- Je repensais à nos débuts à l'asso, à la manière dont nous nous sommes rencontrés.

- Tu te la joues nostalgique ? déclare Phil en posant sa main sur mon avant-bras.

- Je n'irais pas jusque-là, rétorqué-je en levant un sourcil blasé face à son geste. Mais, j'ai l'impression que les années ont filé à une vitesse hallucinante. Quand tu imagines qu'on se connaît depuis plus de trente ans.

Isabelle glousse et Olivier soupire.

- Tu devrais arrêter de faire une fixette sur ton âge, me sermonne Philippe. Tant que tu es capable de t'envoyer en l'air, tout va bien.

Tout le monde ricane tandis que je grimace. M'envoyer en l'air ? Je ne sais plus ce que cela signifie.

- Je crois que notre ami a bugué, s'exclame alors Carole en s'essuyant la bouche avec sa serviette en papier.

La tablée éclate de rire. Je grogne.

- J'attends le grand amour, râlé-je. Je ne vois pas pourquoi je draguerais n'importe qui juste pour un câlin. Je veux un vrai compagnon. Et vous savez très bien que le sexe n'est pas une priorité.

- Ça a été le drame de ma vie, réplique Philippe, l'air rêveur.

Olivier se racle la gorge, alors que tout le monde s'esclaffe.

- Oh ça va, chéri, lui lance Philippe. Je ne t'ai jamais caché que Thierry et moi avons été ensemble.

Chéri ? C'est nouveau ça.

- En effet, mais je n'ai pas besoin d'entendre certaines choses.

Je lève les yeux au ciel en espérant que jamais Philippe ne lui fasse la liste précise de ses conquêtes.

- Bref, ajouté-je. Je ne suis pas un lapin comme certains ici et je ne cherche pas juste un homme pour la bagatelle. Partager mon quotidien avec quelqu'un serait déjà bien.

Le silence me répond. Mes amis me fixent avec une expression que je n'aime pas.

- Hey ! C'est bon, je ne vais pas mourir, inutile de me regarder comme si vous alliez chialer.

- J'espère que tu trouveras chaussure à ton pied, souffle Luc en saisissant sa fourchette à dessert.

Tout le monde hoche la tête et les bavardages reprennent comme si de rien n'était. Pour ma part, je triture le contenu de mon assiette sans appétit. Depuis ma rupture avec Philippe, il y a trente ans tout de même, j'ai rencontré des hommes et j'ai tenté l'aventure avec certains, mais je n'ai jamais trouvé celui qui aurait pu me combler et m'offrir ce que j'attends d'une relation, la stabilité, une famille.

Je ne demande pourtant pas grand-chose. Me réveiller le matin auprès d'un homme qui fait battre mon cœur, avec qui la conversation serait fluide, qui me donnerait l'amour dont j'ai besoin. Je n'ai connu cette sensation qu'avec Philippe et le résultat n'a pas été celui que j'envisageais. Je dois ressembler à un vieux garçon un peu fleur bleue, mais je l'assume totalement. J'apprécie les histoires à l'eau de rose, les téléfilms de Noël dans lesquels la romance est toujours au rendez-vous. Peut-être faudrait-il que j'aille chercher ailleurs, dans le Cantal, en Normandie ou même en Australie, je ne sais pas. Mais j'ai bien l'impression que Tours est dépourvu de cet être qui me manque tant.

Alors que mon esprit commence à se barrer à mille lieues d'ici, je sens le pied de Philippe se coller au mien. Je relève les yeux vers lui et le découvre en train de m'observer, les sourcils froncés. Il m'adresse un sourire doux et me fait un signe de tête en direction de la cuisine. Nous nous levons comme un seul homme, ramassant sur la table tout ce que nous trouvons à laver et nous dirigeons vers la pièce voisine. Une fois les quelques verres et assiettes déposés dans l'évier, je me tourne vers mon ancien amant, prêt à recevoir sa morale et ses conseils. Mais au lieu de cela, il me surprend en me prenant dans ses bras.

- Tu me fais quoi là ? demandé-je, confus.

- Je te réconforte, réplique-t-il. C'est ce que font les amis non ?

Il se détache de moi et me regarde, les paumes sur mes épaules.

- T'es un gars bien, dit-il en plissant les yeux. Ça me fait de la peine de te voir comme ça.

Je hausse les épaules sans répondre.

- Tu sais, tu as encore plein d'années devant toi et je suis certain que tu rencontreras la bonne personne. Tu le mérites.

Je force un sourire bien que je sache que ce gars je l'ai devant moi, mais que lui n'attend pas de la vie la même chose que moi.

- L'âge ne fait pas tout, reprend-il en me faisant un clin d'œil. Regarde Olivier, il a dix ans de moins que nous et parfois il me fait penser à un vieux ronchon.

Tout en parlant, il se dirige vers la cafetière qu'il met en route.

- Tu vas bientôt le quitter, n'est-ce pas ? demandé-je en attrapant des tasses dans le placard.

- C'est en bonne voie, oui. Il bougonne dès que je prononce ton nom et il bande mou la plupart du temps.

- Rhaa, j'ai pas envie de connaître ce genre de détail.

- D'ailleurs je bande mou moi aussi, de plus en plus, dit-il en se grattant le menton. Merde ! c'est le début de la fin.

Je plaque mes mains sur mes oreilles et plisse le nez provoquant un éclat de rire de mon ami. Il s'approche de moi, saisit les mugs que j'ai déposés près de l'évier et, après avoir embrassé ma joue, retourne à ses occupations en sifflotant. Tandis qu'il prépare les cafés, je scanne son corps que je connais par cœur. Ses épaules sont un poil plus voutées qu'avant, mais il est le même, grand et fin. Son fessier est un peu plat, mais il l'a toujours été, après tout. Sur lui, le temps glisse comme s'il n'avait pas d'effet.

La porte s'ouvre et Olivier fait son entrée, me coupant dans mon observation. Après m'avoir jeté un coup d'œil amer, il se colle à Philippe qui passe son bras autour de lui avec nonchalance. La rupture n'est peut-être pas si bien engagée qu'il me l'a dit.

- Je vous laisse, annoncé-je. Ne dégueulassez pas ma cuisine.

Sans espérer de réponse, je quitte les lieux et reprends place à la table où je suis accueilli par les éclats de rire de mes amis. Je me joins à la discussion avec plaisir et tente d'oublier autant qu'il m'est possible les tourtereaux qui doivent à présent se bécoter en attendant les cafés.

***

Voici donc une partie des personnages qui vont évoluer dans cette histoire. Il en manque encore deux, que vous rencontrerez la semaine prochaine.

Nous aurons ici un point de vue unique, ce qui change un peu de mes dernières histoires mais c'est fait exprès. Vous ne devez avoir accès qu'aux pensées de Thierry.

Pour le rythme de publication, il y aura un chapitre par semaine. D'habitude je ne publie que des histoires terminées ce qui fait que je peux publier plus rapidement, mais là, cette histoire est en cours d'écriture et je n'ai que 5 chapitre d'écrits donc... on y va doucement.

Voilà, je vous laisse la parole

Des bisous

Séverine

❤️❤️❤️

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