17 CONTESTATIONS (SUITE)

106 21 14
                                    


***

Willow approcha lentement de la demeure des Delacruz, construite dans le quartier d'Ijburg. C'était une maison à la façade rouge et les côtés entièrement vitrés, entourée de plusieurs autres bâtiments typiques du secteur. 

La plupart des édifices de ce nouveau quartier résidentiel était bâtie sur l'eau, des maisons flottantes comme on les appelait ici. Des yachts et bateau de plaisance remplaçaient les taxis ici. Willow réalisa non sans un élan de satisfaction, que la résidence des Delacruz faisait partie des rares édifices construits sur la côte. Elle pourrait facilement l'atteindre sans avoir à se mouiller. 

Un autre point positif était que la maison était un peu éloignée des autres. Il y avait peu de chances que les voisins remarquent qu'elle essayait de s'introduire par effraction chez quelqu'un. La rue était déserte, comme l'étaient celles des quartiers résidentiels. Des citrouilles avaient remplacés les individus, qui devaient être chez eux en train d'ajuster les dernières retouches de leurs costumes.

La russe vérifia que son arme était chargée. Il n'y avait pas de temps à perdre. La journée était vite passée et les embouteillages lui avaient perdu un temps astronomique. Elle contourna par la porte de derrière. Il suffisait d'une erreur de sa part pour que tout tombe à l'eau. Elle ne savait pas à quoi s'attendre avec ces individus. Il fallait qu'elle prenne ses précautions. 

Elle se hasarda à jeter un coup d'œil rapide à travers la première fenêtre. La cuisine était déserte. Par la seconde, elle vit une fillette endormie dans son lit rose. Se rapprochant de la porte de derrière, Willow perçut des éclats de voix dans la maison. Elle ouvrit la porte sans bruit et la traversa. Elle continua de longer le mur, alors que les voix se faisaient de plus en plus claironnantes.

Nina et Antonio.

— Jure-le moi que tu ne te tapes pas Léaina !

— Baisse d'un ton, la petite dort.

— Jure-le-moi, Antonio ! ordonna la blonde en agrippant la chemise de son mari.

Décidément, songea Willow, ce n'était pas sa veine. Elle tombait en pleine crise conjugale. Et étant elle-même mariée, elle savait qu'il ne fallait jamais interrompre une crise conjugale. Elle aimait Nina, elle compatissait à sa souffrance. Après tout, c'était par amour qu'elle s'était engagée dans cette voie sinistre. 

Willow était elle-même amoureuse. Et elle savait que ce sentiment pouvait pousser quelqu'un à tout faire. On pouvait tuer par amour, on pouvait haïr pour l'amour. Elle aimait Nina, mais elle avait plus urgent.

— Je croyais que tu passais juste récupérer quelques affaires, gronda durement le chirurgien, qui tenait un bébé entre les mains. 

Les mains de Willow faillirent se détacher de son pistolet. C'était la première fois qu'elle voyait Matteo Winchester, le bébé d'Ingrid et de Mickael. Il avait tout pris de sa mère. Il n'y avait aucun doute que c'était son enfant.

— Tu n'es qu'un salaud, Antonio. Un gros salaud, une ordure. Tu te tapes Léaina, je le sais. Tu te tapes ta meilleure a...

— Arrête de raconter des inep...

— Toi, arrête de nier ce que tu ressens pour elle, merde ! Je suis conseillère conjugale et familiale, je sais reconnaitre de l'amour quand j'en vois. Tu aurais pu les laisser régler leur problème de caméras espions seuls au lieu de nous impliquer là-dedans.

Willow se raidit. Comment avaient-ils fait pour le découvrir ? Elle savait que c'était la seule explication plausible, mais l'entendre lui fit un choc. Ils étaient doués. Très doués. Et rien ne lui garantissait qu'ils ne savaient pas aussi pour le mouchard dans le cou d'Antonio.

Et si c'était un piège qu'ils lui tendaient ?

Un torrent de sueur froide déferla sur elle. Ses mains s'humidifièrent autour du fusil. Où étaient Kalen et sa sœur ? Elle bondit hors de sa cachette et braqua l'arme sur le couple. Nina émit un cri en levant les mains en l'air. Antonio écarquilla les yeux. Ses pieds se dérobèrent et il tomba sur le canapé. Matteo se mit à pleurer.

— On ne bouge plus, ordonna Willow. Un seul mouvement brusque et je vous tire une balle dans le tibia. Elle regarda à gauche et à droite. Les cris de l'enfant montaient en intensité.

— Que voulez-vous ? bégaya Antonio en secouant l'enfant pour essayer de le calmer.

— Où sont Kalen et Léaina Lachenaie ?

— Je ne sais pas de quoi vous voulez parler...je ne les ai pas revu depuis hier. Ils doivent être chez eux. Vous faites peur à ma famille.

— Si je repose la question encore une fois, avertit la détective, c'est Bog au paradis qui entendra la fin de votre réponse.

— Moi...moi j'en ai marre, minauda Nina. Je vais...je vais vous dire où ils sont...

— Tais-toi, Nina !

— Vous, taisez-vous.

— Ils sont...ils sont déjà partis au bal masqué, avoua la blonde.

— Je croyais...qu'ils n'y seraient pas avant seize heures.

— Ils ont prévu les bouchons sur...sur le périph'. Les autorités ont annoncé un trafic dense à cause de...des travaux...

— Nina...miaula Antonio.

— Et...et Léaina parlait de tuer, ils parlaient de tuer. Elle disait que même morte, le greffon serait viable pendait trois ou quatre heures. Je n'ai pas très bien entendu, mais je pense que c'est ça. Moi je suis innocente, j'ai rien fait...c'est eux qui l'disaient. Ils prévoient de tuer Ingrid Winchester si la situation se complique...

Le cœur de Willow s'arrêta de battre pendant un instant. Tuer ? Depuis quand avait-il été question de tuer ? Des filets de sueurs ruisselaient sur ses omoplates. Tout compte fait, elle aussi devait revoir son plan. A tout prix. Elle récupèrerait l'enfant plus tard. Pour l'instant, il y avait plus grave. Kalen et sa sœur pourraient tuer Léonie Dickez. 


**Bog = Dieu en russe

LIENS PARTAGÉS (WATTYS2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant