arrangerait pas d'avoir une source d'information fiable à l'intérieur du palais royal. Je sais que tu veux savoir ce qu'il cherche.

- Surveille ta langue, petite impertinente ! gronda Vivian, ses yeux se réduisant à deux fentes brillantes de colère. Et que sais-tu donc qui te donne l’autorisation de contredire mes ordres ?

- Tu n’aimerais pas que j’en parle tout haut ici. Tu sais bien que les murs ont des oreilles », répliqua Erryn, malicieuse.

Elle jouait avec le feu, littéralement, et le savait. Mais elle savait aussi qu’elle avait raison. Et son sourire s’agrandit quand elle lut une brève hésitation sur le visage de son mentor.

« Réfléchis, je suis la plus discrète d’entre nous, tout le monde pense que je suis une enfant. Je suis douée pour découvrir les secrets des gens. Et surtout je ne crains pas le roi, tu ne vas quand même pas demander à Eidel de l’espionner ! s’exclama-t-elle en désignant une prêtresse assise à quelques places d’elles et qui réussit le prodige de pâlir de peur et de rougir sous leurs regards dans la même seconde.

- Je ne sais pas quelles idées tu t'es encore fourrées dans la tête, mais tu n'es pas une espionne, aucune d'entre nous ne l'est. Il y a des...situations préoccupantes, certes, mais aucun secret à découvrir, ni de complot à démanteler. Ce sont des sottises que l'on ne trouve que dans les romans dont tu te farcis l'esprit. J'aurais dû tous les faire brûler avant que tu n'apprennes à lire ! »

Sans se laisser démonter, la jeune femme répliqua :

« Tu sais qu'il faut surveiller Thérik. Je suis sûre qu'il est impliqué jusqu'au cou dans tout ce qu'il se passe dans la région. Léonora aurait été d'accord avec moi et elle aurait profité de l'occasion ».

À ces mots Vivian s'immobilisa, aussi raide qu'une statue de marbre.

« Je ne sais pas de quoi tu parles et toi non plus. Je n'adhère pas aux théories complotistes dont tu te bourre la tête. Si je te laisse accompagner ton amie tu ne pourras pas t'empêcher de fourrer ton nez dans des affaires qui ne te concernent pas et nous allons toutes nous faire tuer. Ton amie y comprit. Ni notre statut, ni le sien ne nous protégerons de Thérik ».

Une vieille prêtresse, qui suivait la conversation avec des yeux ronds, hoqueta quand le regard d’Erryn se fit foudroyant et qu’elle asséna, amer :

« Je ne pensais pas que toi aussi tu étais devenue lâche. Je t’ai fait confiance pendant toutes ces années parce que je pensais que tu voulais agir, mais je me suis visiblement trompée. La situation est critique et c’est peut-être la seule opportunité qui s’offrira à nous. Je me rendrai à Centralia avec ou sans ton accord, tu ne peux pas me retenir indéfiniment, acheva-t-elle en faisant mine de se lever.

- Arrête ton cirque et rassied-toi immédiatement, ordonna Vivian. Tu vas manger en silence. Ensuite tu vas rejoindre nos quartiers sans faire d'histoire, tu vas effectuer tes tâches du soir et tes exercices. Et une fois que tout cela sera fait nous allons parler, toi et moi ».

Les deux femmes se toisèrent un instant avec colère, jusqu'à ce qu'Erryn se lève brutalement faisant sursauter Eidel. Elle attrapa une pomme qui trainait sur la table et sorti d'un pas rageur.

*

* *

Quand Vivian vint enfin retrouver sa pupille, la jeune femme se trouvait assise en tailleur sur un promontoire rocheux surplombant la ville. Elle observait les minuscules silhouettes s'affairer en contrebas. Perdue dans ses pensées elle ne se retourna pas à l'arrivée de la Grande Prêtresse, au moins semblait-elle apaisée, ses longues mèches brunes tourbillonnant prises dans le vent.

« Je ne peux pas te laisser partir ».

Erryn inclina la tête dans sa direction, lui laissant entrevoir, à travers ses longs cils, le tourment tourbillonnant dans ses iris émeraude.

« Je le sais, répondit-elle. Ce que j'ignore c'est pourquoi.

- Parce que... parce que c'est beaucoup trop dangereux ! Si tu t'attires des ennuis tu es morte et nous aussi ».

Un frisson parcourut le corps svelte de Vivian. Elle ajouta :

« Tu sais qu'il n'hésitera pas à recommencer.

- Je sais », répétât platement Erryn mais bien que son visage n'exprimât rien d'autre que de la lassitude, ses yeux reprenaient déjà une teinte plus sombre, orageuse.

Vivian frissonna de nouveau, de regret cette fois-ci. Des regrets, la prêtresse en avait plus que de nécessaire : tant d'occasions manquées, de mauvaises décisions, de promesses formulées qu'elle n'avait su tenir... Ce soir elle ajouterait une nouvelle entrée à la liste de ses fautes. Elle s'assit à côté d’Erryn.

« Tu es observatrice et perspicace. Tu avais raison tout à l'heure, il y a certains sujets sur lesquels Léonora et moi partagions... certaines préoccupations. Mais il n'a jamais été question d'espionnage ou de mission secrète. En tout cas pas de mon côté et quels qu’aient été les projets de Léonora, ils se sont éteints avec elle le jour où elle est morte.

- Le jour où elle a été assassinée.

- Peut-être.

- Il l'a fait tuer parce qu'elle refusait de détourner le regard. Elle était la seule à avoir le courage de défendre ses convictions, même si cela signifiait faire face seule.

- Et elle en est morte Erryn. Elle en est morte. J'ai juré il y a bien longtemps que je prendrai soin de toi et, crois-le ou non, c'est ce que j'essaie de faire ».

Elle s'en voulait. Oh comme elle s'en voulait, de retourner le couteau dans la plaie. La jeune femme était pleine de fougue, de ténacité. Quand elle la voyait ainsi, fulminante, le dos droit et le port de tête altier, elle ne pouvait s'empêcher de la comparer à une reine. Le genre de reine qui porte sa couronne non pas sur la tête, mais dans son sang. Dans son âme.

C'est pourquoi elle devait étouffer sa flamme avant qu'elle ne brûle trop fort, avant que quelqu'un d'autre ne se charge de l'éteindre complétement. Alors Vivian reprit, coupant court à la réplique d’Erryn :

« Je ne souhaite pas te retenir à mes côtés toute ta vie mais tu n'as pas ce qu'il faut pour te mesurer à l'adversaire que tu convoites. Ne proteste pas ! Tu sais que j'ai raison. Tu n'es pas faite pour te battre dans ce monde. Par le Téjas Erryn ! Tu ne possèdes pas le Don. Voyage si tu le souhaites, aide les plus démunis si c'est ce que tu préfères. Mais par pitié ma fille, reste loin de la capitale, de Thérik et de tout ce qui se rapporte à lui. Ne t'approche pas trop des Gaelíns non plus, acheva-t-elle avec un clin d'œil. Je sais de quoi je parle, c'est là-bas que je suis née et il n'y restait plus grand-chose de bon quand j'en suis partie.

- Tu es Gaelíne ! » s'exclama Erryn, ignorant sciemment tout ce qu'elle venait de lui dire pour se concentrer uniquement sur la révélation finale.

Pourtant Vivian connaissait suffisamment la jeune femme pour déceler les traces de la douleur qu'elle venait de lui infliger et elle se maudit pour les larmes qu’elle venait de faire naître.

« À moitié seulement, mais c’est effectivement la moitié dominante dans mon sang. Tu ne t'étais jamais demandé pourquoi j’invoquais aussi rarement le Téjas ?

- Non, admis Erryn en souriant. J'ai supposé que tu étais comme tout le monde, très pudique concernant tes pouvoirs.

- Même quand je faisais apparaitre des fleurs de nulle part ?

- Tu ne m'as pas fait ce genre de cadeau depuis une éternité. À l'époque je n'étais qu'une enfant impressionnable, tu aurais pu utiliser n'importe quel stratagème que cela m'aurait paru incroyable.

- Maintenant tu sais », répondit doucement Vivian. 

Erryn ne répondit rien, laissant le silence s'installer entre elles, uniquement troublé par le bruit du vent chaud fouettant leurs vêtements.

Au bout d'un moment la prêtresse rassemblât les pans de son vêtement et se remis sur ses pieds.

« Ne tarde pas trop à rentrer, il y aura beaucoup d'hommes ivres dans la Citadelle ce soir ».

La jeune femme acquiesça, ramena les genoux sous son menton et ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose mais semblât se raviser. Au moment où Vivian lui tournait le dos elle finit par demander :

« Pourquoi est-ce que Léonora s'intéressait autant à moi ?

- Tu es spéciale Erryn, je ne connais pas d'autre jeune femme telle que toi. Léonora aussi le savait.

- Est-ce qu'elle était ma mère ? »

Vivian réprima un sursaut.

« Non. Elle n'était pas ta mère.

Elle ajouta après un cours silence :

- Mais je pense qu'au fond d'elle, elle aurait souhaité que ce soit le cas ».

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