Chapitre 21 ➳ Harper

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Rider chante depuis quelques temps, maintenant. Ses compositions étaient rythmées et dynamiques, mettant tout le bar en joie, jusqu'à ce que des notes un peu plus sombres apaisent les âmes. Et martyrisent la mienne. Quand il se met à jouer des ballades qu'il a écrites lui-même quand nous étions à l'hôpital, je me sens tomber. J'en reconnais les paroles, la mélancolie, la peur mais aussi, tous les espoirs que nous avions de sortir de cette chambre où nous avons vécu des heures torturées. J'en frissonne. Je me sens mal, tourmenté, presque attiré malgré moi vers des souvenirs que j'ai repoussés trop souvent et qui continuent à me hanter.

J'ai du mal à croire que deux années nous séparent de ces instants où nous pensions mourir. Crever en étant englués dans ces douleurs insupportables, dans ces putains de cris... C'était tout ce qu'il nous restait. Des hurlements qui ne s'apaisaient qu'avec les calmants en intraveineuse.

Mon pouls accélère à m'en faire mal.

Je baisse les yeux, les rive sur mon verre, incapable d'affronter le plaisir du public alors que tout me rappelle mon passé. Pourtant, quand Mia pose sa main sur la mienne, je m'apaise à mon tour et je laisse les paroles se faire un chemin en moi, me rappeler ces souvenirs terribles qui, cependant, me rendent plus fier encore de m'en être tiré. Parce que c'est ce dont je dois me rappeler. C'est presque vital, même. Je dois oublier les failles qu'on a créé en moi et me concentrer sur le présent. Sur cette journée splendide et ensoleillée. Sur la femme sublime à mon côté et dont les yeux débordent de plaisir, d'étoiles et d'innocence.

Mia est comme ma dose d'oxygène et de calmants, à cet instant. Je n'ai plus besoin de ces saletés chimiques injectées dans mes veines ; je l'ai, elle. J'enlace sa taille, frotte le nez contre ses cheveux quand elle pose la tête sur mon épaule, et je suis heureux. C'est tout ce que je dois retenir. Elle... me rend heureux.

Le public applaudit à la fin de la chanson, en redemande à chaque fois que Rider termine. Et moi, à chaque fois aussi, je croise les doigts pour qu'il en ait fini. Sauf là, alors que Mia se retrouve fascinée par l'ambiance, le concert, tous ces gens autour d'elle qui ne lui font plus peur mais qui l'aident à s'immerger dans l'instant présent. C'est tellement beau à voir ! Et je me sens soudain stupide de vouloir la priver de ce cadeau simplement parce que je ne parviens pas à repousser mes foutus souvenirs.

Et une nouvelle chanson commence.

Mon cœur bat à tout rompre. C'est l'angoisse. Une angoisse qui me prend à la gorge et je lutte. Je lutte pour la repousser ; pour profiter de cette soirée. Je serre la main de Mia un peu plus fort. Elle me donne du courage, même si elle n'en est pas consciente.

Et puis... Et puis... Oh, elle se redresse, embrasse ma joue, alors je tourne doucement le regard vers elle.

— Tu vas bien ? murmure-t-elle, inquiète. Tu veux qu'on rentre ?

Son regard est soucieux.

Elle prend évidemment un plaisir sans limite à être ici et mon attitude lui donne envie de retourner sur le campus, simplement pour que j'aille mieux ? Bon sang, en plus de me sentir soudain comme le pire des égoïstes, je me rends compte qu'elle tient plus à moi que ce que je pensais.

Et ça, ça vaut tout l'or du monde. Tout l'or, et probablement plus, encore.

— Non, je vais bien. On reste encore, lancé-je en l'embrassant en retour.

Alors Mia exulte et nous nous tournons vers notre ami.

La voix de Rider est grave, posée et très douce. Ses accords ont quelque chose qui fait vibrer notre âme et ensorcelle la salle entière. Qui finit même par faire disparaître ma tension et cette angoisse qui m'écrasait le torse.

Harvard Confidential (Harper + Ella)Where stories live. Discover now