La matinée passa sans aucune nouvelle du prince Woo Young alors que je n'avais que ça à l'esprit. Il fallait dire que j'avais l'impression de n'avoir jamais été aussi proche de mon but avec toutes les informations que j'avais récupérées et j'avais grand besoin de conseils. Surtout de quelqu'un qui s'y connaissait.
Au bout d'une demie heure à peine, Yeo Sang en avait eu marre de me voir tourner en rond nerveusement et avait décidé que puisque je n'avais rien à faire et qu'il était probable que je sois prise pendant l'après-midi -l'hypothèse étant que le prince attendait simplement la deuxième partie de la journée-, c'était le bon moment pour faire l'entrainement du jour. Et ce n'était pas négociable. Ses principaux arguments étaient que c'était mon futur fiancé qui l'avait ordonné -bien qu'il connaisse mes véritables intentions à ce sujet- et que j'avais de toute façon besoin d'évacuer ma frustration.
De fait, taper dans le vide m'avait permis de me défouler un peu. Et ce n'était plus aussi douloureux qu'avant. J'arrivais même à tenir le sabre d'entrainement de manière à peu près stable ! Je doutais de pouvoir me défendre efficacement même comme ça mais au moins mon attention était focalisée sur autre chose. Pourtant, même si l'entrainement m'avait tenue occupée la matinée, mon impatience refit surface après le repas.
Ne tenant pas en place, je me dirigeai vers l'entrée du jardin, Yeo Sang silencieux sur mes talons, espérant voir apparaitre la servante du prince Woo Young en réponse à mon message du matin. Mais personne n'arrivait. Sérieusement ? Il était aussi mesquin ? Juste parce que je ne lui avais pas répondu une fois ? Il ne s'était pas privé de le faire, lui ! Et plusieurs fois, encore !
Sous le coup de la contrariété, je me dirigeai vers la sortie d'un pas rageur pour aller le voir directement et régler mes comptes avec lui. C'était quand même gonflé de sa part, non ?
Mais avant de franchir le seuil de la propriété, je me ravisai. Après les évènements de la veille, il était presque sûr que je serais étroitement surveillée si je décidais de mettre un pied en dehors des jardins du pavillon du soleil. Aucun doute que Min Gi s'était assuré qu'il y ait des gardes pour m'accompagner où que j'aille -dans le meilleur des cas- ou des espions pour essayer de me prendre en faute. Et je me doutais que ça pourrait mettre la zizanie si on me voyait entrer chez le prince Woo Young toute seule alors que j'étais censée me fiancer avec un autre homme pas plus tard que le lendemain. Je me fichais un peu de ce qu'on pouvait penser de ma vertu -même si c'était un peu vexant quand même- mais si ça remontait aux oreilles du premier ministre Choi, j'étais dans la mouise.
En conséquence, je fis demi-tour pour retourner sagement vers le pavillon, abattue par ces pensées et en colère contre les mecs de Joseon et leur égo démesuré. Mais quand même... Le prince Woo Young ne m'avait pas semblé si rigide que ça. Si ça se trouvait, je me trompais totalement et le prince était juste occupé pour le moment et n'avait pas encore eu le temps d'envoyer sa servante ? Suivant cette hypothèse, je ne pouvais que prendre mon mal en patience et guetter sa potentielle arrivée.
Je fis donc une nouvelle fois demi-tour, telle la girouette que j'étais, et hoquetai de surprise en me retrouvant face à face avec le prince Hong Joong, debout à deux pas de moi, en plein milieu du chemin, l'air goguenard. Et Yeo Sang ne m'avait même pas prévenue.
« Et bien... On dirait que tu es indécise, belle étrangère. » se moqua-t-il avec un ton néanmoins flagorneur, d'où le petit nom. « J'espère que tu hésitais à venir me faire des excuses. » ajouta-t-il, l'air de ne pas y toucher.
Je fronçai les sourcils, un peu inquiète. Il ne lâchait jamais l'affaire, lui ? Et pourquoi il était venu, d'abord ? Il voulait se venger ? Je vérifiai discrètement mais il n'avait pas l'air armé ni même fâché et Yeo Sang était tout près, nous observant silencieusement mais en ayant fait en sorte d'être bien visible du prince. Ce devait être assez dissuasif. Normalement je ne risquai rien. Mais je voulais couper court, d'autant que je n'avais pas intérêt à ce qu'on le surprenne avec moi maintenant.
« Je n'ai pas d'excuses à vous faire. » lui dis je d'un ton intransigeant pour qu'il comprenne qu'il n'avait plus rien à tirer de moi, même pas ça.
Et qu'il devait faire demi-tour manu militari au risque de se retrouver à parler à un mur.
« D'accord, d'accord. » accepta-t-il tout de suite en riant, comme si rien ne pouvait le contrarier, même pas mes yeux qui lui lançaient des éclairs. « Une explication, alors ? Sur ce qui s'est passé hier. » insista-t-il avec un clin d'œil.
Je soupirai bruyamment. Son attitude était toujours aussi agaçante. Mais au moins, elle n'était pas hostile. Je ne voulais pas me le mettre à dos, je voulais juste qu'il me laisse tranquille. Alors j'allais devoir lui sortir un pieux mensonge.
« Ce qui s'est passé, c'est que j'ai été attrapée et vous aussi. Fin de l'histoire. » lançai je avec toute l'assurance et la sécheresse dont j'étais capable. « Sur ce, je pense que nous n'avons plus rien à faire ensemble. » tentai je de le renvoyer.
Il me lança un regard entendu et un peu joueur.
« Tss, je mens beaucoup mieux que toi, Ri Ah. » s'amusa-t-il, pas du tout dupe. « Et je suis aussi doué pour tendre l'oreille et trouver des informations intéressantes. » renchérit-il, hors de propos.
« Oh. Génial. » lui répondis je ironiquement, passant outre le fait qu'il ne m'avait pas crue. « Vous pourriez aller en trouver ailleurs, alors. Je doute que ce jardin vous apprenne quoi que ce soit d'intéressant. » appuyai je.
S'il pouvait juste partir... Mais bien sûr, ce n'était pas son genre. Lui, il était plus du genre bernacle qui s'accroche à son rocher. Et j'étais loin d'être aussi dure qu'un rocher, malheureusement.
« Il se trouve que j'ai déjà l'information qu'il me faut. » rit-il, m'inquiétant un peu plus. « J'ai incidemment appris que l'endroit où on t'avait trouvée était à l'opposé du point de rencontre que nous avions convenu. Etonnant, non ? » m'apprit il avec un air de fausse surprise sur le visage, bien vite remplacé par un sourire qu'il n'arrivait pas à retenir, sans doute satisfait de me prendre en flagrant délit de mensonge.
Pourquoi est ce qu'il était si réjoui, d'ailleurs ? Je lui avais mise à l'envers et il avait l'air de le savoir. Alors quoi ? Il avait un plan pour se venger ? Quelque chose qui l'amusait par avance ?
« Non mais vous avez vu ce qui s'est passé avant ? » l'apostrophai je, feignant d'être en colère pour ne pas montrer mon inquiétude. « Ce n'était pas prévu. J'ai fui n'importe où. » affirmai je.
Il réprima un gloussement.
« Ton mensonge n'est pas un sujet. » m'arrêta-t-il d'un geste de la main. « C'est trop évident. Ce que je voudrais comprendre, ce sont ses raisons, afin que nous puissions nous mettre d'accord sur un arrangement qui nous satisfait tous les deux. » expliqua-t-il. « Faisons les choses bien, cette fois ci. »
Mais...
« Si vous êtes persuadé que je vous ai déjà trahi une fois, pourquoi vouloir toujours faire affaire avec moi ? » demandai je, perdue.
Ce n'était pas logique de réagir comme ça, si ?
« Parce que je suis bien persuadé que tu n'as pas agi comme ça par loyauté envers le roi ni même envers Joseon. » raisonna-t-il. « Ce qui veut dire que nous avons toujours ça en commun. »
Je secouai la tête. Il fallait l'arrêter dans son délire.
« Vous vous trompez. Nous n'avons rien en commun et je n'ai pas l'intention de m'associer à vous une nouvelle fois. Laissez-moi tranquille. » demandai je, ne sachant pas comment être plus claire.
« Est ce que je peux faire une hypothèse ? » insista le prince de Silla, poursuivant la conversation même sans mon accord.
Evidemment, c'était une question rhétorique car il poursuivit sans attendre ma réponse.
« Pour t'avoir beaucoup observée, je dirais que tu as la main sur le cœur et que tu ne veux faire de mal à personne. » posa-t-il, en s'éloignant totalement du sujet. « Alors la seule chose qui aurait pu te faire peur dans ma fuite... C'est logiquement la guerre qu'elle entrainerait entre Joseon et Silla. » déduisit-il.
Etrangement pertinent. Au début, c'était mon désir de ne pas modifier l'histoire mais étant donné que je n'étais pas dans mon monde, c'était effectivement pour éviter de foutre la merde et que des milliers de gens meurent à cause de moi, même indirectement. Si je pouvais éviter de sortir de mes problèmes en déclenchant une guerre, je me sentirais beaucoup moins mal.
« Si j'ai vu juste, je dois te dire que cette guerre aura lieu, que je m'échappe ou non. » poursuivit le prince. « Si je ne sors pas de ce palais, elle aura lieu quand mon père aura totalement renoncé à moi. » affirma-t-il. « Mon frère ne sera plus un enfant longtemps. »
Ah oui. J'avais oublié ce détail même si nous en avions déjà parlé. Il fallait dire que j'avais plein d'autres choses à penser.
« Oh donc, je devrais vous aider à vous échapper pour que vous puissiez mener cette guerre plutôt que votre frère ? » lui lançai je néanmoins, d'un ton condescendant.
« Parce que si elle éclate sans moi, je suis mort. » corrigea-t-il, l'air sérieux, tout à coup.
Je grimaçai. Pour le prince de Silla, s'échapper était une question de vie ou de mort. Et si j'avais mal fait ? Si ça ne changeait rien à part que le prince Hong Joong mourrait s'il n'était pas utile à Joseon ? Préférer que le prince meure plutôt que des milliers de personnes, ça se valait comme choix. Mais si ça ne sauvait personne, c'était juste laisser mourir le prince en plus ? Mais ça retardait la guerre... Je n'arrivais pas à savoir ce qui était bien ou mal de faire dans cette situation.
« Tu vois. » rit le prince. « Je t'ai bien cernée. Tu ne veux pas que je meure non plus. »
Bien sûr que non ! Je n'étais pas une connasse à ce point. Que je l'aie trompé, ça ne me faisait pas grand-chose parce qu'il l'avait bien mérité. Moi aussi j'étais enfermée ici à cause de lui. Mais qu'il doive mourir à cause de moi... Non. Je ne devais pas penser comme ça. Ce n'était pas ma faute. Sans moi il n'aurait pas pu s'échapper de toute façon. Mais quand même, je ne pouvais pas le laisser mourir... Cependant, qu'est ce que je pouvais bien y faire ?
« Je comprends ton point de vue. » assura le prince Hong Joong, alors que je me taisais, perdue dans mes considérations. « Tu ne veux pas que la vie de milliers de gens soit menacée. C'est honorable. Mais tu as quand même pris le risque que ça arrive. » releva-t-il.
Mais c'était quel genre de réflexion, ça ? Il voulait que je culpabilise ? En plus, il avait l'air très content de sa remarque.
« Ce qui veut dire que tu avais aussi quelque chose à gagner dans l'histoire. » poursuivit il son raisonnement. « Quelque chose dans les rues de Hanyang... Hors de la vue des gardes. Que pouvait il bien y avoir là où on t'a trouvée ? » questionna-t-il, certain de m'avoir percée à jour.
Il était trop fort. Mais il ne pouvait pas savoir ce que je cherchais et il n'aurait jamais pu m'aider avec alors... Comme je ne voulais pas qu'il décide de raconter tous mes projets à n'importe qui... Je préférai garder le silence.
« Qu'est ce que tu veux vraiment, Ri Ah ? » demanda-t-il encore. « Mon plus grand souhait est de partir de ce palais et je pensais que c'était également le tien. Mais si ce n'est pas ça, qu'est-ce que c'est ? Quoi que ce soit, je te promets de t'exaucer. Sois honnête et trouvons un arrangement. » tenta-t-il de me convaincre.
Mais je n'avais pas vraiment écouté la fin de sa phrase. A vrai dire, j'avais eu un déclic quand il avait parlé de souhait. Nooooon... Ce n'était pas possible. Je ne pouvais pas être lié à lui de cette façon, quand même ? Je ne pouvais pas être celle qui pouvait exaucer son souhait ? Non ! Et pourtant, ça collait beaucoup trop bien.
« Si c'est votre plus grand souhait, est ce que vous l'avez formulé à un esprit ? » lui demandai je à brûle pourpoint, devant en avoir le cœur net. « Auprès d'un puits aux souhaits, par exemple. » précisai je.
Il fut pris de court par cette question inattendue et je vis se peindre la surprise sur son visage pendant quelques secondes avant que ses yeux ne s'agrandissent comme s'il réalisait quelque chose. Puis il fronça les sourcils et pencha la tête comme si ce qu'il venait de réaliser n'avait aucun sens. Sans savoir à quoi il pensait, je pouvais suivre le cheminement de ses pensées à travers les expressions de son visage.
« Ne me dis pas... » hésita-t-il. « Aurais tu fais ça pour voir un chamane ? » demanda-t-il, l'air peu sur de ce qu'il avançait.
Mais comment avait-il deviné ça ? C'était impressionnant qu'il puisse en arriver à cette conclusion.
« Ça expliquerait le pourquoi de ta visite au prince Woo Young... » souffla-t-il pour lui-même. « Mais je ne comprends pas... »
« Euh... Stop. » l'interrompis je dans ses réflexions. « Comment vous savez que je suis allée voir le prince Woo Young ? » demandai je, le cœur battant.
Et combien de personnes étaient au courant ?
« Je t'ai dit que je t'avais beaucoup observée. » sourit-il, malicieux, sans vouloir en dire plus. « Et ce palais a des yeux et des oreilles. N'espère pas garder beaucoup de choses secrètes. » ajouta-t-il.
Zut, on n'était jamais tranquille.
« A part ça, que veut dire 'stop' ? » demanda-t-il avant que je puisse repartir dans mes pensées.
Ah oui, mince.
« 'Arrêtez'. » répondis je rapidement. « Et vous n'avez même pas répondu à ma question. » réalisai je.
Elle était très importante, cette question. Il me jeta un regard suspicieux.
« Ça changerait quelque chose si je l'avais fait ? » m'interrogea-t-il.
« Seulement si vous êtes honnête. » le prévins je.
C'était sur qu'il pourrait être tenté de mentir si ça pouvait me convaincre de marcher dans son jeu.
Il soupira.
« Tout le monde sait qu'il n'y a pas de puits aux souhaits dans le palais. » affirma-t-il. « Et a Silla, nous pensons qu'il est mieux de ne pas interagir avec le monde des esprits. Ils existent, c'est un fait. Mais moins nous les prenons en compte, moins ils ont prise sur le monde des vivants. Même si j'en avais eu la possibilité, ce ne serait pas une solution que j'aurais privilégié. » exposa-t-il.
Je soupirai de soulagement. C'était une bonne chose. Si mon ticket de sortie avait dépendu de lui, j'aurais eu de longues tractations à faire. Des concessions aussi. Et moi je voulais ne plus avoir à faire à lui. De toutes les personnes que j'avais rencontré ici, j'étais sure qu'il faisait partie de ceux qui me poseraient le plus de difficulté si l'occasion se présentait.
« Si ton souhait a un rapport avec le chamanisme, je suis tout de même prêt à te promettre de te faire rencontrer les plus grands chamanes qui existent une fois que je serais roi. » me dit-il. « Ou peut être que tu veux les consulter pour autre chose ? Qu'il y a quelque chose que je serais en mesure d'exaucer mieux qu'eux ? Au vu de ton caractère, peut être voudrais tu une position d'homme ? Peut-être voudrais tu être ministre ? » jeta-t-il au hasard, parlant apparemment au fur et à mesure qu'il pensait.
J'éclatai de rire.
« Donc vous me laisseriez être ministre si je vous aidais à vous enfuir ? » m'amusai je, n'y croyant pas une seule seconde.
« Je dois avouer que c'est quelque chose qui serait un peu difficile. » grimaça-t-il. « Mais si c'est ta condition... Je suppose qu'il doit y avoir des compromis à trouver... »
Il n'avait pas l'air très sur de lui sur ce coup. Mais je lui donnais un bon point pour avoir ne serais ce qu'envisagé la possibilité que je puisse avoir ce genre d'envies.
« Je n'ai pas les clés du palais. » lui fis je néanmoins remarquer.
« Mais tu es proche des personnes importantes sans pour autant leur avoir donné ton allégeance. » contra-t-il. « S'il y a quelqu'un qui a une chance de nous sortir de cette situation, c'est toi. »
Je levai les yeux au ciel. Il avait beaucoup trop foi en moi. Si seulement j'avais une chance de sortir de ma situation pour commencer... ça serait bien avant de m'occuper des problèmes des autres.
« En admettant que ce soit le cas, je ne crois pas que tenter quelque chose tout de suite après les évènements d'hier soit une bonne idée. » lui fis je remarquer. « De même que nous rencontrer. D'ailleurs, comment vous avez réussi à venir jusqu'ici tout seul ? » lui demandai je, d'un coup. « Aujourd'hui encore plus que n'importe quand, vous devriez être étroitement surveillé. » supposai je.
Tout comme moi.
« C'est vrai. » confirma-t-il, l'air joyeux. « Mais c'est un peu plus facile d'échapper à la surveillance de quelqu'un qui est obsédé par un assassin quand ce même assassin frappe au sein du palais la nuit. » dit-il avec un sourire satisfait.
« Oh. L'Ecrabouilleur est revenu au palais ? » compris je.
« Oui. Et notre grand chef de la garde à tenu à vérifier les prisons lui-même, en me laissant sous la surveillance d'un autre garde qui me connait moins bien. Il doit encore être en train de me chercher. » s'amusa-t-il, comme s'il parlait juste d'une bonne blague.
L'histoire devait vraiment le rendre fou pour qu'il laisse le prince Hong Joong comme ça.
« Si j'ai bien compris, l'Ecrabouilleur ne laisse même pas les cellules ouvertes alors peut être qu'il faudrait commencer par chercher quelqu'un qui a les clés. » réfléchis je tout haut.
Pas que l'histoire me passionne beaucoup mais parfois, j'avais l'impression qu'ils ne pensaient pas aux choses les plus simples.
« C'est bien pour ça que les clés sont rassemblées dans des endroits gardés et une seule personne par prison en est en charge. » expliqua le prince de Silla. « Et la seule autre personne autorisée à y avoir accès est notre cher chef Min Gi, justement. » m'apprit-il. « En tant que chef de la garde de Hanyang, c'est normal dans la ville et en ce qui concerne le palais, il est tellement investi dans cette histoire que le roi l'a autorisé. Ils sont amis d'enfance, tu savais ? »
Je hochai la tête. J'avais cru comprendre, oui. Même si leur relation me faisait plus penser à un maître et son chien de garde qu'à une véritable amitié. Mais il y avait peut être des subtilités que je ne saisissais pas.
« En tout cas, je pense que nous ferions mieux de nous éviter quelques temps. » fis je comprendre au prince Hong Joong en revenant au sujet principal.
De toute façon, il ne comprenait pas les refus. Donc si je pouvais avoir le champ libre les prochains jours, ce serait déjà une belle victoire.
Il allait répondre quelque chose quand je vis quelqu'un avec une ample chima bleue passer l'entrée des jardins et s'arrêter devant la scène. En fait, ce n'était pas quelqu'un mais plusieurs personnes. Plusieurs femmes. Tout le harem pour être précise, Hyo Myeong en tête.
Celle-ci eut un moment d'arrêt, comme si elle ne croyait pas la scène qu'elle avait sous les yeux.
« Je ne crois pas que vous ayez grand-chose à faire ici, prince de Silla. » lança-t-elle d'un ton autoritaire et peu amène.
Elle qui avait l'habitude d'être un rayon de soleil avait l'air contrariée de le trouver ici. Et si l'histoire de la veille lui était parvenue, ce qui était probablement le cas, je pouvais comprendre pourquoi. Encore qu'il était possible que ma sortie et la fuite du prince Hong Joong n'aient pas été officiellement corrélé. Il restait qu'elles trouvaient une nuisance pour Joseon et fugitif à répétition dans mes jardins.
Le prince se tourna, tout sourire et pas le moins du monde gêné par la situation.
« Ah... Dame Hyo Myeong, veuillez me pardonner cet égarement. » lui dit il d'une voix enjôleuse. « Vous savez mon goût pour les jolies fleurs. Comment pourrais-je me tenir éloigné de la contemplation de la plus exotique de toutes ? » déclama-t-il presque, filant la métaphore jusqu'au bout.
Hyo Myeong eut un air affligé mais je crus voir passer une lueur inattendue d'amusement dans ses yeux.
« Voilà donc la raison pour laquelle nous ne vous voyions plus ces derniers jours. » pouffa Seo Rim, quelques pas derrière, l'air très réceptive au faux charme du prince.
« Ah mais quel manque de discernement que d'avoir préféré cette fleur à un tel parterre de joyaux. » dit le prince de Silla d'un air affecté. « Mais les joyaux sont inaccessibles alors que la fleur ne demande qu'à être cueillie. » continua-t-il son délire.
Euh... Pardon ? Pourquoi il parlait comme ça ? Et puis, j'avais une tête de fleur, moi ? Et c'était quoi ce changement d'attitude ? En tout cas, les concubines gloussaient. Un vrai amuseur public.
« Ri Ah va être fiancée demain. » le tança Hyo Myeong, sans pitié. « Ce n'est pas très élégant de votre part de la compromettre ainsi. » jugea-t-elle, sévèrement mais pas méchamment.
« Oh mais peut être que notre Ri Ah n'est pas contre ? » supposa So Hye, mine de rien.
« Sa majesté Hong Joong a l'élégance de porter la faute sur lui, mais qui nous dit qu'il n'est pas là à la demande de Ri Ah ? » renchérit Mu Yeon, l'air d'accord avec sa comparse.
« Oui, après tout, Ha Na était contrariée à propos de ses batifolages avec le roi. » raisonna So Hye. « Une activité que Mademoiselle Choi semble apprécier... Peu importe l'homme. » insinua-t-elle. « Et malgré tout, la voilà fiancée au prince Seong Hwa... Ne court-elle simplement pas après la royauté ? » demanda-t-elle alentours.
« Tout le monde a pu constater que ses mœurs étaient bien différentes des notres. » la conforta Mu Yeon.
« Ne tombons pas dans les commérages. » les interrompit Jan Yi, neutre et calme. « Confucius nous apprend à ne pas dire de mal d'autrui, d'autant si l'on n'est pas sûr de ce que l'on avance. » rappela-t-elle.
« Et j'ai déjà attesté du fait que notre Ri Ah n'avait pas cédé aux avances du roi. » rappela Hyo Myeong qui apparemment, avait encore dans l'idée de me sauver la mise. « Je suis certaine qu'elle n'a pas non plus cédé à celles du prince Hong Joong dont nous connaissons toutes le caractère. » affirma-t-elle.
Ce dernier ne s'en défendit pas et fit même une révérence pour approuver. Un comportement affligeant.
So Hye, Mu Yeon et les autres hochèrent la tête. Oh, alors, elles le connaissaient bien. Intéressant. Et il jouait le jeu de la séduction avec elles. Amusant.
« J'enjoignais justement le prince de Silla de partir. » pris je les devants. « Il se trouve que certaines personnes me lient à ses tentatives de fuite du palais alors que sa présence est la seule chose que j'essaie de fuir, en ce qui me concerne. » racontai je.
Mieux valait dire les choses ouvertement si je voulais lever les éventuels doutes.
« Ah... Tu me brises le cœur. » surjoua le prince Hong Joong. « Mais puisque je te suis si insupportable et que pareille compagnie est venue à toi, je pense qu'il est temps pour moi de me retirer. » prit il congé.
Enfin. Si ça pouvait être définitif... Mais je devrais me contenter de ça pour le moment.
Après que le prince de Silla soit parti, Hyo Myeong s'approcha de moi.
« Nous avons pensé que vous auriez envie d'un peu de compagnie avant le jour de vos fiançailles. » me dit-elle. « Comme vous n'êtes pas familière de nos coutumes, laissez nous vous aider à vous préparer et amusons-nous toutes ensembles pour ce soir. »
« Euh... Comme un enterrement de vie de jeune fille ? » demandai je.
« Un enterrement ? » s'alarma Hyo Myeong. « Vous n'allez pas mourir, rassurez-vous. Nous voulons seulement partager votre dernière soirée en tant qu'insouciante jeune fille. Dès demain, vous serez fiancée à quelqu'un d'important, cela vous vaudra quelques obligations, même si vous n'êtes pas encore unie à lui par les liens du mariage. » expliqua-t-elle.
Oh. Chouette ! J'allais avoir des devoirs en plus. Quel bonheur.
« Nous allons rester dormir avec vous pour cette dernière nuit en tant que fille. » ajouta Na Gyeom, comme si c'était censé me rassurer ou me faire plaisir, au choix.
« Je doute que le pavillon soit assez grand pour que nous dormions toutes ici. » fis je remarquer.
Le pavillon n'était pas fait pour accueillir une pyjama party.
« Seules deux ou trois d'entre nous vont rester. » me dit So Hye sur un ton condescendant. « Je n'en ferais pas partie. » ajouta-t-elle, comme s'il avait pu y avoir un doute.
J'eus le plus grand des mal à ne pas lui servir une remarque piquante comme quoi c'était tant mieux.
« Nous avons amené du matériel. » dit Yun Yeong qui devait sentir que l'atmosphère était tendue. « Et si on installait tout ça ? » proposa-t-elle.
« Bonne idée. » approuva Hyo Myeong en tapant dans ses mains, toute joie retrouvée.
Les concubines commencèrent donc à installer des lampions et des guirlandes de fleurs pour la soirée. Evidemment, elles étaient aidées par des servantes qui étaient celles qui avait amené le matériel, dans les faits.
Au milieu de tout ça, Hyo Myeong me prit un peu à l'écart pour parler, tout en installant les décorations.
« Vous ne devriez pas laisser So Hye et Mu Yeon vous parler sur ce ton. » me dit elle tout en ayant l'air de s'affairer. « Vous allez bientôt vous marier au prince Seong Hwa. Vous serez donc une princesse. Votre rang sera plus élevé que le nôtre. Vous ne devriez pas tolérer de tels écarts. »
Ah. Bah oui.
« Je ne suis pas encore princesse. » lui fis je remarquer. « Et de toute façon, je me fiche de ce qu'elles peuvent bien penser. Elles ont l'air d'aimer dire du mal. » relevai je.
« C'est vrai. » confirma Hyo Myeong. « Mais que leurs paroles soient vraies ou pas, elles peuvent être entendues, écoutées, crues ou prises comme prétexte. Il est important de vous défendre lorsque vous êtes attaquée et de forcer vos détracteurs au silence, d'autant plus quand vous en avez les moyens. » me fit elle savoir.
« Si je les fais taire, elles parleront dans mon dos. » posai je.
« Vous avez raison. Vous ne pourrez rien contre ça. Mais si vous les laissez dire ce qu'elles veulent devant vous sans vous en défendre, cela pourrait être pris comme un aveu. » me mit elle en garde.
Mais quel pays de fou. Et tous ces codes stupides que je ne connaissais pas.
« En ce qui concerne le prince de Silla, j'ai conscience qu'il doit apparaitre chez vous sans que vous ne l'ayez sollicité, une habitude dont il ne se défait pas, mais... Néanmoins, vous devriez vous abstenir d'une quelconque interaction avec lui. Cela ne ferait que vous porter préjudice, surtout si vous lui apportez votre aide. Que cette aide soit réelle ou non. » appuya-t-elle, me laissant à penser qu'elle en savait beaucoup.
Mais comment ? Comment pouvait elle savoir le marché que j'avais passé avec le prince Hong Joong ? Ou alors j'étais simplement parano et tout me semblait être un sous-entendu.
« Puis je vous donner un conseil ? » me demanda-t-elle sans me laisser réfléchir plus.
« Vous m'en avez déjà donné beaucoup sans attendre ma permission. » lui fis je remarquer avec un sourire.
« Et bien, ce n'est pas faux. » convint-elle en riant. « Mais celui-ci bénéficierait sans doute à tout le monde s'il était appliqué. »
« Vraiment ? Je suis curieuse. » lui signifiai je.
« Mariez vous avec le prince Seong Hwa au plus vite. » lâcha-t-elle. « Je sais ce que vous avez demandé à San mais c'est une très mauvaise idée. Le fait qu'il soit prêt à répondre à ce caprice est une mauvaise chose pour Joseon et vous devez vous en rendre compte, vous aussi. Quelque part, j'espère toujours que vous lui avez demandé ceci sans réelle intention d'aller jusqu'au bout, bien que je n'ai aucune idée de vos réelles motivations. Je ne vous sens pas amoureuse, Ri Ah. A peine attirée. Alors si vous l'appréciez, le meilleur service que vous pouvez lui rendre est de vous marier au prince Seong Hwa sans lui laisser le temps de faire quoi que ce soit en ce sens. » plaida-t-elle.
Je hochai la tête. Je comprenais tout à fait son point de vue. Elle voulait le bien du roi et de son royaume. Quoi de plus normal ? Mais pour moi, le meilleur service que je pouvais rendre au roi était le pire que je puisse me rendre à moi. A cause du premier ministre Choi.
« Je ne sais pas ce que le prince Seong Hwa va penser de moi. » lui répondis je donc. « Ces fiançailles lui ont été imposées comme à moi. Je ne sais pas quel sera son ressenti et ses envies me concernant. » lui fis je comprendre.
J'étais une menteuse patentée maintenant. Et je rejetais la responsabilité sur un autre.
« Ça va de soi. » hocha-t-elle la tête. « Je suis heureuse que vous ne rejetiez pas cette idée en bloc. »
Oh non. Déjà, je préférais avoir la sympathie de Hyo Myeong et puis, si ça ne tenait qu'à moi, il n'y aurait ni fiançailles ni mariage, ni avec l'un, ni avec l'autre alors... Je pouvais bien raconter ce que je voulais. Si seulement je pouvais arriver à voir le prince Woo Young, trouver avec qui j'étais lié, faire un petit rituel et partir... Ce n'était pas si compliqué. Enfin, ça ne l'était pas sur le papier. Mais je faisais comment quand j'avais un monde entier pour trouver une personne qui m'était liée ?
« Est-ce que vous auriez entendu parler d'un puits aux souhaits dans les coins ? » demandai je subitement à Hyo Myeong.
Autant vérifier que ce n'était pas elle non plus, toutes les personnes de mon entourage étaient suspectes. En fait, toutes les personnes du monde étaient suspectes. Mais je n'avais accès qu'à un nombre restreint de gens. Je pouvais avoir de la chance...
« Hum... Pas dans le palais. » me répondit elle, l'air un peu ailleurs. « Ce genre de puits est très rare et souvent dans des endroits abandonnés. Pourquoi cette question ? Vous désirez faire un vœu avant vos fiançailles ? » demanda-t-elle.
Je secouai la tête. Ce n'était pas elle, alors. En fait, ce n'était probablement pas quelqu'un qui ne quittait jamais le palais, du coup. Ça faisait plusieurs fois qu'on me disait qu'il n'y avait pas de puits aux souhaits à l'intérieur du palais. Ça éliminait les autres concubines également.
« Non, pas vraiment. » répondis je évasivement.
« Si jamais vous avez envie d'en formuler un, nous honorerons les esprits de vos ancêtres tout à l'heure, conformément à la tradition. Adressez-le-leur. Si vous avez de la chance, il vous sera accordé. Après tout, vous passez une étape importante de votre vie. »
Ah ah. Comme si j'allais avoir l'imprudence de formuler un autre vœu à un esprit sans réfléchir. Mais je pouvais vraiment avoir une chance d'être exaucée de cette manière ? J'allais poser la question mais à la réflexion, j'étais censée formuler mon vœu à mes ancêtres. J'avais un petit doute sur le fait qu'ils m'aient suivi dans un autre univers si jamais ils étaient vraiment à veiller sur moi donc... Fausse piste.
« Et voilà ! » dit Hyo Myeong, satisfaite, après avoir accroché un dernier lampion. « Ce soir, nous n'avons plus qu'à nous amuser et vous penserez à être sérieuse et digne demain. »
J'avais hâte...
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Vocabulaire :
Chima : Jupe du hanbok féminin
Confucius : Philosophe chinois dont l'enseignement a donné naissance au confucianisme (religion d'état dominante en Corée pendant la période Joseon)