Personne ne vit Nanaya à la cafétéria lors qu'arriva l'heure du dîner. Les demoiselles de sa classes parlaient à voix basse, la plupart étant persuadée qu'il n'allait apporter que des problèmes. Les jeunes héros, eux, n'était pas au courant du problème. Kōtarō mangea à peine et retourna au plus vite dans le hall. Il avait attendu toute l'après-midi de voir son ami débarquer dans la classe. Il était bien décidé à monter au troisième étage s'il le fallait, pour savoir où était Nanaya. Il n'eût cependant pas à monter une seule marche. L'adolescent était là, au rez-de-chaussée. Il était venu récupérer la seule valise restante dans le hall, la sienne.
« Nana-chan. Appela Kōtarō. Où étais-tu ? Il y a un problème ?
—Oui. Répondit simplement Nanaya en se tournant vers lui. Ils ne peuvent pas changer l'inscription. Je dois rester à Aitori.
—Quoi ?! C'est complètement absurde ! Et nos projets ?! On devait devenir le meilleur duo de super-vilains !
—C'est juste pour cette année.
—...et tu n'as rien d'autre à dire ?!
—Que pourrais-je dire d'autre ?
—Tu me laisse tomber !
—Non...
—Je suis un enfant de héros ! Comment tu pense que les autres me traitent à Darkeas ?! Je ne pouvais compter que sur toi ! Tu ne t'imagine même pas comment je peux me sentir ! »
Nanaya resta silencieux. Il le savait. Mieux que personne. Si Kōtarō était devenu son ami, c'était justement parce qu'il n'avait personne d'autre. Parce que les autres enfants, autant que leurs parents et même les instituteurs, ne voulaient rien avoir à faire avec « le fils d'un vilain ». Kōtarō avait certainement oublié. Nanaya n'avait pas envie de le lui rappeler. Il était le premier à souffrir de cette situation. Il était juste plus habitué que son ami à cacher ce qu'il ressentait.
Il attrapa simplement la poignée de sa lourde valise et se dirigea vers l'escalier.
« Tout va bien. Lança t-il doucement. Je rejoindrais Darkeas l'année prochaine.
—L'année prochaine ce sera trop tard ! Cria Kōtarō. Je deviendrais un vilain sans ton aide ! »
Nanaya n'eût pas le temps de lui répondre, son ami parti, furieux. Il ne comprenait pas. Pourquoi se mettre tant en colère, comme si c'était sa faute ? Il n'avait rien demandé. Il n'avait jamais voulu entrer à Aitori.
Nanaya resta là, immobile au bas des marches, son bagage en main. Il portait toujours l'uniforme sombre de Darkeas. Et pourtant, quelqu'un l'interpella.
« C'est trop lourd ? Tu veux de l'aide ? »
L'adolescent se tourna en lançant machinalement un « non » assez sec. Trois élèves de Saurity se tenaient là. Nanaya ne se souvenait pas les avoir vu lors de la répartition, ils étaient donc sûrement d'une année supérieure. Celui qui avait parlé était plutôt grand. Son large sourire laissait entrevoir des dents de requins. Ses cheveux lisses tombaient en une cascade rousse sur ses omoplates. Mais ce furent ses yeux qui intriguèrent Nanaya. Le droit était bleu et l'autre vert. Il n'avait jamais vu ça.
Le garçon à sa gauche, à la peau particulièrement pâle, se pencha vers lui.
« Hase-kun, tu vois bien qu'il est de Darkeas. Marmonna t-il en regardant leur vis-à-vis de haut en bas. Tu t'attendais à une réponse positive ? »
Nanaya ne l'avait pas entendu. Mais il n'aimait pas son regard. Ses yeux bleus sur un fond noir lui donnaient un air menaçant malgré ses beaux cheveux blonds. Il aurait parfaitement eu sa place à Darkeas, ne serait-ce que pour son apparence.
Cependant, l'adolescent repensa aux conditions pour pouvoir rejoindre l'école de super-vilain. Les bonnes notes et le comportement. Il n'avait certainement pas répondu de la bonne manière. Il prit un instant pour réfléchir, causant indéniablement les interrogations du petit groupe de Saurity.
« Est-ce que ça va ? Demanda finalement le rouquin. Tu n'as pas l'air très bien.
—Ça va... menti Nanaya, perdu dans ses pensées. ah. C'est ça. »
Il releva la tête vers son aîné, qui s'était approché entre-temps.
« Je n'ai pas besoin d'aide pour mon bagage. Articula Nanaya. Mais merci quand même, senpai. »
Les trois élèves restèrent interloqués de cette soudaine politesse. Ils n'arrivaient même pas à trouver quoi répondre. Nanaya profita de leur silence pour entreprendre de monter les escalier en traînant sa valise, la faisant glisser de marche en marche. Elle n'était pas bien grosse, mais l'adolescent était plutôt maigre. Il n'avait pas beaucoup de force.
Nanaya grimpa les trois étages. Il ne croisa pas d'autre élèves jusqu'à sa « chambre ». Il s'était débarrassé de la poussière et la pièce, bien que toujours vide, était plus vivable. L'éclat tamisée du coucher de soleil traversait la baie vitrée et venait teinter la pièce d'une lumière orangée. Après avoir posé son bagage, Nanaya s'assit simplement devant cette fenêtre. De ce troisième étage, il voyait la forêt qui s'étendait autour du complexe. Il se trouvait vers l'arrière du bâtiment et ne pouvait donc pas voir la ville, en revanche, il apercevait le lac Towada au loin. La vue était magnifique. Il s'allongea simplement, restant ainsi face à la vitre. Dormir par terre ne le dérangeait pas. Il en avait l'habitude.
Il y avait une pièce au manoir, sans fenêtres et sans meubles. Parfois, lorsqu'il n'obéissait pas ou qu'il n'atteignait pas les attentes de son père, ce dernier l'y enfermait. Il pouvait rester là, dans le noir, pendant deux jours entiers. Il dormait donc à même le sol et n'avait même pas conscience du temps qui passait. Son père lui disait que c'était pour l'endurcir. Qu'ainsi, lorsqu'il deviendrait à son tour un génie du mal, ses fréquents séjours en prisons lui paraîtrons moins pénibles. Nanaya s'en était accommodé. Parfois, il se dirigeait de lui-même vers cette pièce avant même que son père ne découvre une mauvaise note ou une autre erreur. Il s'y asseyait dans le noir, et entendait le verrou se fermer peu après. Au moins, il évitait ainsi les coups.
Nanaya ferma les yeux alors qu'il admirait la vue magnifique que lui offrait cette hauteur. La dureté du sol ne l'empêcha pas de s'endormir et il n'entendit pas les coups frappés à sa porte peu de temps après. Finalement, n'obtenant pas de réponse, son visiteur abandonna, se promettant de revenir au matin.
Le sommeil de Nanaya le plongea dans ses souvenirs. Il ne se souvenait pas du visage de sa mère. Son père lui répétait toujours qu'elle n'avait jamais eu la moindre importance à ses yeux. Ils avaient juste eu un accord. Elle lui donnait un enfant et en échange, elle pourrait profiter de sa richesse autant qu'elle le voulait. Elle était partie lorsqu'il n'avait que trois ans. Et elle ne s'était pas contentée de quitter le domicile. Furieuse que son fils n'ai pas hérité de son pouvoir, elle s'était mis en tête de se débarrasser du rejeton inutile. Capable de faire fondre ce qu'elle touchait, comme avec de l'acide, elle avait attraper le visage de Nanaya, défigurant son côté droit. Si son père n'était pas intervenu, elle l'aurait tué. Il l'avait chassée de son manoir et elle n'y était plus jamais revenu. Nanaya ne l'avait même jamais vu en tant que super-vilaine. Elle était discrète et si son nom de code, Meltdown, était connu, son image ne l'était pas. Personne n'avait jamais réussi à l'attraper ni même à la filmer. Elle se contentait de larcins dérisoires comparé au père de Nanaya. Se contentant de braquer des banques et des bijouteries, toujours avec une discrétion incroyable. Et comme elle n'avait jamais révéler son vrai nom à Uchiri Nakamara, il n'avait jamais pu la poursuivre pour lui faire payer son acte.
Nakamara avait travailler dur pour créer une prothèse dernier cri à son fils. Elle ne cachait pas entièrement cette moitié de visage difforme, mais remplaçait, en mieux, l'œil que Nanaya avait perdu. Il y avait ajouté de nombreuses fonctionnalités. Tant que son fils n'en avait même pas tester la moitié.
Mais lorsqu'il était retourné à l'école maternelle pour la première fois après cet incident, il faisait peur à tout le monde. Il n'était déjà pas très aimé avant, de part sa parenté avec le puissant et célèbre Uchiri Nakamara, alias Experion. Il avait toujours été laissé de côté, mais participait aux activités et les instituteurs se forçaient à interagir avec lui. Ça, c'était avant l'incident. Car après, il fut complètement délaissé. Les adultes ne voulaient même plus l'approcher.
Il avait cinq ans, le jour où, submergé par les regards haineux, les discours rabaissant et les railleries, il s'était enfui de l'école. Il n'avait pas vu d'autres enfants le suivre. Et lorsqu'il s'en rendit enfin compte, il était trop tard. Alors qu'il longeait un étang, les trois autres garçon l'avaient poussés à l'eau.