Diva et Souvenirs

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- Voici le balcon ! Le publique n'y a pas accès, nous serons tranquilles ! s'exclama Jeanne.

Après la visite du conservatoire, qui n'avait finalement rien donné, la jeune femme tenait à lui montrer son endroit préféré. C'était un balcon, très en hauteur, qui donnait sur la salle d'audition. Une moquette confortable en recouvrait le sol, et quelques divans et fauteuils étaient placés ici et là.

Ils s'assirent, attendant le début du concert.

- J'adore cet endroit. C'est là que mes parents se sont rencontrés.
Tintin se tourna vers elle, surpris qu'elle se confie à lui.
- Vous n'avez plus de famille ?
- Non. Mon père, qui était chimiste, est mort avant ma naissance, et ma mère ne s'est jamais vraiment remise de sa mort. Elle est décédé des suites d'une simple grippe quand j'avais dix ans.
- Je suis désolé... Mais comment avez-vous fait ?
- Oh... j'ai été confiée à un vague oncle, que je n'ai vu qu' à cette occasion, et qui s'est dépéché de m'expédier en pensionnat... J'en suis sortie il y a un an et demi, encore mineure, avec un grand besoin de faire quelque chose de ma vie... je suis devenue chanteuse en hommage à ma mère.
- Vous êtes décidément très courageuse...
Elle rosit de plaisir, gênée.
- Et vous ? Comment sont vos parents ?
Cette fois, une indéniable tristesse se peignit sur le visage rond du jeune homme.
- Je... j'ai été abandonné. On m'a trouvé devant une église, un matin d'octobre, avec une carte indiquant mon nom, Augustin Tintamarre, et ma date de naissance. Depuis, j'ai tenté de retrouver ma famille, mais nulle trace de quiquonque se nommant Tintamarre. J'ai grandi dans un orphelinat de Bruxelles.
Jeanne afficha une expression peinée, et, dans un geste délicat, déposa sa main fraiche sur la sienne.
- Augustin est un beau prénom.
- Je ne connais même pas mon vrai nom. Je ne l'utilise jamais, et je préfère que l'on m'appelle Tintin. C'est vraiment qui je suis. Mais... n'en parlons plus !
Alors, dans un geste tendre, la jeune chanteuse se redressa et embrassa délicatement sa joue, ses lèvres douces frôlant sa peau. Il frissona, baissant le regard vers elle, surpris et aux anges, mais, pour masquer ses joues rouges de gêne, elle s'était déjà levée et approchée de la balustrade.
Sonné, il s'approcha d'elle et, à se côtés, assista au début du concert.
C'était un morceau pour orchestre, doux et aérien, que sa compagne prenait un plaisir évident à écouter. Les yeux mi-clos, un sourire ému, elle semblait dans son monde. Voyant qu'il ne risquait pas d'être surpris, il la contempla tout son soul.
Le morceau se termina, et, à regret, il dut la quitter des yeux.
Il tourna son attention vers la scène, où s'avançait une imposante dame blonde. La Castafiore salua le public en liesse, puis prit une grande inspiration, avant d'entonner l'air des bijoux.
Dès les premières notes, les deux jeunes gens se raidirent. Tandis que Tintin se crispait, Jeanne rentra la tête dans les épaules. Il faut dire que la voix particulièrement stridente de la diva n'épargnait personne, et dans l'ombre du parterre, on voyait la foule se boucher les oreilles.
Ils échangèrent un regard, puis Tintin suivit Jeanne. Elle traversa le balcon, ouvrit une porte, et ils se retrouvèrent sur une petite terrasse. L'air frais de la nuit leur fouettait le visage.
Les lumières de la ville nocturne s'étendaient à leurs pieds.
Jeanne, qui n'était toujours vétue de son chemisier, commençait à trembler. Son compagnon, s'en rendant compte, enleva son trench et lui passa timidement sur les épaule.
Surprise, elle leva la tête, et le fixa de ses pupilles noisettes.
- Vous... vous aviez froid, je crois...
- Merci.
Un silence gêné plana quelques secondes.
- Comment ce fait-il que vous ne supportiez pas la voix de Mme Castafiore ? Vous êtes chanteuse...
- Attendez... Ne me dîtes pas que vous pensez que toutes le chanteuses chantent comme cela ? Fit-elle, incrédule.
- Et bien... je suis assez inculte, en matière de musique...
- Madame Castafiore a une voix assez particulière, que de nombreux dirigeants, fous d'elle, ont fait porter aux nues. Mais, musicalement, son talent est assez peu orthodoxe... reprit-elle, amusée. Mais, si vous n'avez écouté qu'elle, vous devez avoir une piètre opinion de l'opéra.
Demain, je répète mon rôle ici avec l'interprète du Duc et une partie de l'orchestre. Viendrez-vous ?
- Ce serait avec plaisir !
Le jeune reporter sentit son coeur se réchauffer.

Les Aventures de Tintin - Tintin en ItalieWhere stories live. Discover now