Chapitre 16

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Je me sers un autre verre de jus de fruits, embrasse Isabelle que je croise près du buffet et sors rejoindre Philippe qui m'attend à l'extérieur. Le cœur en déroute, je me poste à ses côtés et plonge mon nez dans mon gobelet. De longues minutes de silence s'ensuivent. Phil est appuyé contre le mur, les poings dans les poches, le regard rivé au loin. Moi, je me sens gauche, mal à l'aise. En gros je ne sais pas où me foutre. Le soleil décline lentement enflammant le ciel de ses teintes orangées. C'est un spectacle doux et apaisant. Peu à peu, je me calme et expire sentant mon palpitant reprendre un rythme plus ou moins normal.

— Donc, commence Philippe en tournant le visage vers moi. Tu as rompu.

— Oui, marmonné-je. C'est tout frais.

— Tu m'as pourtant dit l'autre jour qu'il te rendait heureux, qu'il était ce que tu attendais. Il s'est passé quelque chose ?

Je hausse les épaules et me laisse aller contre le mur.

— Tu n'es pas obligé de m'en parler, ajoute Phil en reportant son attention droit devant lui.

La lueur du soleil couchant projette des ombres sur son visage, met en valeur l'angle de son nez ou de sa mâchoire.

— C'est un peu le bordel dans ma tête. Je croyais vouloir quelqu'un comme lui, mais...

Je ne finis pas ma phrase. Comment lui dire qu'en fait, je me suis trompé sur toute la ligne, car c'est lui que je désire et non pas tous les hommes parfaits que je pourrais rencontrer ? Et surtout, comment réagirait-il ? Nous avons déjà eu ce genre de conversation et ça s'est terminé avec mon cœur en miette. Bien que tout le monde me soutienne l'inverse, j'ai peur d'être rejeté.

— Mais quoi Thierry ? Je ne comprends pas. Il y a moins d'une semaine, c'était l'amour fou et là... attends...

Tout son corps se tend instantanément. Il se décolle du mur d'un coup et se positionne devant moi, droit comme un I, presque menaçant.

— Il ne t'a pas forcé à quoi que ce soit ? Je te jure que s'il t'a fait du mal, je le tue.

Je lève les yeux au ciel.

— Il ne m'a rien fait, râlé-je. Calme-toi donc.

— Tu es certain ?

— Oui, il s'est comporté comme un vrai gentleman. C'est un homme bien.

Il me scrute, comme s'il espérait trouver la plus petite trace de mensonge, puis il soupire et reprend place à côté de moi.

— Je ne comprends pas, marmonne-t-il.

Ce qui est normal. Je souffle le chaud et le froid en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

— Pourquoi n'es-tu jamais parti ? demandé-je, changeant de sujet de conversation.

— Pardon ?

— À la fin de nos études, tu disais vouloir découvrir le monde, partir en vadrouille. Tu ne l'as jamais fait.

Il toussote.

— Manque de temps, d'argent. Jamais le bon moment.

— Tu ne regrettes pas ?

— Non, j'ai fait ce que j'avais à faire ici.

— Quand je regarde en arrière, j'ai l'impression d'avoir raté tant de choses. Pas toi ?

Il secoue la tête puis se tourne vers moi et sourit.

— Tu as pourtant réussi ta vie. Tu as un chouette travail, des amis.

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