Chapitre 30

1.7K 110 13
                                    

Manon : Parce que je suis lesbienne Papa !


         Un long silence lourd et pesant suit mon aveu. Je suis à la fois soulagée et angoissée par ce silence. D'habitude, pour moi le silence n'est pas forcément une mauvaise chose, mais là c'est le silence le plus effrayant de ma vie. En effet dans un silence, tout peut être dit, bien plus qu'avec des mots.

         La première chose qui me frappe dans ce moment sans paroles, c'est la main de Camille qui se retire de mon épaule comme si ce que je venais de dire, l'avait brûlé. J'accuse le coup, mais ce simple geste m'a déchiré à l'intérieur.

          Tous les regards sont tournés vers moi. Tant bien celui de mes frères et sœurs, de mes oncles, que celui de mes parents. Personne ne parle et ça commence à devenir vraiment angoissant. Mon père est celui qui a le regard le plus inexpressif. Il me regarde comme une étrangère.


Jean-Yves : Qu'est ce que tu viens de dire ? il brise le silence avec un ton froid.

Manon : Je ne sortirais jamais avec un homme, il me faut rassembler tout le courage du monde pour poursuivre. Je préfère les femmes.


        Le silence est de retour, comme s'il faisait partie intégrante de notre famille et de cette maison. L'ambiance n'est plus à la fête. Le regard de toutes les personnes encore restantes sont braqués sur mon père et moi. En attente d'une réaction quelconque. Quant à moi, je n'ai pas quitté les yeux de mon père un seul instant. Il rompt le contact et déclare.


Jean-Yves : Je croyais que les rumeurs étaient infondées...

Manon : Les rumeurs ?

Jean-Yves : Entre la fois où je t'ai vu à la remise de bac embrasser une pauvre gouinasse et les sous-entendus de Gautier, j'aurais du me rendre à l'évidence... souffle-t-il déçu.


        Je ne sais comment répliquer, parce que je ne sais pas ce qu'il en pense. Malgré le mot « gouinasse », il me reste une once d'espoir que mon père accuse le coup et accepte la nouvelle. Il respire un grand coup, je vois la veine sur son front grandir. Ce n'est pas bon signe.


Jean-Yves : Tu fais tout pour déshonorer notre famille Manon ! éclate-t-il. Tu veux toujours faire l'inverse de ce que j'attends de toi ! J'ai voulu te botter les fesses quand je t'ai vu embrasser une fille au lycée, mais ta mère m'a convaincu que ce n'était une passade. Une passade mon cul ! Elle fait tout pour m'emmerder ! il se lève de sa chaise et s'approche dangereusement de moi. C'est quoi le but, me faire mourir de honte ?

Manon : Je n'ai pas choisi... tentais-je de répliquer avec un sanglot dans la voix.

Jean-Yves : On a toujours le choix !

Clothilde : Manon, arrête d'embêter ton père et jure-lui que tu ne recommenceras plus, me demande ma mère avec une voix douce.

Manon : Pardon ?! dis-je à la fois surprise et sans voix. J'ai l'impression d'avoir fait une bêtise... répliquais-je sur un ton de reproche avec des larmes pleins les yeux, mais que j'arrive néanmoins à retenir.

Jean-Yves : Oui, tu fais une grave erreur par tes choix, aux yeux de Dieu, de ta famille, de notre réputation.

Éric : Mais putain ! Ca se choisi pas Papa, Manon n'a pas choisi d'aimer les filles, elle est née comme ça, s'exclame mon frère.


         Tous les regards se tournent vers lui, c'est le plus jeune ici, mais c'est celui qui a eu le plus de courage pour me défendre. Tous le monde reste interdit face à mon père. Celui-ci se retourne vers mon cadet, et lui lance avec une rage bouillonnante.


Jean-Yves : Pourquoi tu la défends, t'es PD ? il se rapproche de lui. C'est le message que tu essaies de faire passer avec ta piètre rébellion ?

Éric : Non, je ne suis pas homosexuel, mais ce que je veux dire c'est que ce genre de choses ne se choisissent pas.


         Un grand bruit sourd se fait entendre. Eric porte la main à sa joue et les larmes lui montent aux yeux. Mon père vient de le gifler. Mon frère n'ose plus lever les yeux vers mon père et fuit en direction de la maison. Antoine jette un regard noir à mon père, et court après son jumeau pour le réconforter. Le seul soutien qui me restait vient de partir.

         Je me retourne vers le reste des mes frères et sœurs, entre la mine de dégoût d'Elena, le regard baissé d'Etienne, et le visage impassible de Camille qui a reculé de quelques pas, je ne vois aucun soutien probable. Je dois me défendre seule. Je me retourne vers mon père et lui lance.


Manon : Tu vas me gifler aussi ?

Jean-Yves : Non, il m'assène cela froidement, sans aucune émotion. Je ne te toucherais pas une vermine de ton espèce. C'est dégoûtant. Je ne veux plus jamais te voir dans cette maison.


          Cette dernière parole me fait le coup d'un pic à glace qui s'enfonce dans mon cœur. J'ose couler un regard vers ma mère, tout ce que je vois, ce sont des larmes qui inondent ses joues, comme si elle me disait au revoir sur mon linceul. Je suis morte à ses yeux.

           N'y tenant plus, je laisse échapper mes larmes qui coulent rapidement sur mes joues. Après un dernier regard lancé autour de moi, je pars en direction de la maison et monte les escaliers à grande vitesse. Je cours presque dans ma chambre et emballe toutes mes affaires.

           En plus des larmes, maintenant des sanglots secouent mon corps. J'ai l'impression que tous mes organes veulent sortir de ma poitrine. Je prends mes bagages et sors de la chambre. En bas des escaliers, personne ne m'attend. Tous le monde est resté dans le jardin, à faire comme si je n'existais pas. Je sors de la maison et monte dans ma voiture.

           Je démarre le plus vite possible afin de déguerpir de cette maison sortie des enfers. Je roule, beaucoup trop vite, mes yeux sont pleins de larmes je vois à peine la route. Au bout de 10 minutes, je décide de m'arrêter. Mes sanglots sont de plus en plus forts et je juge qu'il est trop dangereux de conduire dans cet état.

           Je descends de la voiture. Et essaie de me calmer. Ce n'est pas simple, j'ai l'impression que l'air de mes poumons me manque. Je peine à respirer entre les violents sanglots et les larmes mélangées à la morve de mon visage. Il me faudra une quinzaine de minutes pour réussir à me calmer. Je me mouche, essuie mon visage et remonte dans ma voiture.

           Je continue le trajet sans sanglots, bien que quelques larmes solitaires courent parfois sur mon visage. Je roule toujours beaucoup trop vite, mais à 2h du matin, il n'y a personne sur la route. Je me gare devant mon immeuble après une vingtaine de minutes.

           Je monte les escaliers et pose mon sac, sans aucune émotion. Un mal de crane commence à pointer le bout de son nez. J'ouvre néanmoins mon téléphone. Aucun message ni appel manqué. Rien. Nada. Je suis seule. 

Piccola ForzaDonde viven las historias. Descúbrelo ahora