L'épée d'Onyx par BeatriceLuminetdupuy

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L'épée d'Onyx par BeatriceLuminetdupuy

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Une légère brume couvrait le marais. La jeune femme hésitait encore à s'y engager.

Les alternatives n'étaient guère réjouissantes : à droite, le désert de cendres, à gauche, le territoire des hommes cannibales.

Ce qui se trouvait en face d'elle, de vastes étendues de boue et d'eaux stagnantes nauséabondes, restait sa meilleure option. Une planche de salut, qui pourrait tout aussi bien se transformer en tombeau.

Ce n'était pas la première fois que la voyageuse se retrouvait devant un tel dilemme.

En définitive, elle parvenait toujours à faire le meilleur choix, ce qui ne voulait pas dire qu'il soit sans danger.

Ovaïa soupira et resserra le châle et la bande de cuir qui maintenaient son bébé contre elle. Par chance il dormait. Elle sourit avec tendresse.

Au sein de toute cette noirceur, son enfant était sa petite lumière, son point d'ancrage, la raison de sa quête.

Ovaïa pensait souvent qu'une fois Rovor revenu à ses côtés, tout irait bien !

Elle s'accrochait à cette idée avec force. Elle porta son regard vers le marais putride, et sans plus d'hésitation, elle entra...

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L'avis

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J'ai envie de lire la suite et, puisque c'est le cas, je vais tenter d'expliquer ce qui me plait dans ton début de roman. Tout d'abord, le décor et l'ambiance me font penser à un livre pour lequel j'ai une affection particulière : "Le cercle inachevé" de Paul Osborne Williams. Je l'ai lu étant ado et je sais qu'il a beaucoup influencé mes goûts et mon écriture. Le livre parle d'un voyage à travers les paysages américains plusieurs centaines d'années après un feu nucléaire. 

Les personnages rencontrent nombre de peuplades aux croyances et aux pratiques plus ou moins dangereuses. J'avais été très marquée par le personnage d'Ahroè, une jeune femme et mère qui par amour se lance à la poursuite de son mari déserteur. Bref, il est indéniable que mon attrait pour ton texte commence par un bout de nostalgie.

Ceci étant dit, c'est loin d'être la seule raison pour laquelle j'ai envie de poursuivre (mais il fallait bien que je la pose pour être honnête). La grande qualité de ce début de roman est d'être vraiment très efficace, et cela sur trois points : poser le décor, exposer la situation et mettre le lecteur sous tension. 

C'est amusant, car c'est à peu près exactement l'analyse que je faisais du texte proposé par Ardian Mestre (en mai, ça date !) qui faisait une belle démonstration de début in media res à cent à l'heure avec un personnage principal se réveillant au milieu d'un incendie. Je ne sais pas si on peut qualifier ce début de roman d'in media res, car il ne se déroule pas dans l'action. En fait, je ne sais pas si il existe un terme pour décrire les textes qui démarrent au milieu d'une histoire, mais pas au milieu de l'action... mais s'il existait, il s'appliquerait parfaitement à ton texte. Et que j'aime ce genre de débuts! Ils sous-tendent une certaine profondeur, une illusion tout en finesse que les personnages ont eu une vie avant de s'animer sous nos yeux de lecteurs. Qu'on va, le temps d'un livre, devenir spectateur d'une tranche spatio-temporelle ayant son existence propre.Les indices sur ton univers sont finalement peu développés, mais c'est largement suffisant pour poser quelque chose d'intrigant : des cannibales, des déserts de cendre, un monde globalement hostile. Est-on dans du post appo ? De la SF ? De la fantasy ? À ce stade aucune idée, mais j'ai envie de le découvrir.

L'énonciation de la situation du personnage est, elle aussi, très claire : une mère qui effectue une quête, qu'on devine être un voyage, peut être à la recherche de son compagnon, avec un moteur de survie énorme : la vie de son bébé. Enfin, dernier ressort narratif, tu nous poses tout de suite face à un choix : quel chemin le personnage va-t-il emprunter ? Lequel sera le moins pire ? Quels dangers va-t-il révéler au personnage ? C'est, je pense, le ressort le moins subtil de ce début de livre : je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir un MJ énoncer les choix s'offrant à un personnage lors d'une partie de jeu de rôle... Qui, dans la réalité, se retrouve face à trois chemins menant vers trois lieux dans lesquels on peut "entrer" ? Est-ce qu'on entre dans un marais ? Si on est dans un jeu ou un jeu vidéo, oui : on fait un pas, la séquence de jeu se charge, on entre dans le marais... Dans la vie réelle, il n'y a pas de panneau qui indique "marais putride". 

Voilà, ce sera ma principale critique vis-à-vis de ton texte et il n'en reste pas moins que j'ai bien envie de savoir si les dés jetés seront favorables à ce voyage dans les marais !Dernier point, enfin, j'apprécie ton personnage féminin : elle est en pleine possession de ses moyens, et elle choisit son propre chemin : cela lui donne une aura forte que la présence du bébé vient renforcer. 

Tu as réussi à transformer quelque chose qui est censé la rendre plus vulnérable (veiller sur un tout petit) en un détail qui la met d'autant plus en valeur. Cette femme n'est plus seulement capable de se débrouiller seule, elle est également capable de protéger seule son enfant. Cela préfigure un personnage inspirant :)


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Toujours pas de petite énigme pour définir l'extrait suivant, mais une question  avez-vous, vous aussi, des livres qui vous sont chers et qui ont clairement influencé vos goûts de lecteurices ou d'auteurices ? En dehors d'Harry Potter (je vous vois venir les 30 ans et moins !). 

1800 signes - avis sur vos débuts de romansWhere stories live. Discover now