après-gym

120 12 6
                                    

Bon.

Oui.

Effectivement.

Je savais que c'était impossible d'éviter Louise bien longtemps. Mais d'un autre côté, je suis vraiment pas sûre de vouloir continuer. Hors de question qu'elle soit de nouveau triste, encore moins à cause de moi.

Il n'est pas dit que moi, Louve, j'ai suffisamment peu d'honneur pour faire pleurer une si jolie fille ! Ce serait valable même si elle était moins jolie, d'ailleurs. Pareil si elle ne s'appelait pas Louise.

En fait, si je pouvais éviter de faire pleurer une fille, ce serait pas mal.

Je bascule mon sac à dos sur mon épaule, prends une grande inspiration, avant de pousser la porte du vestiaire. Dehors m'attendent la petite troupe, Faustine, Louise et Lætitia, trois pairs d'yeux qui se braquent instantanément vers moi.

– J'ai prévenu qu'elles pouvaient partir sans nous, me signe Fausty, lentement et avec application, pour s'assurer que je comprenne.

J'imagine que par prévenir, elle veut dire par écrit — à moins que Louise soit suffisamment douée maintenant pour traduire. Quoique même sans ça, elle sait se faire comprendre quand elle le veut, ma meilleure amie.

Je hausse les épaules, regarde brièvement le petit duo.

– On y va ?

– Allez, approuve Lætitia.

Je trottine en tête de file, Faustine à mes côtés. Silencieuse, j'écoute d'une oreille distraite la conversation des deux retardataires. Objectivement, elles ne racontent pas grand chose d'intéressant, même si j'ai tendance à penser que tout ce qui sort de la bouche de Louise est par défaut intéressant. Que ce soient des mots ou pas, d'ailleurs.

Ok, là, ça devient un peu dégoûtant. Mais rien qu'à y penser, je peux pas m'empêcher de sourire. Immédiatement, un coup de coude de la part de Fausty me rappelle à l'ordre.

– Quoi ? je grogne.

Elle lève les yeux au ciel.

– T'arrêtes, oui ?

Cette fois, elle hausse les épaules.

Elle a beau se plaindre continuellement de moi, elle sait être encore plus insupportable. Je la bouscule gentiment, elle me repousse avec beaucoup plus de fougue. Jamais dans la demi-mesure celle-là.

– Hé, c'était violent !

– Arrêtez d'êtres méchantes, les filles, c'est pas gentil d'être méchant, chantonne Lætitia, toujours derrière nous.

On se retourne toutes les deux d'un seul bloc ; Faustine fronce les sourcils, pendant que j'opte pour un clin d'œil en toute subtilité. Ou sans aucune subtilité.

En me détournant, je capte un sourire, qui fait bondir mon cœur dans ma poitrine. Louise, bien sûr.

Impossible de décrypter mes sentiments que déjà Faustine, indomptable dans l'âme, lance une nouvelle offensive, à base de bousculade et de coup de coude bien placé. Elle rigole quand Lætitia proteste, en profite pour la provoquer un peu plus. On a jamais été particulièrement proches d'elle, pourtant j'imagine que rentrer ensemble toutes les semaines créé des liens. Ça me fait plaisir, au fond. Je l'aime bien, elle a toujours été gentille. Et j'adore voir Faustine se lier avec des gens qui ne sont pas moi — pour changer.

Le bus débarque quand on arrive dans la rue et on se rue en même temps vers l'arrêt, pour entrer de justesse dans le véhicule, essoufflées. Le chauffeur sourit en nous voyant débarquer ; je crois qu'il nous connaît depuis le temps. En retour, on le salue d'une même voix, avant de rejoindre le fond.

Évidemment, Faustine s'assoit à côté de moi, Louise de Lætitia. Et comme d'habitude, le trajet, déjà excessivement court, me semble durer une poignée de secondes.

– A plus les filles ! je gueule en me levant, escaladant ma voisine qui ne daigne pas se décaler pour me laisser passer.

En passant, je croise une nouvelle fois le regard de Louise, qui manque me faire trébucher. Le pire, probablement, c'est qu'elle ne fait rien de particulier. Elle est juste là, avec ses yeux, son sourire — avec elle, toute entière.

Je peux pas. Vraiment, je peux pas. C'est impossible.

Prenant maintenant grand soin de vérifier où je mets les pieds, je saute la petite marche pour atterrir sur le trottoir. Les portes se referment sans attendre, puis le bus se met en branle, me laissant seule et abandonnée sur le trottoir.

A travers la vitre, j'aperçois, comme au ralenti, un visage se rapprocher, des lèvres marmonner quelques mots. Puis deux mains ornées de bagues se braquent dans ma direction. Je plisse les yeux, tente de déchiffrer les gestes maladroits, qui se répètent jusqu'à ce que le bus disparaisse de mon champ de vision.

– Moi aussi ? je m'interroge, à voix haute.

L'information met un temps infini avant de se frayer un chemin dans mon cerveau, puis de leur trouver du sens — et quand je commence à comprendre, c'est l'intégralité de mon corps qui se fige. Et mon sang qui se glace. Je ne suis que l'héroïne d'une comédie romantique, en proie à ses doutes et à ses réalisations.

Est-ce que ce serait possible que Louise ne me déteste pas, elle aussi ?

Qu'elle m'aime, même ?

Je suffoque, soudainement, l'espoir me collant un uppercut digne des plus grands boxeurs. Et en retour, la peur me cloue sur place, incapable de faire quoique ce soit, d'esquisser le moindre geste, alors que dans ma tête, un raz-de-marée engloutit tout sur son passage.

__________

J'avoue que j'prends tellement mon temps que j'ai l'impression d'abuser, mais écoutez, elles sont un peu timides et inexpérimentées ces gamines, elles savent pas comment s'y prendre, elles avancent petit-à-petit. Et puis ça devrait se régler rapidement, il reste plus qu'un interlude (que je poste après), un chapitre et un épilogue, héhé... (+ une nouvelle bonus que j'ai écrit l'autre jour et se passe des années plus tard)
Des bisous ♥

EquilibreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant