Chapitre 9

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Nous marchons l'un à côté de l'autre tout en discutant. J'ai parlé de l'association à Stéphane et lui me raconte sa carrière d'ouvrier. Parfois nos épaules se frôlent, nos coudes se cognent en douceur. Nous nous touchons, sans nous toucher. Cette manière de débuter une relation, une histoire est belle. J'aime le romantisme qu'elle implique, l'attente, la séduction évidente, mais tendre, respectueuse.

Comme je suis venu à pieds, nous cheminons pendant une petite dizaine de minutes et prolongeons ainsi cette délicieuse soirée. Il n'y a rien de plus agréable, après un succulent repas, qu'une promenade en excellente compagnie.

- C'est ici, déclaré-je en désignant mon immeuble.

Il hoche la tête et nous parcourons les deniers mètres qui nous séparent de ma porte d'entrée en silence.

- Eh bien, j'ai passé une très bonne soirée, souffle Stéphane en se tournant vers moi.

- Moi aussi.

J'ignore comment agir. Dois-je lui prendre la main ? Me rapprocher de lui ? Lui sauter dessus ? La frustration de ne pas savoir faire me gagne peu à peu, mais les doigts de Stéphane se liant aux miens l'effacent instantanément.

- Tu vas bien ? me demande-t-il, soucieux.

- Oui, je ne sais juste pas comment me comporter.

Il sourit. Les pattes-d'oie qu'il a sur les coins des yeux s'intensifient le rendant encore plus séduisant qu'il ne l'est déjà. Sur certaines personnes, les marques du temps sont laides, mais sur lui, elles sont magnifiques. En une seconde, je suis dans ses bras. Mes mains se rejoignent derrière son dos tandis que les siennes se posent en douceur sur mes reins. Je frémis, soudain fébrile. Suis-je prêt pour ce genre d'intimité ?

Stéphane balaie une fois de plus les sentiments négatifs qui m'envahissent en appliquant ses lèvres sur ma tempe.

- Je vais y aller, murmure-t-il.

- D'accord.

Nous nous détachons l'un de l'autre et nous sourions. Il extrait son portefeuille de la poche de sa veste et en sort une carte qu'il me tend.

- C'est mon numéro, n'hésite pas à m'appeler.

- Je le ferai.

- Génial. Alors, à bientôt, Thierry.

- Merci de m'avoir raccompagné.

- Ce fut un plaisir.

Il fait demi-tour et avance de quelques pas, puis il pivote vers moi et me rejoint en deux enjambées. Il pose ses mains sur mes joues et plonge ses yeux dans les miens. Mon cœur tape comme un fou, mon estomac menace de régurgiter mon dîner.

- Toute la soirée, j'ai eu envie de t'embrasser, chuchote-t-il, si près de moi que je sens son souffle s'échouer sur mes lèvres.

Ce moment est digne d'un livre qui me ferait pleurer, d'un film devant lequel je me transformerais en guimauve. C'est le genre d'instant que j'ai toujours espéré vivre un jour. Mon corps se remplit d'adrénaline et d'endorphine. L'une provoque l'accélération de mon palpitant et une bouffée de chaleur me rappelant la dernière canicule, la seconde me donne envie de me pelotonner dans les bras de Stéphane, de me rouler dans le bonheur, me plonge dans une douce torpeur dont je ne veux surtout pas m'extirper.

Puis tout disparaît et je ne perçois plus que le visage d'un autre homme qui se superpose à celui qui se trouve face à moi. Les yeux vairons se changent en deux billes brunes pétillantes, les traits évoluent, les rides se déplacent, les cheveux lui barrent à présent le front.

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