6 - À l'intérieur

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Chapitre 6 — À L'INTÉRIEUR


Naruto a répondu aux quatre questions, et je crois deviner qu'il en est particulièrement fier. Il n'a pas tellement de quoi l'être pourtant, c'étaient des questions somme toute assez basiques. Le spectre géant, l'interrogateur, se redresse alors et une sensation d'angoisse me prend aux tripes. J'ai un horrible pressentiment, quelque chose va se produire.

« Naruto, ne regarde pas ! ordonné-je.

― Hein ? Mais pourquoi ?

― Ne pose pas de questions et fais-le ! »

Je sens que le temps presse et ce que s'apprête à faire le géant sans se soucier de nous, je ne veux surtout pas que Naruto le voie. Concrètement, je ne sais pas ce qu'il fera, tout ce que je sais c'est qu'il ne doit pas voir. Il ne comprend pas et je ne me sens ni le temps ni l'envie de lui expliquer. Le géant nous porte toujours sur sa main à plat, alors des miennes je couvre ses yeux. Il est surpris, je le suis aussi. Je n'y avais pas fait attention jusque là, mais mes deux bras sont comme neufs. Mon mouvement a été brusque mais adroit ; je me tiens dans le dos de mon ami, mes bras passants par dessus ses épaules afin que mes mains puissent lui cacher la vue du sinistre spectacle qui va suivre. Le géant nous pose délicatement au sol, et nous descendons, moi guidant mon ami. Il demande à ce que je le laisse voir, mon refus est sans appel. Il insiste pourtant un peu, essaie de me dérider, mais ce n'est pas amusant.

Enfin, tout commence. Nous tenons debout sur le sol visqueux, alors que le géant s'est agenouillé et est enfoncé jusqu'à la taille dans cette vase noire. Deux mains lumineuses et pâles se posent à chacun de nos côtés, et le géant ouvre alors grand la bouche dans un long cri d'agonie. Sa voix me fait trembler, je ne saurais dire s'il s'agit de terreur ou de pitié, et j'ai l'impression que son menton ainsi que toute sa mâchoire inférieure vont se détacher du reste de sa tête tant elle s'ouvre large. Ses yeux se mettent soudain à pleurer de lourdes larmes noires, qui tombent par paquet à quelques mètres de nous et se fondent dans le sol. Il s'agit du même liquide boueux. Je distingue avec effarement que non seulement ses yeux, mais aussi ses narines, ses oreilles et la large ouverture de sa bouche laissent couler à flots cette triste matière noirâtre.
Je réprime un mouvement de recul en constatant que ses joues blanches se déchirent lentement pour lui permettre d'ouvrir plus largement la gueule. Il se penche ensuite pour descendre sa face pleurante au niveau de ses mains, face à moi qui ne sais que faire. Mes deux mains persistent, fermement plaquées contre les paupières closes de Naruto qui s'inquiète mais dont j'ignore les jérémiades, trop absorbé par cette démonstration macabre. La langue noire et démesurée s'anime, se soulève et se déroule en escaliers jusqu'à mes pieds, où elle se pose et attend. C'est une invitation à entrer, que j'accepte avec méfiance. Il n'y a au sommet de ses escaliers, entre les lambeaux de joues luisants, ni gorge ni palais ; ça ressemble à un ciel violet richement étoilé, plus encore que celui qui s'étend au dessus de nos tête actuellement. Je guide Naruto doucement, et il suit mes indications sans trop s'interroger, grimpe les marches inégales et garde les yeux fermés, sous mes mains tremblantes.

Je ne sais combien de temps nous avons marché sur ce long chemin noir et sinueux, comme suspendu dans le vide de ce ciel aux allures de galaxies violacées et bleues. J'ai guidé Naruto tout le long du chemin, en restant dans son dos et en cachant son regard. Pourtant, la vue ne craint plus. Je ne sais pas, je n'ai pas pensé à retirer mes mains.

« On dirait que ça s'est calmé depuis un moment, dit-il. Je peux regarder, maintenant ? »

Je ne réponds rien et me contente de doucement soulever les paumes. Ses paupières papillonnent un instant et il se tourne ensuite vers moi qui n'ai pas bougé. J'étais collé à son dos pour que mes bras soient à l'aise, maintenant nous sommes très proches l'un de l'autre. Il admire distraitement l'environnement, avant de revenir planter son regard bleu dans le mien, noir.

Le Voyage Spirituel | NarutoWhere stories live. Discover now