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Et si Manaël était encore vivant ? Et s'il était encore là, coincé entre la vie et la mort, à attendre que je lui rende son corps ?

C'est la première chose qui me vint en tête ce matin, quand j'ouvris les yeux pour la troisième fois dans ce nouveau corps.

J'avais fait un cauchemar dans le quel j'étais allongé sur la moquette — au même endroit où je m'étais réveillée la première fois — et je regardais sous le lit, où un Manaël mort, le visage en sang, reposait immobile au milieu de la poussière.
Le macchabée avait soudain ouvert ses yeux morts en grand et m'avait regardé d'un air de reproche. Puis il avait ouvert la bouche, comme pour dire quelque chose, mais ses lèvres avaient remuées sans émettre un son, et seul les longues antennes frénétiques d'un cafard avaient franchi la barrière de ses lèvres.
Je m'étais réveillée au moment où les pattes poilues de l'insecte s'étaient posées au coin de sa bouche.

La seconde chose qui me vint à l'esprit fût à quel point la vie était plus belle, sans le poids encombrant de ma poitrine et la gêne constante des armatures d'un soutien-gorge.

Puis la chose en bas se rappela à mon bon souvenir et je soupirais.
Comment les hommes font tous les matins pour se débarrasser de "ça" ?

Je roulais au bord du lit et me penchais pour attraper le téléphone de Manaël que j'avais rebranché sous le lit hier.

Il était cinq heures pile.

Une heure de retard sur l'horaire habituel de Manaël Bold.

J'avais mis du temps à m'endormir hier soir. J'avais parcouru en détail tous les articles de presse sur mon meurtre et m'étais même débrouillée pour trouver la date de mon enterrement.

J'avais bien l'intention d'y faire un petit saut. Juste histoire de voir qui verserait les plus grosses larmes de crocodile.

En rangeant dans le sac de Manaël les devoirs que j'avais fais hier, je consultais son emploi du temps pour la journée.
Il avait deux heures de sport aujourd'hui.
Je trouvais un t-shirt aux manches assez longues pour cacher ses bleus et un pantalon de jogging difforme que j'enfournais dans son sac.

Sous la douche, je répétais le même schéma que la dernière fois et passais le jet d'eau sur la "chose" bien réveillée entre mes jambes. Hier, ça c'était calmé tout seul au bout d'un moment.

En attrapant une serviette sur le porte-serviette, je croisais mon regard dans le miroir sur pied juste à côté.

Encore une fois, je retins un sursaut quand le visage qui ne m'appartenait que depuis deux jours s'afficha dans la glace.
J'avais tendance à oublier que je n'étais plus vraiment Amanda.

Les bleus sur le visage de Manaël avaient changés de couleur et n'étaient plus aussi visible (si on considérait le vert et le jaune comme des couleurs moins visible).
Le teint de l'adolescent ne ressemblait plus à celui d'un cadavre, et les nombreuses tâches de son qui recouvraient ses joues en étaient donc moins apparentes.
À part ça, j'avais toujours la mine pitoyable du petit oiseau écrasé.
Le sang en moins.

En fouillant un peu la salle de bain, je trouvais un peigne.

Les cheveux de Manaël étaient un drame.

Même si j'avais eu la chance de mettre la main sur une paire de ciseaux, je n'avais, de toute façon, pas les compétences nécessaires pour arranger ça.
Mais je pouvais toujours faire de cette serpillière qui me servait de cheveux, une serpillière bien peignée.

Après quelques coups de peigne par-ci par-là, j'estimais le résultat assez présentable pour enfin quitter la salle de bain.

Une fois habillée, je jetais deux trois trucs dans le sac de Manaël et attrapais l'immondice orange fluo que j'étais obligée de me mettre sur le dos.

Cʀᴇ́ᴇ́ᴇ ᴘᴏᴜʀ ᴛᴏɪ [MxM]Where stories live. Discover now