Partie 4 - Lente progression

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        Quatre mois qu’ils marchaient maintenant. La compagnie venait à peine de traverser la moitié de l’Empire. Leur progression se faisait lentement, car partout les montures étaient utilisées pour les travaux des champs. Une partie du trajet se fit donc à pied.

Pour la première fois depuis des années, Nouménal ne voyageait pas avec son escadron habituel. Le seul détachement à se rendre dans l’Ouest était un bataillon hétéroclite composé d’humains, d’un orcque massif et plus étonnant encore, d’un nain. Généralement, on évitait de les enrôler, car ils étaient irascibles, capricieux et rester discrets leur demandait trop d’efforts. Autant dire qu’il n’y avait pas pire recrue qu’un nain pour gagner une guerre. Nouménal écarta toute idée de sympathiser avec quiconque pendant ce voyage. Il allait en profiter pour préparer son matériel. Si comme il l’espérait, il découvrait des espèces inconnues, il devait déjà commencer à réfléchir à la meilleure manière de les transporter pour les rapporter indemne. 

On dressa les tentes pour la nuit sur le bas-côté d’une route bordée d’un nombre incalculable de tilleuls.

Depuis plusieurs jours maintenant, la chaleur incessante excitait les moustiques. Dans cette région, ils paraissaient particulièrement féroces et gourmands. Pour les éloigner, on plantait des torches aspergées d’une décoction à base d’huile, de citronnelle et de tabac. Le remède était efficace et les nuits relativement paisibles, du moins tant que le factionnaire pensait à vaporiser sur les torches cette préparation miraculeuse.

Nouménal étudiait une carte à la lueur d’un des flambeaux. Non pas pour travailler sur l’itinéraire du lendemain, mais pour s’assurer qu’ils ne passaient pas à côté de cultures ou de réserves animales qu’un collègue agronome aurait signalées. Il soupira et secoua tristement la tête.

Les branches des tilleuls croulaient sous le poids des feuilles. Ce spectacle n’avait pas grand-chose d’excitant pour lui, si ce n’est que Péral lui fit remarquer qu’avec un aussi grand nombre de ces arbres, une forte odeur de tisane devrait surcharger l’atmosphère. Pourtant, rien ne sentait moins le tilleul que cet endroit.

Sans prononcer un seul mot, Nouménal quitta sa carte des yeux. Son froncement de sourcils dut en dire long, car son fils lui demanda d’une voix inquiète s’il allait bien. L’agronome ignora la question. Il continua à garder le silence tout en scrutant les alentours. On aurait dit qu’il s’attendait à ce que des ennemis ou des brigands leur tombent dessus. Le visage de plus en plus renfrogné de seconde en seconde, il se dirigea vers le capitaine de l’escadron. Alors que les deux hommes discutaient, Péral s’approcha de la route et leva la main pour caresser l’écorce à peine gercée de l’arbre devant lui.

« Ne le touche pas ! », grogna son père qui s’était retourné.

Nouménal l'AgronomeWhere stories live. Discover now