premier cours

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Je suis dans la merde.

Je suis vraiment dans la merde.

Il a suffi d'une conversation par message – clairement, plus longue que tout ce qu'on a pu se dire jusqu'à maintenant réuni – pour que mes barrières tombent. Même Faustine s'est foutue de moi quand je lui ai envoyé des screens.

Après, comme elle l'a soulevé, ça peut être un avantage, d'être la meuf la plus awkward que Louise ait jamais rencontré. Au moins ça veut dire que je suis différente des autres. Je crois. C'est bien, non ?

Peut-être pas. Peut-être qu'elle trouve juste ça hyper gênant. D'un autre côté, elle a l'air beaucoup trop gentille pour ça. Et si elle me tolère juste parce que elle est trop gentille ?

Bref, je psychote depuis ce matin. Et encore plus maintenant que je traîne devant le portail, la boule au ventre.

Quand elle apparaît à l'entrée du lycée, tout s'arrête dans ma tête. On a beau être dans le même établissement, on se croise très peu ; c'est presque comme si on faisait exprès, même. Et c'est sûrement le cas, inconsciemment. Parce que vu l'état dans lequel elle me met, c'est probablement mieux comme ça.

Quand elle s'approche de moi, je peux presque visualiser les papillons dans mon estomac. Pas très agréable comme sensation. J'ai l'impression d'être sur un petit nuage.

– Salut, ça va ? commence-t-elle.

Plutôt classe comme entrée en manière.

– Grave bien maintenant que t'es là !

Beaucoup moins classe comme réponse.

– Et toi ?

Rester sur un terrain neutre, c'est encore mieux. Faut vraiment pas que je parle, là, ça peut plus continuer comme ça.

– Ça va ! On va chez moi direct ? J'ai fait un brownie hier.

Wow, elle est bonne à marier.

– Wow, t'es bonne à marier.

Je crois que mon cerveau a court-circuité et s'est automatiquement mis en veille.

– C'est pas très féministe ça, me taquine Louise.

– Vrai.

– T'es féministe, non ?

– Comment tu sais ?

– J'te l'ai dit, je sais tout !

Tout à part mes sentiments pour elle, visiblement.
Ou alors...

Noyer le poisson, vite.

– J'pense qu'on devrait toutes être féministes de toute manière.

– C'est vrai ?

– Ouais, on est des femmes, on est les premières concernées... et...

Je me tais, avant de trop en dire. Surtout le fait que j'ai fait ma première manifestation féministe dans le cortège lesbien.

Est-ce qu'elle le sait, ça aussi ? Aucune idée.

Je glisse un regard dans sa direction, croise ses incroyables yeux. Immédiatement, c'est comme si une main en pierre compressait mon estomac. Tous mes organes, même.

J'ai envie de glisser mes doigts entre les siens. Pour m'en empêcher, je plonge la main dans la poche de ma veste en jean.

– Et ?

– Je sais plus du tout c'que j'voulais dire.

– Dommage, ça avait l'air intéressant.

– Ah ouais ?

EquilibreWhere stories live. Discover now