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J'étais frigorifiée.

Un tout nouveau mot, venu avec une toute nouvelle sensation, que je n'avais connu qu'à travers les bouquins jusqu'à aujourd'hui.

Le froid à en claquer des dents et à n'en plus sentir ses doigts.

Assise dans l'abri de bus en face de mon ancien chez moi, je regardais la pluie tomber à verse, en serrant dans mes bras tremblant, le naginata que j'avais enroulé dans l'une des bâches en plastique qui couvraient les meubles.

Les étuis de transport, que je gardais habituellement dans un coin de la chambre forte, ayant aussi été pris avec les armes, je n'avais pas trouvé une meilleure solution pour me balader librement avec un couteau géant dans les rues.

Mouillé par la soudaine averse qui m'avait surprise en sortant de l'immeuble, l'emballage de fortune collait à mes vêtements tout aussi trempés et me glissait sans cesse entre les doigts.

La subtilisation de ce morceau de plastique ne se verra pas.

Pas plus que la disparition du naginata, puisque personne ne savait qu'il s'était trouvé ici en premier lieu.

Cambrioler mon propre appartement était tentant pour renflouer un peu les poches vide de Manaël. Mais si qui que ce soit s'en rendait compte, il sera facile pour ma famille, et la police, de remonter les traces jusqu'au nouveau moi, et me mêlez dans l'affaire de mon propre meurtre.

D'ailleurs, maintenant que j'y pensais — ou plutôt que je pensais à autre chose qu'Adrien —, j'avais été assassinée.

Quelqu'un avait payé ce "monsieur Katō" pour me surveiller en jouant le voisin un peu collant, puis pour m'éliminer.

Quel avait été le but de cette surveillance ?

Quand et comment avais-je finalement rempli les conditions pour cette mise à mort ?

Qui ? Désirait à ce point me voir morte.

Une voiture passa en éclaboussant le trottoir, et je regardais toujours la pluie tomber.

Et je me surpris inévitablement à penser à Adrien.

À me demander si lui aussi avait été surpris par la pluie.

L'après-midi, Adrien donnait des cours particuliers à domicile.

Avec mon enterrement, ce matin, allait-il tout de même donner cours cette après-midi ?

Sûrement, oui.

Il avait besoin de cette entrée d'argent supplémentaire pour soutenir son incapable de mère qui lui suçait toute son énergie et son argent.

Mais ça ne sera plus un problème lorsque je ferais partie de sa vie.

Je m'en assurerais.

Je serais le centre de son monde. Au point où il en reléguerait sa mère et tout le reste aux oubliettes.

Mais en attendant, ces cours privés pourraient aussi s'avérer être un très bon moyen pour moi de me rapprocher d'Adrien.

Si seulement je trouvais assez d'argent pour me payer lesdits cours.

Je me recroquevillais un peu plus sur le banc, sous une bourrasque qui me glaça les joues et agita le plastique dans mes bras.

Et je réalisais qu'un passant s'était arrêté juste devant moi.

Je levais les yeux sur un visage souriant.

Le regard bleu et malicieux, il s'agissait du garçon avec qui j'avais passé un moment à fumer sous les étoiles, le premier soir où j'étais arrivée dans la peau de Manaël.

Cʀᴇ́ᴇ́ᴇ ᴘᴏᴜʀ ᴛᴏɪ [MxM]Where stories live. Discover now