Éphémère par SophieCastilloAuteur

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Le texte - Éphémère par SophieCastilloAuteur

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Journal de Shana Lewis

Je sens encore l'herbe gorgée d'eau sous mes pieds nus.

Bleu, rouge. Les couleurs se succédaient sur les murs blancs.

Valse lente, hypnotique.

Je me suis toujours rappelé mes rêves, même si leur signification m'échappe.

Ils me soufflent des paysages, des noms, des visages.

Et si, parfois, ma mémoire s'éclipse, j'ai la certitude qu'ils demeurent.

Enfouis là, quelque part, dans mon cerveau défaillant.

*

Je referme mon cahier en prenant soin de marquer la page de mon stylo. Le cuir sombre de sa couverture ne m'a jamais plu, mais c'est le seul qu'a trouvé Irène.

Je n'aime pas le noir. Elle n'incite pas à sourire, c'est la teinte de la tristesse, du deuil. C'est une non-couleur, elle absorbe toutes les autres.

Machinalement, mes doigts tapotent le journal. Mon instinct, du moins ce qu'il en reste, me souffle que je dois me rappeler quelque chose. Comme souvent, je force mon cerveau à remonter plus loin qu'il ne le souhaite lui-même.

En vain.

Mode « reboot », il sauvegarde des données aléatoires, rarement celles d'importance. Je fais avec, je n'ai pas le choix.

Je me sens pâteuse, fatiguée. Cela m'arrive fréquemment, ces derniers temps.

Les murs de ma chambre me semblent soudain trop rapprochés, ils m'étouffent, j'ai besoin d'air. Je décide d'aller marcher.

Peut-être que la brise d'octobre m'aidera à remettre de l'ordre dans mes pensées.

Il est facile de circuler dans le manoir. Des lignes arc-en-ciel ont été peintes sur le sol pour nous permettre de nous repérer. La mienne est bleu clair, ma couleur préférée.

Je dois la suivre jusqu'à la salle à manger, puis passer les baies vitrées donnant sur l'immense parc qui entoure le Foyer des Libellules.

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Mon avis

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Tout d'abord, je te remercie de la confiance que tu m'as témoignée en m'envoyant ton texte. Je ne sais pas si je le poursuivrai, je n'ai pas encore tranché, mais c'est sans doute plus parce que je n'ai pas envie de me confronter aux thématiques que ton livre me semble aborder, qu'à la qualité de ce début.

Je trouve ce début très délicat, dans le bon sens du terme. Les quelques vers permettent de poser une ambiance mi douce, mi étrange, et j'aime la transition avec le carnet refermé qui fait le lien entre les mots du personnage et sa réalité. Réalité que le personnage lui-même semble avoir des difficultés à appréhender : on suit ses pensées qui sautent du carnet qu'elle a sous les yeux à ses troubles de la mémoire.

Cependant, je pense qu'il manque un petit quelque chose pour que ton début de livre soit suffisamment équilibré entre passage "éthérés" et passage plus ancrés dans le réel. Tel quel, j'avoue avoir eu des difficultés à me projeter dans ce que pourrait être la suite. Je pense qu'il ne manque pas grand-chose (par exemple, je ne suis pas certaine de la pertinence de parler de la couleur noire du carnet. Petit détail en plus sur ce passage : attention, dans le passage "je n'aime pas le noir. Elle n'incite..." il faudrait soit mettre "la couleur noire", ce qui donnerait une répétition, soit reformuler la phrase différemment)

D'autre part, il y a plusieurs "phénomènes d'apparitions" (je n'ai vraiment aucune idée du terme technique !) dans cet extrait. Ce que j'appelle des phénomènes d'apparition, ce sont des éléments qui apparaissent d'un coup, sans qu'on ait pu deviner leur présence auparavant.

Par exemple (sans aucun rapport avec ton texte) : "John dessine. Soudain, il se lève du banc et court se mettre à l'abri de la pluie." (ici le banc apparaît d'un coup, la pluie aussi, d'ailleurs)

Attention, ceci dit, à ne pas tomber dans l'excès inverse avec des descriptions trop longues. La bonne introduction d'un élément passe souvent par une description efficace du contexte ou de l'espace :

"Installé sur l'unique banc du parc en bas de chez lui, John dessine. Lorsque la pluie se met à tomber, il se lève d'un coup et court se mettre à l'abri."

Évidemment, ces exemples sont complètement discutables et dépendent de l'objectif poursuivi lors de l'écriture. On peut par exemple chercher à provoquer à dessein le malaise du lecteur avec une "apparition".

Bref, revenons à ton texte.

Ici, c'est par exemple le cas pour "Irène", dont on ne sait que le prénom, sans plus d'autre détail, mais là où cela m'a le plus gênée, c'est sur ce passage : "Les murs de ma chambre me semblent soudain trop rapprochés, ils m'étouffent, j'ai besoin d'air." Jusqu'avant cette phrase, on ne savait rien du contexte spatial de ton personnage : on savait juste qu'il venait d'écrire quelque chose dans son carnet, ce qui peut être fait dans un bureau, sur un banc, dans une salle commune...

Comme rien auparavant ne permettait de se figurer l'environnement, les murs et la chambre m'ont semblé apparaître d'un coup et devenir menaçants instantanément. Il y a ici une question d'accompagner plus en douceur l'imagination du lecteur dans sa représentation mentale, et, ce qui est complexe dans ton extrait, c'est qu'il faut trouver l'équilibre entre cette contrainte et celle de faire ressentir la désorientation de ton personnage.

À nouveau, je pense qu'il ne manque pas grand-chose, et d'ailleurs, le dernier paragraphe de ton extrait parvient à un bon équilibre entre description du contexte spatial (les lignes à suivre) et pensées du personnage (c'est facile de se repérer, ma couleur préférée).

Pour conclure, je pense que ton texte a une certaine finesse qui  plaira certainement à des lecteurs, et j'espère sincèrement qu'il trouvera son public sur Wattpad :)

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Bonne année à tous ! 

Et a bientôt pour le prochain avis 

Chegaste ao fim dos capítulos publicados.

⏰ Última atualização: Jan 02, 2021 ⏰

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