22 DEPRESSION (SUITE)

101 20 24
                                    

— On s'est tous planté, répliqua le docteur Delacruz en faisant le bandage de la rousse.

— Tu ne comprends rien, s'exaspéra-t-elle. J'ai tellement de vies entre mes mains. Je dois tout faire pour les protéger. Ça a toujours été comme ça, ce sera toujours comme ça, Anto. Vous êtes ma famille, et je dois vous protéger.

— Et tu le fais déjà très bien, Lala. Arrête de te mettre toute cette pression, tu n'as que vingt-huit ans !

— Si Matt meurt, ce sera de ma faute. Et ça, je ne peux pas le permettre. Je dois le protéger, au péril de ma vie. C'est ce que font toutes les mères. Et j'en suis une, aujourd'hui.

— Cet enfant a de la chance, plaisanta Antonio. Si ma propre mère avait dit ça un jour, on ne serait pas en de si mauvais termes aujourd'hui.

— Je n'ai peut-être pas donné la vie à Matteo, mais je l'aime au-delà de l'imaginable. Et s'il existe un amour plus grand que celui-ci ; si l'amour maternel régi par les liens du sang est plus fort que ce que je ressens, alors Anto, c'est de la torture. Cet amour-là est une torture.

— Aucune mère sur Terre, pas même la mère de Matteo, n'aurait pu l'aimer comme tu le fais. Regarde Nina, indiqua-t-il, on n'a plus eu de nouvelles d'elle depuis quatre jours. Elle a pourtant une fille ! Florida a besoin de sa mère mais encore une fois, celle-ci répond aux abonnés absents. Les liens du sang ne sont pas toujours les plus forts. Nous ne sommes peut-être pas frère et sœur...

— ...mais nous nous aimons comme si c'était le cas...

— ...et nous pourrions mourir l'un pour l'autre. Lala, tout ce que tu as fait, tu l'as fait pour nous protéger tous...c'est ça l'essentiel.

Il la prit dans ses bras et la serra très fort contre lui. Au début mal à l'aise avec cette violation abrupte de son espace vital, Léaina laissa peu à peu retomber son armure. Elle ferma les yeux.

Que c'était bon de se sentir aimé. C'était sans doute le meilleur sentiment sur Terre. Soudain, la porte d'entrée s'ouvrit à la volée. Les deux amis sursautèrent en relâchant leur étreinte.

— Tu vois bien ce que je te disais, maman ! siffla la blonde qui venait d'entrer, accompagnée de sa mère.

— Crois-moi, Nina, maman va faire dégager la putain d'ici, vite fait et bien fait.

***

— Je suis désolé de m'être emporté tout à l'heure. Je ne sais pas ce qui m'a pris.

— Ne t'inquiète pas pour ça, sourit Kalen, je ne le rapporterais pas en cuisine. Ramis gloussa à son tour.

— Kalen, reprit-il ensuite, nous deux...

L'enthousiasme du brun retomba immédiatement. Voilà un sujet qu'il avait bien peur d'aborder à nouveau. Il était assis à cette même place, quand son chef lui avait dit qu'il ne ressentait rien pour lui. Pour éviter de repenser au malheureux évènement, Kalen porta son attention sur le tableau en grandeur nature de Ramis et sa moto. 

Il l'avait tant cherché sur la toile, en vain. Ramis devait être le seul à posséder ce pittoresque tableau de lui. Le silence s'était établi dans le bureau. Kalen attendit que Ramis poursuive sa phrase, mais la suite ne vint guère.

— Je croyais qu'il n'y avait pas de « nous deux », relança-t-il sans regarder le blond assis près de lui.

— Il y aura toujours un « nous deux » ! J'ai eu tort de prétendre le contraire. Tu avais raison, je dissimule mes sentiments. J'ai peur d'aimer à nouveau. Et quand tu m'as dit...qu'on devait prendre nos distances, j'ai paniqué. Mais j'ai compris que...je dois me battre pour ce qui m'est cher. Parce que la vie est putain de courte, ouais. Willow Nikova est morte. Matteo est en danger de mort, alors qu'il n'a même pas encore un an. Moi, j'ai failli mourir noyé. La vie est courte.

— Oui, justement...la vie est courte, Ramis. Et je n'ai pas envie de la passer à m'amuser avec quelque chose qui n'est pas à moi. J'ai des priorités...

— Je veux être à toi, Kalen.

— Mon mari est mort ! J'ai perdu l'homme de ma vie, il y a moins d'un an.

— Moi aussi, murmura Ramis en se levant du canapé pour s'approcher de la photo qu'il avait prise en Arizona. Moi aussi j'ai perdu l'homme de ma vie. C'était un homme fantastique. Tout ce qu'il y avait de plus charmant sur la Terre.

— Mon mari était la lueur de ma chandelle...

— Je n'ai jamais raconté mon histoire à quiconque. Seul mon père était au courant. Seul lui fut témoin de la douleur qui était mienne. Lui aussi était terrassé par le décès d'Ingrid. Mais moi...moi j'avais encore plus mal. J'avais perdu les deux êtres les plus chers de ma vie en un jour. Ingrid et Mickael étaient des...

— Attends, attends ! Quoi ? 

LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant