Après l'incident de l'étang, Kōtarō avait essayé de prévenir les instituteurs de ce que leurs trois camarades avaient fait, mais puisque cela concernait le « fils d'Experion », ils n'écoutaient qu'à moitié. Masho, Ashiki et Tokikio, ainsi que leurs autres camarades, continuaient de s'en prendre à Nanaya. Ils n'avaient pas eu l'occasion de retenter quelque chose d'aussi dangereux et se contentaient de le pousser ou le frapper. Mais désormais, Kōtarō était là. Il leur rendait à chaque fois ce qu'ils faisaient à Nanaya. Il fut réprimandé plus d'une fois et fut vite considéré comme un enfant violent. Lorsqu'il répliquait que ses camarades avaient commencer en ennuyant Nanaya, les adultes l'ignoraient.
Leur entrée à l'école primaire ne changea rien. Même si certains élèves n'avaient pas été à la même école maternelle qu'eux, ils étaient tous aussi mauvais avec Nanaya. Et les instituteurs n'étaient pas mieux. Contrairement à leur établissement précédent, cette école avait un étage car accueillant les enfants des deux maternelles de la ville. Malheureusement, Kōtarō et Nanaya s'étaient retrouvés dans deux classes séparées. Nanaya était à l'étage et Kōtarō au rez-de-chaussé.
Aussitôt les classes terminées, Kōtarō se précipitait immédiatement vers les escaliers.
Cette fois là encore, il courait dans les couloirs, au grand dam des adultes qui ne cessait de le réprimander. Mais il fut bloqué par un attroupement.
« Tu n'a pas le droit d'utiliser ton pouvoir ! Grondait une voix d'adulte. Et si ton camarade s'était blessé à cause de toi !? »
Le garçon vit rouge et se fraya un chemin parmi ses autres camarades. Est-ce qu'un élève avait utilisé son pouvoir sur Nanaya ? Est-ce qu'un adulte défendait enfin son ami ?
« Je l'ai juste effrayé ! Répliqua l'enfant en retour.
—Ne mens pas ! Tu as toi-même dis que tu saignait si tu l'utilisais trop !
—C'est parce que je m'en suis servi pour rattraper Uchiri-chan ! »
Kōtarō se stoppa net alors qu'il arrivait enfin à l'avant de la foule d'enfants.
Nanaya semblait bien se porter. Un autre élève se tenait devant lui. Des cheveux verts foncés, des yeux jaunes et une rangée de dents pointues, son nez et ses yeux coulaient d'un liquide phosphorescent. Ce n'était pas de la morve ou des larmes. Malgré ça, il avait les bras croisés devant l'adulte qui le réprimandait. Ashiki, en pleurs, se cachait derrière les jambes de l'instituteur.
« Nana-chan ! »
Kotaro se jeta en avant et attrapa son ami. Il jeta un œil au garçon juste devant lui et serra Nanaya contre lui. Le garçon aux cheveux verts se contenta de sourire.
L'adulte gronda un moment encore avant d'envoyer le garçon à l'infirmerie. Kōtarō en avait profité pour emmener Nanaya à l'écart, profitant de la récréation pour vérifier s'il était blessé.
« Je vais bien, marmonna Nanaya, je n'ai rien.
—C'est Sukuro ? Gronda Kōtarō, qu'est-ce qu'il a fait ?
—Il m'a poussé dans les escaliers... mais ce garçon, il m'a rattrapé avec son pouvoir... on aurait dit des fantômes comme à Halloween.
—...il t'a aidé ? Celui avec de la morve plein le visage ?
—C'est de l'ectoplasme, coupa une autre voix. »
Kōtarō sursauta. Le garçon en question était juste derrière lui, souriant.
« Je peux créer et manipuler des formes d'ectoplasme, expliqua-t-il, mais si j'utilise trop mon pouvoir, Mon nez et mes yeux saignent. Et mon sang lui-même est composé d'ectoplasme.
—Je ne t'ai pas demandé, gronda Kōtarō, va-t-en !
—Woah, c'est tout ce que j'ai comme remerciement pour avoir sauvé ton amoureux ?
—Mon... QUOI ?! Nana-chan est mon ami !
—Oh~ ? »
L'enfant sourit plus largement. Il s'appuya contre le mur.
« Ma mamie est décédée en tombant dans des escaliers, expliqua-t-il a nouveau, alors je sais que c'est dangereux.
—Ta mamie était vieille, rétorqua aussitôt Kōtarō.
—C'est quand même dangereux. Ah ! Au faite, je m'appelle Umeji Ichirō !
—Umeji ? S'étonna Nanaya, c'est... le nom du maire ?
—C'est mon papa.
—Oh... U... Uchiri Nanaya...
—Je sais, on est dans la même classe. Tu ne retient pas facilement les noms. »
Ichirō ne perdit pas son sourire. Il haussa les épaules.
« Ils sont bêtes hein ? Lança-t-il, ça se voit qu'il n'y a pas de raisons d'avoir peur de toi ! Et toi ?
—Shime Kōtarō, gronda le concerné, maintenant va-t-en !
—Et si je veux jouer avec vous ? Soit sympas, Kot-chan !
—Ne m'appelle pas comme ça !
—On est amis maintenant.
—Jamais ! »
Ichirō se contenta de rire et les suivis comme leur ombre depuis ce jour. Il défendait aussi Nanaya, moins violemment, mais il était au moins présent dans la même classe que lui. Plutôt que d'utiliser la force brute comme Kōtarō, il avait tendance à se servir de son pouvoir.
Kōtarō ne semblait cependant pas l'aimer. Dès qu'il pouvait, lorsque le harcèlement se faisait trop fort, il entraînait Nanaya hors de l'école pour se poser dans leur coin secret, près de l'étang. À chaque fois, à leur retour à l'école, Ichirō les attendaient et les questionnaient, mais la seule réponse qu'il obtenait était que Kōtarō emmener Nanaya en sécurité pendant un temps.
Bien sûr, les réponses violentes de Kōtarō envers ses camarades ne passaient pas inaperçues et il se retrouvait souvent appelé par les instituteurs. Durant leur seconde année de primaire, il avait encore été envoyé chez le directeur et Ichirō en profita pour fuir l'école en entraînant Nanaya.
« Moi aussi, je veux te garder en sécurité, assura-t-il, au moins quelques heures. C'est injuste qu'il soit le seul, tu ne pense pas ? »
Il ne savait cependant rien de leur coin secret et l'emmena plutôt au parc de la ville. Nanaya refusa de partager les friandises que son camarade lui proposa.
« Tu refuse toujours, marmonna Ichirō.
—Père m'a interdit d'accepter de la nourriture, expliqua calmement Nanaya, peu importe d'où elle viens. Je n'ai le droit de manger que ce que Thoki prépare.
—Mais tes bento ne contiennent toujours que du pain sans sel, des feuilles de salade sans aucune sauce et du riz nature. En plus, tu ne les fini jamais...
—Manger est juste obligatoire. »
Ichirō fit la moue et enfourna le bonbon dans sa bouche. Il fouilla ensuite dans sa poche.
« J'ai quelque chose pour toi, déclara-t-il, je l'ai eu hier dans une machine de capsules gacha. Donne-moi ta main. »
Nanaya pencha curieusement la tête et tendit le bras. Ichirō ouvrit une petite boule en plastique et glissa une bague dorée avec un demi-cœur à son annulaire. Il en mit ensuite une autre, argentée, avec l'autre moitié du cœur, à son propre doigt, exhibant fièrement sa main à côté de celle de Nanaya.
« Tadaa !! S'exclama-t-il ravi, maintenant, on est fiancés !
—Heh ? D'accord, marmonna Nanaya.
—D'accord ? Vraiment ? »
Le fils Uchiri regardait le bijou sans trop savoir comment il devait vraiment réagir. Personne ne lui avait jamais fait de cadeaux et il ne savait même pas ce que « fiancé » voulait dire. Il regarda Ichirō et acquiesça simplement en silence. Le sourire de son camarade s'élargit et il serra Nanaya dans ses bras. Lorsqu'il s'écarta, son sourire était devenu différent. Il écarta la mèche de cheveux et prit son visage en coupe dans ses mains. En appuyant sur la partie endommagée, ce qui fit gémir Nanaya, il causa un saignement.
« Tu sais, souffla-t-il en souriant, j'adore ton visage. Tu es juste adorable. »
Après cette sortie improvisée et une dispute entre Ichirō et Kōtarō, les choses revinrent à la normal, à quelques exceptions près. Le harcèlement et les tentatives violentes envers Nanaya ne s'arrêtaient pas. À cela s'ajoutait le fait que Kōtarō se retrouva souvent victime d'accidents. Certains même particulièrement dangereux. Il n'arrivait jamais à comprendre pourquoi il trébuchait sans raisons, le plus souvent dans des situations dangereuses.
Ce fut jusqu'à la fin d'année, où une institutrice fut témoin de sa chute, heureusement arrêtée à temps, où il manqua de peu de tomber sur la route, devant un bus.
Une forme discrète, phosphorescente, s'était enroulée autour des pieds de Kōtarō. Une forme ectoplasmique. Cette fois-ci, ce n'était pas le fils d'Experion qui était visé et un seul élève pouvait créer ce genre de chose. L'adulte réagit donc immédiatement.
Umeji Ichirō fut renvoyé provisoirement le soir même. Mais il ne remit plus jamais les pieds dans cette école puisque son père, bien que s'étant servit de son statut de maire pour étouffer l'affaire, l'envoya en Amérique, chez sa mère.