Les Sphères d'Ebesse...

By Ginie_13

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"Dans un monde troublé, certains parleront de chance quand d'autres parleront de fatalité...Et si une success... More

Chapitre 1 : Insouciance
Chapitre 1 : Suite 1
Chapitre 1 : Suite 2
Chapitre 2 : Le Bal des Unions
Chapitre 2 : Suite 1
Chapitre 2 : Suite 2
Chapitre 2 : Suite 3
Chapitre 3 : L'ombre des noces
Chapitre 3 : Suite 1
Chapitre 3 : Suite 2
Chapitre 3 : Suite 3
Chapitre 4 : Déferlante
Chapitre 4 : Suite 1
Chapitre 4 : Suite 2
Chapitre 4 : Suite 3
Chapitre 5 : Les graines de la discorde
Chapitre 5 : Suite 1
Chapitre 5 : Suite 2
Chapitre 5 : Suite 3
Chapitre 5 : Suite 4
Chapitre 6 : Témérité

Chapitre 1 : Suite 3

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By Ginie_13

Bien que piqués d'aiguilles salées, mes yeux ravalent ma frustration sans que la moindre larme ne fasse surface. Notre famille s'élance à la suite de la Cour, pendant que nos gens conduisent nos valises vers les appartements qui nous seront mis à disposition pour la durée de notre séjour.

           Vient le temps du repas, où l'on nous fait asseoir à la droite de la tablée royale. Les parfums de la grande salle de réception enivrent nos sens. Mélange de fumets nourriciers, de feu de bois et d'opulents bouquets de fleurs, soignant un peu plus la décoration déjà luxueuse des lieux. Les mets se succèdent au rythme des morceaux joués par l'orchestre qui siège près des portes de la pièce, au parfait opposé de la famille royale, qui elle profite dans son dos de l'âtre flamboyant. Je concentre mon énergie à ne pas regarder ce prince qui sévit irrémédiablement dans mon cœur, éveillant en moi des émotions qui m'éraient inconnues. Au cours de ces quatre dernières années, je pensais pourtant avoir appris tout ce qu'il y avait à savoir des relations entre un homme et femme. Non pas que cela ai entaché ma pureté aux yeux de tous, si précieuse pour une femme à marier de la noblesse. Heureusement pour moi, il y a de nombreuses façons de satisfaire ces pulsions sans conduire à une grossesse non désirée, comble d'humiliation.

— Solynn ! Ma fille ! Allez-vous cessez de rêvasser vous déshonorez notre famille !

La sonorité de mon prénom m'extirpe de mes pensées qui s'aventuraient malgré moi à prendre une nature licencieuse.

— Je vous prie de m'excuser Père...
— Excusez-vous dont en répondant à la question de notre hôte !
— Pardon, je n'ai pas suivi votre discussion, que disiez-vous ? M'efforçais-je de dire le plus humblement possible alors que Père soupire d'exaspération.
— Veuillez nous pardonner mon Roi, elle me désespère !
— Sois tranquille Ürane, comment pourrais-je en vouloir à si joli minois !

Le rose envahit dans l'instant mon visage. Réaction empreinte de gêne liée à l'âge de mon interlocuteur et de flatterie appréciée.

— Et bien ma fille ! Le Roi vous vante, n'avez-vous rien à répondre à son Excellence ?
— Oh si, je suis navrée, je ne m'attendais pas à tant d'estime de votre part mon Roi... Je vous remercie de votre compliment.
— TROUBADOURS ! UNE VALSE ! Lance-t-il tout de suite après un double tapement de mains. Comtesse, je ne supporte plus de voir une mine si fermée sur votre doux visage ! Accordez-moi cette danse !

Je n'ai pas besoin de regarder mon père pour savoir que je n'ai d'autre choix que d'accepter cette invitation séance tenante. Toutefois, je ne peux refréner un bref regard vers ma droite, juste pour en être bien certaine. Celui-ci me fait croiser l'œil valide de mon père, qui, en effet, confirme mon intuition première. Une place nous est faîte au centre de la pièce parquetée, et nous enchaînons les pas. Il est distrayant de constater les précautions que prennent les convives pour ne pas entamer, ne serait-ce qu'un peu, l'espace de danse du roi. Il faut dire que les tenues des dames de la Cour sont aussi bien moins encombrantes que celles de nos contrées. Ou peut-être ne s'agit-il que d'une affaire de mode propre à la capitale ? Toujours est-il qu'elles revêtent des toilettes absolument époustouflantes ! Elles sont certes toutes conçues des mêmes matériaux, mais à la fois toutes très différentes, et dans des nuances que je n'avais jamais vues ! J'imagine que la fortune de certaines de ces familles doit fortement aider dans ce domaine qu'est le paraître en société. Je trouve particulièrement à mon goût la robe d'une femme d'âge respectable, mettant admirablement bien son teint et sa silhouette en valeur. Sur sa peau couleur de miel boisé, ressortent de vaporeuses dentelles blanches, bordant l'encolure dégagée et le bas des manches trois-quarts de sa tenue. Cette même dentelle la recouvre de sa poitrine au sommet de sa gorge, pour ne figurer ensuite que sur ce qui doit être sa jupe. Une vraie cascade de dentelles de ses cuisses au sol ! Je n'ose me figurer les mois de travail que cet ouvrage aura nécessité ! Sous cette jupe, je distingue nettement plusieurs couches de jupons, sans aucun doute de soie, et d'un blanc éclatant. Pour ravir le tout, elle exhibe une robe de velours prune, froncée à hauteur de son bassin pour donner plus de volume, et parfaite d'un sautoir d'or serti d'une grosse et ovale pierre de lune. Frivolités mises à part, je reconnais volontiers que mon partenaire pour cette valse est un danseur au moins aussi accompli que moi.

— Et bien Comtesse, enfin je découvre votre sourire ! Dois-je comprendre que cette danse vous satisfasse ? Demande-t-il visiblement ravi de son initiative.
— Mon Roi, je dois avouer que je le suis en effet ! J'ai toujours aimé cette discipline, mais jamais je n'avais connu danse si savoureuse ! Vous avez un sens du rythme tout à fait remarquable !
— Merci Comtesse ! Votre éloge me va droit au cœur ! Rit-il. Ne vous méprenez pas surtout. Par mon ami votre père, je savais combien vous affectionniez cette activité. J'y ai vu autant un remède pour votre humeur qu'une merveilleuse occasion pour moi de parfaire ce trop long dîner ! Mon épouse adore danser, mais ne sait le faire sans m'enfoncer un orteil ou deux entre les lames du plancher ! Vous conviendrez que c'est un véritable crève-cœur pour l'amoureux de danse que j'incarne !

Nous rions puérilement. Tout du moins, autant que le puisse une dame de ma condition en pareille circonstance. Les différentes danses s'enchaînent en compagnie de ce Roi que je me surprends à si vite apprécier comme un ami. Je me risque à croire que notre entente est réciproque et profite d'une soirée qui sera sans nulle doute l'une des plus mémorables de ma vie ! Que je puisse ou non en juger, je pense que cet homme est parfaitement digne de son statut de souverain de Fréomne. Arborant droiture, honnêteté et empathie, je refuse aujourd'hui fermement d'adhérer aux idées défendues par certains vassaux, entendues ça et là. Ils prétendaient notre Roi fou, avide de richesses, de pouvoir, et même adepte de sorcellerie.
La salle commence à se vider de ses invités, et je sens qu'il est temps pour moi de regagner mes quartiers.

— Merci infiniment pour ce mémorable moment en votre compagnie mon Roi ! Malheureusement, il se fait tard et je me dois de retourner auprès de mon père.
— Vous avez raison Comtesse ! Merci à vous également ! Votre adresse et votre jovialité m'ont apporté beaucoup de distraction ! Je vais vous faire raccompagner.
— Votre sollicitude a toute ma gratitude votre Excellence, cependant le Comte ne saurait agréer que je rentre avec un serviteur étranger à notre maison. Pourriez-vous, sans vouloir abuser de votre temps, faire appeler ma suivante ?
— Faisons simplement Comtesse, je vous raccompagne à votre appartement !
— Ma foi, comment refuser un tel privilège !
— Allons-y Comtesse ! Annonce-t-il mains jointes dans le dos, aussi révérencieux que la situation l'exige.


Selon la convenance établie, la proximité manifeste doit se limiter à la stricte sphère familiale, exception faite de certaines parades qui pourraient se prêter à négociations ou bonne entente. Pour mon plus grand plaisir, la danse en fait partie !

Les froids et silencieux couloirs du château défilent sous nos pieds, à peine troublés par nos paroles, comme le sont les flammes des bougies sur notre passage. En tressaillant, elles peignent sur les murs de pierres, les ombres des sculptures de la voûte. Les imprégnant presque de vie, les hauts-reliefs si éloignés les uns des autres la journée, semblent avec poésie se rencontrer la nuit tombée.

— Je regrette que vous soyez promise au Comte Fraju Comtesse...

Que dit-il ! Mon Roi serait-il en train de me courtiser ? Un immense malaise s'empare de moi... Et si j'avais mal interprété nos échanges ? S'il avait pris mon estime pour une attirance intime ? Ma respiration s'arrête alors qu'il poursuit :

— J'ai déjà dit à Ürane qu'il commettait une erreur en vous cédant à cet homme. Déjà parce qu'il n'apportera rien à votre famille, ou si peu, qu'il soit question de rang, terres ou richesses... Mais en sachant comment sont décédées ses deux dernières femmes... Cela revient à vous envoyer au trépas !

Je reprends mon souffle après cet ascenseur émotionnel qui n'en fini pas... J'ai maintenant la confirmation de mon funèbre pressentiment. Une angoisse que je dissimule aisément grâce aux enseignements reçus depuis ma toute jeunesse. Dans un univers de manipulations, mensonges et trahisons, garder le contrôle de ses émotions est primordial, ne serait-ce que pour garantir sa propre survie. Je m'accorde trois pas dont le son se répercute entre les murs, à défaut d'entendre nos voix. Après une profonde mais discrète respiration, mon cœur qui battait à tout rompre s'harmonise au rythme de notre marche.

— Je n'ai pas mon mot à dire mon Roi.
— Si vous me le permettez Solynn, je ne suis pas de cet avis. J'ai proposé à votre père de vous fiancer à mon second fils Khomü, d'un an votre cadet. Il ne sera sans doute jamais roi, mais il serait un époux d'un âge plus proche du vôtre, et continuerait d'élever la position sociale de votre famille.

—Cette suggestion est attrayante votre Excellence, mais comme je vous le disais, je dois obéissance à mon père.
— N'allez-vous pas tenter de le raisonner ? Peut-être pourriez-vous insinuer une sympathie particulière pour mon fils qui lui ferait une nouvelle fois peser le pour et le contre ?

Je souris de résignation, et opte pour un changement de sujet. Si notre Roi ne parvient pas à faire changer la décision de mon père appuyé de tous ces arguments, comment le pourrais-je ? Résolument, cette main promise doit conclure un arrangement qui à l'heure actuelle échappe tant à mon savoir qu'à celui du Roi. Peut-être que Lomynn en saura davantage, elle qui a toujours su capter la confiance et la considération de Père. Si mon Roi savait comme je préférerais son aînée de fils au Prince Khomü... À bien y songer, il n'est pas dépourvu d'un certain charme, mais il paraît plutôt solitaire et renfrogné...Autrement dit mon parfait opposé !

— Êtes-vous sûr que notre Reine ne sera pas mécontente de s'être vu refuser toute danse à votre bras ce soir ? Vous qui me confiez plus tôt son penchant pour cet art en dépit de quelque maladresse.
— Soyez rassurée Solynn, ma Reine n'aura pas été éprouvée ! Elle sait combien j'ai d'affection pour elle, tout comme elle sait que je n'ai et n'aurai d'intérêt pour aucune autre.

Le bruit d'une course venant à notre rencontre se fait désagréable à mesure que son écho emplit l'espace où nous nous trouvons. Chevauché d'un souffle qui se raccourcit, une silhouette se dessine enfin au bout du couloir. L'homme se précipite entonnant :

— Père ! Enfin je vous trouve !
— Que se passe-t-il mon fils ?
—Mère s'est encore sentie mal... Notre médecin vous demande auprès d'elle !

— J'yvais ! Khasna, raccompagne la Comtesse jusqu'à ses loges je te prie.

Le Roi détale après l'approbation de son héritier qui me propose son bras, non sans de courtes révérences, protocole oblige. J'hésite à peine. Si l'étiquette m'oblige à refuser, la tentation de quelques secondes de coudoiement avec lui demeure irrépressible. Moi qui avais évité de croiser son regard avec soin tout au long de la soirée, je me retrouvais désormais à son bras, aussi proche que nous pouvons l'être de part les événements... Réflexion faite, j'arrivais à la conclusion qu'en devenant mon beau-frère, il serait très bientôt de ma famille proche, et que nos us nous cèderaient bien ce faible retors... Sous à peine deux mois... La porte de nos appartements se rapproche de nous, quand je me décide à briser le silence qui s'était instauré.

—J'espère que notre Reine sera promptement rétablie ! M'avanturé-je sans assurance.
— Soyez tranquille Comtesse, ma mère y est hélas habituée, et s'en remettra d'ici un jour ou deux.
— Je suis bien aise d'entendre cela.
— En êtes-vous sûre ? Réplique-t-il suspicieux.
— Je vous demande pardon ? Lui demandé-je en m'arrêtant.
— N'y voyez pas offense Comtesse... Mon interrogation ne réside que dans mon ressentiment de votre trouble...
— Mon... trouble ?

Laissant planer un mutisme involontaire, le Prince reprend :

— Oui... vous êtes manifestement... troublée...
— Mais enfin ! Dis-je sans conviction et sans trouver la moindre suite à donner à ce début de réprobation.
— Dois-je comprendre que ma présence vous importune ?
— Comment ? Non ! En aucune façon mon Prince ! Je...
— Ah... Devrais-je donc en déduire que ma présence vous... perturbe ?

Ohla la... Percée à jour ! Si facilement ? Que répondre ? L'anxiété gagne l'ensemble de mon corps qui finit de me trahir, faisant sournoisement trembler chacune de mes phalanges. Aussitôt, le Prince s'en saisit, cachant les phalanges de mes mains entre les siennes, fortes et chaleureuses.

— Et bien ! Dit-il souriant de son caractère enjôleur, ses yeux bleus rivés sur les miens. Je suis flatté de l'effet que je fais naître en vous...Solynn...

Un ange passe, et aucun mot ne peut sortir de ma bouche.

— Que je vous rende justice Comtesse, et...puissiez-vous garder cette confession pour vous... car je ne saurais nier l'effervescence de sentiments ardents que vous faîtes, vous aussi, émerger en moi...

Je me connais trop bien, et ainsi que me l'avais crûment dit l'un de mes anciens amants « Les femmes bandent avec les oreilles ». Si je dois reconnaître à ce Prince une qualité, c'est bien celle de manier l'art du verbe avec une admirable élégance. Peut-être même était-ce là le secret de sa si proverbiale diplomatie ! Tétanisée, je me trouvais perdue entre mon devoir de Comtesse, mon devoir de sœur, et mes envies de femme. Je ne peux m'égarer à lui suggérer de passer quelques heures de façon plus intime, et pourtant, je doute être en mesure de refuser s'il osait se montrer plus entreprenant. En amour comme s'agissant des plaisirs de la chair, j'ai toujours eu un incontrôlable penchant pour les hommes audacieux.

— Comtesse ?

Sa voix est un murmure, mais sa proximité me fait reprendre conscience. Où mon esprit s'était-il encore adiré ? Effleurant le haut de mon cou du bout des doigts, son visage est déjà si près du mien que ses intentions ne me laissent aucun doute.

— Oui Prince ?

Entre deux soupirs, il ajoute :

— Vous risqueriez-vous à... autoriser un Prince à... vous embra...

Je n'ai plus la patience de le laisser finir sa phrase.

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