Les Dragons de Largnan par Alexandre_B

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Les Dragons de Largnan par alexandre_B

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  Jouernic était sans nul doute l'endroit le plus laid de Livitia. Isolé au milieu de nulle part, entouré par des plaines éperdues et des forêts infinies, ce village livré à lui-même l'était autant par son sort que par l'abnégation de ses habitants. Ce petit coin de pays n'avait pour seule consolation qu'une aura menaçante qu'il projetait aux malheureux qui passaient par son chemin et qui leur rendait la faveur de leur éviter de connaître la hideur des lieux. Jamais personne n'y était entré sans y avoir un excellent prétexte, et de ceux qui avait pénétré dans le village, ils ne se comptaient que sur une main.

Tout conspirait dans Jouernic à la dissuasion de la venue d'étrangers. Les fortifications en état de décrépitude, les douves à l'eau glauque, les chevaux qui claudiquent, les rues constamment imprégnées d'odeurs d'urine et de défécation, les petites chaumières des habitants aux pierres crasseuses et usées, les toits vermoulus, la pitance au goût de sable et de roche, la boisson à saveur de houblon ranci, le bois des chariots qui pourrit, les adultes vêtus de loques, les enfants aux pieds boursouflés par les ampoules et les infections, les lits infestés de punaises et de rats, les mouches inextricablement collées à de la cire d'oreille humaine. Ce n'était pas étonnant, alors, qu'on n'avait pas vu de nouveaux visiteurs depuis des siècles.

Ce jour-là, dans une ruelle borgne de Jouernic, une jeune femme qui répondait au nom de Mélisande se fondait en larmes.

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L'avis

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Je ne pense pas lire la suite, mais je suis quand même assez intriguée par ce début de roman qui mêle humour et médiévalisme. J'aime l'idée d'un livre qui démarre en décrivant au lecteur un lieu infréquentable (car le lecteur va bien être obligé de fréquenter ce lieu, lui), cela me fait un peu penser au procédé utilisé dans Les Orphelins Baudelaire, où le narrateur ne cesse de conseiller au lecteur de se détourner du récit.

Néanmoins ici plusieurs soucis entravent, selon moi, la bonne mise en place de ce procédé : tes deux premiers paragraphes me semblent redondants, dans le sens où ils partagent exactement le même objectif : dire que la ville est infréquentable. Ainsi, lire le paragraphe deux, s'il offre une description plus précise n'apporte pas vraiment d'information ou d'éléments complémentaires : à peine entrée dans l'histoire, j'ai l'impression de faire du sur place.

On sent que tu t'es amusé dans ce début de livre, que tu voulais insister sur cette idée intrigante, mais je pense que tu en fais un peu trop, surtout pour un début de livre, qui doit être accrocheur et efficace.

Ensuite, si le style que tu emploies est surprenant, j'ai parfois l'impression que certaines expressions ne sont pas employées à bon escient (il n'y a pas mal de passage de ce type, je n'en liste que trois) :

- " ce village livré à lui-même l'était autant par son sort que par l'abnégation de ses habitants." Dans le contexte de ce début de roman, c'est plutôt compliqué de comprendre ce que tu veux dire par "abnégation" car abnégation signifie "Sacrifice de son intérêt personnel, renoncement, au bénéfice des autres."

- Alors, il est tout à fait possible que les habitants de ton village, par la suite, fassent preuve d'abnégation, mais comme à ce stade on n'en sait rien, qu'on manque d'élément et que ce mot est assez rarement employé, cela m'a mis le doute quant au fait qu'il soit utilisé à bon escient. Du coup, j'ai douté, du coup, j'ai décroché.

- "Seule consolation qu'une aura menaçante" à nouveau, le contexte ne me permet pas de savoir si tu utilises l'oxymore à dessein, ou s'il s'agit d'un problème de cohérence : si le village se console d'avoir une aura menaçante c'est que les habitants du village sont contents de leur isolation. Ils se disent "ok notre village est moche, mais au moins, on a une aura menaçante". À première vue, ça n'a pas beaucoup de sens - et, à nouveau, cela en a peut être dans ton récit, mais en introduction, cela laisse le lecteur douter.

- "se fondait en larmes." n'est pas une tournure exacte (c'est simplement "fondre en larmes")

En conclusion, franchement c'est un début intrigant, dans un style intéressant, mais qui a besoin de mûrir un peu. Je te conseillerais de retravailler les premiers paragraphes pour les rendre plus efficaces (par exemple, pourquoi employer le terme générique "endroit" pour désigner un village), mais aussi de, peut-être, un peu moins t'embarquer dans les tournures ou des expressions complexes, si tu n'es pas absolument certain de leur signification :)

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Mot de la fin

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Pas de petite énigme pour désigner les prochains textes traités... j'ai pris tellement de retard que je vais essayer de remonter les textes envoyés dans l'ordre... Au moins jusqu'à ce que la liste d'attente redescende en dessous de 10 !

Ceci dit, se tromper dans l'usage d'une expression pour désigner quelque chose est en fait assez courant. Je pense à deux anecdotes me concernant : j'ai très longtemps cru que l'Acropole d'Athènes s'appelait en faite la Cropole et c'est en jouant récemment à un jeu de société de type petit bac avec des amis que je me suis rendue compte de mon erreur (autant vous dire qu'ils me charrient encore sur le sujet).

Plus en lien avec l'écriture, j'ai très longtemps été persuadée que l'expression "Une voix de stentor" utilisée pour désigner une voix forte qui porte loin, faisait référence... aux centaures. Je l'écrivais "Une voix de centaure". 

Racontez-moi, avez-vous, vous aussi des expressions que vous avez employé d'une certaine façon pendant des années avant de vous rendre compte que ce n'était pas approprié ? 

1800 signes - avis sur vos débuts de romansWhere stories live. Discover now