Coucher de Soleil

201 18 9
                                    

Tintin se tourna vers Jeanne, qui gardait les yeux fixés sur la porte par laquelle Bianca Castafiore avait disparu.
- Vous sentez-vous mal ? Vous êtes très pâle ! S'exclama-t-il en voyant son visage.
- Non... ça va... je suis un peu sonnée... répondit-elle doucement.
Voyant son trouble, le jeune homme fut pris d'une forte envie de la serrer dans ses bras. Tentant de se sortir cette pensée de la tête, il regarda sa montre.
- Il est presque huit heures... Allons manger quelque part !
Elle fit un pâle sourire, ses joues reprenant un peu de couleur.
Après un passage au vestiaire pour que la jeune fille ôte son costume de scène, ils sortirent du bâtiment et se dirigèrent vers le centre-ville. Il faisait doux en cette soirée d'avril, et ils marchaient lentement, les petits talons de la jeune fille claquant sur les pavés. En silence, ils profitèrent des derniers feux du couchant, les yeux de l'une se teintant de reflets dorés, les yeux de l'autre de reflets argentés.
Le journaliste se tourna vers sa jeune compagne.
- Jeanne... Quoi qu'il arrive, je vous promet de vous aider.
Il avait mis le doigt sur ce qui tracassait la jeune femme depuis les révélations de la Castafiore.
- Je refuse de vous laisser mettre votre vie en danger pour les erreurs de mon père. C'est un combat que je dois mener seule, pour ne pas faire plus de victimes. Ma mère a fait les frais des sordides magouilles de Mantichora. Votre existence vaut tellement... alors que la mienne n'a qu'une importance moindre...
Cette fois, le jeune journaliste fut franchement déçu.
- Je vous en prie ! J'ai toujours affronté le mal, et vous voulez que je vous laisse foncer tête baissée, dans le but de me préserver ?! Je ne vous demande qu'une chose; Laissez-moi faire mon travail !
Elle baissa la tête.
- Oui... Excusez-moi, vous avez raison...
- Non, je... je me suis laissé emporter...
Ils se tournèrent l'un vers l'autre.
- C'est de ma faute ! S'exclamèrent-ils simultanément.
Se rendant compte qu'ils avaient parlé en même temps, ils se mirent à rire.
- En tout cas, demain, nous allons retrouver votre pendentif.
Elle lui sourit, sincèrement touchée.
Il arrivèrent devant un joli bâtiment à colonne, visiblement un restaurant assez chic.
- C'est ici, exactement comme dans mes souvenirs ! S'exclama-t-elle, est yeux brillants, faisant sourire son ami.
Il entrèrent, Tintin regardant avec amusement la jeune fille.
Il faut dire que l'endroit était grandiose; c'était un grand dôme de verre, au travers duquel on pouvait voir le ciel nocturne, soutenu par des arcades de fer forgé blanc. Cette merveilles architecturale était relevée par de nombreuses plantes exotiques, qui formaient une végétation luxuriante. Du plafond pendaient de larges lustres électriques, qui, associés aux centaines de chandelles dispersées sur les tables, éclairaient ce charmant tableau.
Un serveur en livrée se précipita vers eux.
- Une table pour le jeune couple ?
Les deux jeunes gens rougirent brusquement.
- A...amis ! Balbutia  Tintin.
Le serveur, constatant leur gêne, leva un sourcil.
- Bous m'en direz tant... Suivez-moi !
Il se dirigea vers le centre de l'immense salle, et leur présenta une table, avant de les laisser s'installer.
C'est là qu'un problème se posa. La hauteure moyenne de la table convenait parfaitement à Tintin, qui était de petite taille, mais pour son amie, qui était à proprement parler minuscule, ce fut plus compliqué que cela. Elle s'assit, et, ne se rendant pas compte que son compagnon l'observait, très énervée, elle se mit à tenter de se redresser le plus possible pour parvenir à atteindre la table. Peine perdue, et, quand elle se releva, elle croisa le regard amusé et empathique du reporter. Celui-ci, sans un mot, attrapa le coussin posé sur sa chaise et le lui tendit.
Elle le plaça, et, aussi rouge que le bouquet de pivoines posé sur la table, elle lacha un rire nerveux.
- Ce que je peux haïr mes 147 centimètres ! S'exclama-t-elle.
- Moi, je vous trouve parfaite, dit-il doucement, sans réfléchir.
Cette fois, ils virèrent tous deux au rouge bordeaux, aucun des deux n'osant répondre.
Le silence s'éternisa jusqu'à ce que l'on apporte les plats, leurs donnant un excellent sujet de conversation; la nourriture !
S'en suivit un long débat sur la supériorité des crêpes sur les gaufres belges. Chacun, en bon patriote, défendit avec vigueur sa gastronomie.
Ils mangèrent sans grand appétit, encore préoccupés par les évènements de l'après-midi, mais la présence de l'autre les réconfortaient, et chacun retrouvait sa joie de vivre en présence de l'autre.
A la fin du repas, Jeanne se souvint de se qui était à la base de toute cette agitation.
- Alors... vous ai-je fais changer d'avis sur l'opéra ?
- Vous avez une voix incroyable. Ça m'a transporté. Et puis... vous êtes si passionnée, c'est aussi beau à voir qu'à entendre.
- Merci ! Gloussa-t-elle, avant de s'empourprer en se rendant compte de ce qu'il venait de dire.
Encore une fois, il se maudit pour son indélicatesse, ne soupçonnant pas un instant que ses compliments touchaient en plein coeur la jeune chanteuse.
- En tout cas, vous avez de sacrés réflexes ! Vous vous êtes débarrassée d'Evanleck avec une force impressionnante.
- Quand on fait ma taille, il faut trouver un autre moyen de se défendre que la force brute !
( Ndla: @Jeanne_LaBey sait de quoi je parle )
- Vous oubliez que je ne mesure qu'un mètre soixante !
Elle planta son regard noisette, nuancé de doré, dans les yeux saphir du jeune homme. Rougissants, ils ne purent pourtant pas détacher leurs pupilles les unes des autres. Chacun voyait dans l'autre le miroir de son propre esprit, et, hypnotisés, ils ne pouvaient mettre un terme au contact visuel.
Ce fut le serveur, apportant la note, qui s'en chargea. Note pour laquelle ils se chamaillèrent quelques instants, chacun insistant pour la payer. Ils finirent par se partager le payement, chacun dépité de ne pas avoir eu gain de cause.
Ils sortirent, et marchèrent jusqu'à l'hôtel, profitant de la fraîcheur nocturne, parlant de tout et de rien.
Ils montèrent lentement, et, arrivé devant la porte. Ils se firent face, ne sachant pas quoi dire. Alors, se mettant sur la pointe des pieds pour être à sa hauteur, Jeanne déposa un léger baiser sur sa joue, avant de murmurer "Bonne nuit", et de disparaitre.
Cette nuit, il eu du mal à trouver le sommeil, l'esprit occupé par les évènements de la journée, et plus particulièrement par la jeune femme qui en était la cause...
Comme il était fasciné par elle, par sa voix, par le mélange de douceur et de fermeté, la précision incroyable de chacun de ses gestes, par l'éclat doré de ses pupilles, et l'aura mystérieux qui l'entourait...
Ainsi, il s'endormit sur ces douces pensées.

Les Aventures de Tintin - Tintin en ItalieWhere stories live. Discover now