Chapitre 19

480 74 46
                                    

— Ils se roulent la pèle du siècle, s'exclame alors Isabelle de l'autre côté de la porte.

Des cris de joie explosent dans la pièce voisine et Philippe se détache de moi en riant. Je n'avais jamais vu ses yeux briller autant. Il me serre dans ses bras et embrasse mon cou en douceur.

— Merci, murmure-t-il.

Je ne réponds rien, me contentant de fourrer mon visage dans son épaule. Je respire sa peau, profite de son souffle, de son corps contre le mien. Ça fait si longtemps que j'attends ce moment, que je souhaite le tenir si près de moi que la terre peut bien trembler, je m'en fiche. Je sais que nous devons parler, mettre les choses à plat et passer outre des années de frustration et d'incompréhension, mais pour l'instant, seul compte notre lien qui se reconstruit de seconde en seconde, aussi solide qu'avant, comme s'il n'avait jamais été rompu. Il a juste été étouffé, enseveli, et à présent, il reprend de l'ampleur et revient plus majestueux que jamais.

— Hum, je viens juste récupérer le fromage et je repars.

Je glousse en entendant la voix douce de Carole. Elle se faufile à nos côtés tandis que la paume de Philippe se pose dans mes cheveux, attrape le plateau disposé sur le plan de travail et ressort sans un mot.

— On va devoir y retourner, souffle Philipe à mon oreille.

— Pas tout de suite, ronchonné-je.

Il rit, resserre son étreinte et embrasse ma tempe.

— Je ne compte plus te lâcher, susurre-t-il. Reste avec moi ce soir, cette nuit. On pourra parler. J'ai tant de choses à te dire.

Je redresse la tête et embrasse sa bouche.

— D'accord, j'ai beaucoup à te dire aussi.

— Tu vas m'engueuler ? demande-t-il, taquin.

— Oui, c'est une certitude. Et tu m'écouteras sans sourciller.

— Tout ce que tu veux.

Ses lèvres rejoignent de nouveau les miennes pour un baiser doux. J'ai l'impression de rêver. J'ai soudain peur de me réveiller et de me rendre compte que toute cette soirée n'a pas existé. Je me tends.

— Thierry, chuchote Philippe contre ma bouche. Je te promets que je ne te quitterai pas.

Il me connaît si bien que je n'ai pas besoin de lui expliquer les doutes qui m'assaillent. Je hoche la tête et recule d'un pas.

— On parlera plus tard alors, répliqué-je. Pour l'instant j'ai encore faim.

Après un autre baiser échangé, nous retournons au salon où nous sommes accueillis par des conversations animées. Le fromage est déjà dans toutes les assiettes et la baguette est bien entamée. Sans un mot, nous reprenons place autour de la table et nous servons. Je me jette sur le brie et le sainte-maure comme un affamé et mange avec appétit sous le regard bienveillant de nos amis.

— Je vois que vous avez bien attaqué le Chinon, constate Philippe.

— Il fallait bien qu'on s'occupe pendant que vous batifoliez, répond Isabelle. En plus, il est délicieux.

— Il vient de la cave de mon beau père, intervient Séverine.

— Un fin connaisseur, ajoute Luc.

— Tu ne crois pas si bien dire. Si vous voulez des conseils en matière de vin, c'est à lui qu'il faut s'adresser.

Elle toussote, fixe ses yeux sur moi et reprend, sournoise :

— Pour un mariage, par exemple.

Je manque de m'étouffer et saisis mon verre que Philippe vient tout juste de remplir.

Tourner la pageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant