Chapitre 25 : Onsen

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J’ai décidé d’emmener Takuya au restaurant pour le remercier d’avoir réservé un ryokan. Nous nous installons dans un petit restaurant traditionnel. Les tables sont très basses et des coussins sont posés sur le sol en guise de chaises. Le bâtiment est construit de bois, de bambou et de papiers de riz, qui sont les matériaux japonais traditionnels.

Nous commandons des gyoza, une sortes de raviolis japonais et un bouillon de nouilles chacun. En attendant nos plats arrivent, nous discutons. Takuya semble désormais plus à l’aise, il parle plus facilement du clan. J’en profite pour en savoir plus sur lui.

- A ton avis, qu’est-ce qui poussent les gens à rejoindre le groupe ?

- Ça dépend. Certains le font parce qu’ils n’ont pas le choix, parce exemples, le fils d’un oyabun fait obligatoirement parti du groupe. D’autres le font pour échapper à la pauvreté, comme moi.

- Ta famille était pauvre ?
- Oui. Avant d’intégrer le groupe et de m’installer à Tokyo, je vivais à Nishinari à Osaka. C’est un quartier assez pauvre, dont la majorité des habitants sont des vieux. Mais, ce n’est pas que l’on pourrait penser, il n’y a pas de trafics de drogues là-dedans, c’est juste sale et un peu délabré.

- Comment tu as rencontré l’oyabun alors ?

- C’était le meilleur ami de mon père. Ils ont passé leur enfance ensemble, alors quand l’oyabun a vu dans quelle galère nous étions, il nous a aidé. Il nous a proposé un logement à Tokyo et en échange, il a demandé à mon père de travailler avec lui. Naturellement, j’ai suivis ses traces. Je ne voulais pas que ma famille soit délogée alors j’ai intégré le groupe et c’est là que tout à basculé.

- Que s’est-il passé ? Dis-je curieuse. Enfin, si ce n’est pas indiscret…

- Mes parents ont divorcés, ma mère est partie vivre à l’autre bout du pays et elle s’est remariée. Aujourd’hui, je sais qu’elle a eu deux enfants avec son nouveau mari. Mon père, lui, il est resté à Tokyo pour le clan. Il a noyé son chagrin dans le boulot puis il a finit par être tué sur le terrain.

- Je suis désolée, je…

- Tu n’y es pour rien.

- Et ta mère ?

- Elle m’a reniée. Elle ne veut plus entendre parler de moi. Ajoute Takuya sans aucune émotion. Je suis désolé de te décevoir, mais tu ne rencontreras jamais ta belle famille. Et toi, quelle genre d’enfance tu as eu?

- J’ai eu une belle enfance globalement. Bien évidemment, il y a des hauts et des bas dans la vie, mais je me suis toujours relevée. A l’adolescence, j’ai commencé à m’intéresser à la culture nippone. Depuis, je n’avais qu’un seul but, partir au Japon et cette année, j’ai eu la chance de réaliser mon plus grand rêve.

- Et ta famille ?

- Mes parents sont toujours ensemble. Dans ma famille, ce n’est pas ça le problème. Le problème, c’est la famille de ma mère. Ils l’ont reniés parce qu’elle s’est mariée avec mon père et ils étaient contre.

- Qu’est-ce qu’il a fait de mal pour ne pas être accepté ?

- Je n’en ai aucune idée.

Takuya nous sert de l’alcool de riz dans un petit verre et me propose de trinquer au destin. C’est vrai que sans lui, nous nous ne serrions jamais rencontrés. Quand j’y repense, notre rencontre est tellement banale. Pourtant, c’est à ce moment là que tout à commencer.

La vie, c’est vraiment incroyable. Ça te fait rencontrer des personnes dont tu ne connaissais pas l’existence et leur donne une place importante dans ton cœur.

Nous rentrons à l’auberge. Le soleil s’est couché et laisse place à la nuit. Ce soir, les étoiles sont nombreuses dans le ciel. Cela rend le moment encore plus merveilleux.

- Tu n’as pas un haïku sur les étoiles ? Demandais-je amusée.

- Je dois bien avoir ça dans mon répertoire, m’annonce Takuya en faisant mine de chercher. La plus belle, des étoiles dans le ciel, s’appelle Zoé.

J’éclate de rire en entendant le magnifique haïku que vient d’inventer Takuya. Le concerné rit à son tour.

Nous entrons dans la chambre et nous nous mettons sur les futon qui vont nous servir de lit. Takuya et moi continuons de discuter, dans la joie et la bonne humeur.

- Ça me rappelle ma première mission. On m’avait donné 15 000 yens pour tué un gars du clan opposé. La mission n’a finalement pas eu lieu, j’ai du rendre l’argent. Heureusement pour moi, je n’avais presque rien dépensé.

- Tu avais quel âge ?

- Je ne sais pas, peut-être quinze ans.

- Wow !

- Assez parlé de moi, et si tu me parlais de toi ?

- Qu’est-ce que tu veux savoir ?

- Je ne sais pas… Tu as eu combien de petit-ami ?

- Deux, toi et mon ex. Et toi, tu as eu beaucoup de femmes ?

- Non, contrairement à ce que l’on peut penser des yakuza, je ne m’intéresse pas vraiment aux femmes. En tout cas, pas dans le sens des coups d’un soir. On ne devait pas parler de toi là ? M’interroge Takuya en riant.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Et si, on profitait de l’onsen.

- Désolée Monsieur, les tatouages sont interdits, dis-je en imitant la voix de la propriétaire.

Malgré cela, je me lève et cherche un maillot de bain dans ma valise.
- Qu’est-ce que tu fais ? Me demande Takuya.

- Je cherche un maillot de bain.

- Pas besoin. Les onsen sont fait pour se détendre alors on y va nu.

La panique monte un peu en moi. Je ne me suis jamais retrouvée nue devant un homme.

- En revanche, tu as le droit de prendre un peignoir de bain ou une serviette à côté pour te ressuyer.

Je vais dans la salle de bain et attrape mon peignoir. Takuya m’annonce qu’il m’attend. Je me déshabille, le corps tremblant et me glisse dans mon peignoir. Je sors de la salle de bain et vois Takuya enroulé dans son peignoir.

Nous ouvrons la baie vitrée qui nous donne l’accès à notre onsen. Je tâte la température de l’eau à l’aide de mon pied. Elle est chaude, elle semble agréable. Takuya retire son peignoir et se glisse dans l’eau. J’admire l’œuvre d’art qui orne son dos. Je me demande combien de temps ça lui a prit pour faire tous ces détails.

- Tu viens ?

- Oui, j’arrive. Dis-je tout bas, comme si une certaine pudeur m’envahissait. Tu peux te retourner ?

- Si tu veux.

Takuya se retourne et me laisse entrer dans l’eau. En m’entendant entrer à l’intérieur, il allait se retourner. Je l’en empêche.

- Attends, ne te retourne pas maintenant !

J’inspire et expire plusieurs fois. Je suis toujours aussi stressée. Je reste murée dans mon silence tandis que Takuya se retourne. Mon corps est recouvert d’eau, mais je ne me sens pas à l’aise pour autant. 

- Tout va bien ? S’inquiète Takuya.

- Ne me regarde pas.

- Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

Je ne réponds pas et lui tourne le dos. Je ne supporte pas d’être aussi vulnérable. Quand j’ai enlevé mon peignoir, ma carapace est partie avec.

- Hey, Zoé…

Je me mets soudainement à sangloter. Une main se pose sur mon épaule, je sursaute et me retourne à moitié, le regard apeurée.

- Je ne te ferais rien que tu ne veuilles pas.

- Je sais, mais je ne peux pas, je n’y arrive pas.

- De quoi tu as peur ?

- De moi.

- Comment ça ?

- J’ai peur de moi, de ne pas être assez bien. Dis-je en réprimant un sanglot.

- Tu n’as pas besoin d’avoir peur, tu es parfaite comme tu es.

Je cherche les yeux de Takuya et essaye de voir dans son regard s’il est sincère. Ses yeux noisette semblent vraiment inquiets pour moi. Je prends alors me courage à deux mains et me retourne lentement vers lui, les bras masquant ma poitrine.
Takuya me donne un baiser sur le front et me caresse la joue dans l’espoir de me rassurer. Tout cela, dans une infinie douceur.

- Je jure que je ne te toucherai jamais sans ton accord.

Ce qu’il dit me rassure, mais pour le moment, je n’ai qu’une envie : sortir de ce maudit bain. Takuya me devance et sort du bain accompagné de son peignoir et revient un tee-shirt noir à la main. Il me le tend. Je l’enfile rapidement et me retourne vers Takuya, je me sens déjà mieux.

- Je suis désolée, murmurais-je.

- Tu n’as pas à l’être, tu as le droit de ne pas être à l’aise. Ça n’enlève rien au fait que je t’aime pour qui tu es. J’aime tes rires, tes peurs et tes doutes, c’est ce qui fait qui tu es. Alors même si tu as peur, je t’aime. Je t’aime toujours de la même manière, voire même plus encore.

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