VII | la cité de Shakur

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− Ils disent tous qu'on est de bons à rien, les médias, les infos, les journaux. Quand on pense à une cité, on voit des étrangers parler gangsta ou des mecs rouler des mécaniques et violenter des filles. Tout ce qu'on voit de nous, c'est nos hautes barres d'immeubles salissant le paysage, nos ensembles et nos baskets. Du gris, du gris, à tel point qu'ils en oublient qu'on est aussi des couleurs. Ils nous regardent de haut, du haut de ces barres justement, ils se rendent inaccessibles, puis veulent faire bonne mesure avec leurs programmes pour les gens comme moi. Les gens défavorisés. On nous marginalise, et rien que le fait d'avoir du vocabulaire alors que je viens d'ici a de quoi leur faire hausser les sourcils. Ils nous pensent inférieurs et pauvres, mais ils sont les plus stupides à penser ce genre de choses. On peut être riches et inférieurs, on peut même être riches et supérieurs à eux tout en restant dans nos HLM. Parce que malgré le fait qu'on nous prenne pour des banlieusards, nous sommes riches d'une culture, d'humilité et d'amour. On se serre les coudes, et l'amour fraternel qu'on porte à notre frère, n'a plus pour barrière les liens du sang. Il s'étend à tout le quartier, au voisin d'à côté et même l'épicerie d'en face. Il s'étend sans bornes, sans contre-sens, sans fin. La cité devient juste un grand bain d'humanité, emplie de solidarité et même si parfois on a des rivalités, même dans ces coups d'éclat, de n'importe quel côté qu'on soit, il y a des gens qui tiennent à nous. Nous soutiennent. J'aime cette cité qui m'a fait grandir, et je suis heureux d'être fils d'immigrés. Et même si ces hautes barres d'immeubles ne sont pas toujours un paradis, qu'on doit déplorer la stupidité et méchanceté de certaines personnes, un peu trop oubliées. Je préfère ça que le cul coincé par un balai, les sourires hypocrites, les faces masquées par la suffisance et ne pas bouger d'un iota si mon voisin m'appelle à l'aide. Si banlieusard signifie être aimant, libre et entouré. Alors je suis le plus heureux des banlieusards.

Hana, soufflée par ce monologue adressé à elle, sentit des larmes colorées couler.

LE GANG DES CŒURS BRISÉSWhere stories live. Discover now