Chapitre 42 ➳ Ella

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Même si Harper cherche à me repousser, même si c'est douloureux de constater qu'il ne veut pas de moi à ses côtés, il se trompe tellement s'il pense que je vais l'abandonner !

Je fais un pas vers lui, et moi aussi, j'ai les poings serrés. Et les nerfs éreintés. Et le cœur poignardé.

— Va-t'en, répète-t-il d'un ton dur en me sentant approcher.

— Non, grogné-je d'une voix vibrante de colère et de détermination. Non, il n'est pas question que je m'en aille.

— Pourquoi ?

— Parce que je tiens à toi, tu ne le vois donc pas ? m'écrié-je. Et partir alors que tu vas mal, ce serait impossible. Ce serait une torture, Harper. Ne me force pas, ne t'indigne pas. Je veux rester avec toi parce que... Parce que, c'est tout. Je n'ai pas de raison valable à te donner, hormis celle déjà citée. Je tiens à toi, et quand on tient aux gens, on ne les laisse pas tomber au fond du gouffre sans leur tendre la main. Même s'ils n'en veulent pas. Alors je vais rester. Je me fous que tu hurles, que tu cognes les murs... ou moi ; que... que tu m'insultes, même, si ça peut te faire aller mieux. Je suis prête à subir pour toi, prête à carrer les épaules et à oublier chaque émotion, chaque mot dur, si et seulement si ça peut t'aider à aller mieux.

— Seigneur, Mia... soupire-t-il finalement. Jamais je ne me servirai de toi pour passer mes nerfs.

Sans même se retourner, il commence à se déshabiller pour ne garder sur lui que son pull noir et son boxer, puis il me fait enfin face.

Mes années passées à éviter d'avoir des sentiments, à oublier toute émotion m'aident à garder une expression neutre quand je pose le regard sur lui, sur tout ce qu'il me montre. Mais mon cœur dans ma poitrine tombe en ruines quand je remarque que sa jambe droite est bardée d'une énorme cicatrice rosée, épaisse, qui ressemble à une ronce brutale. Elle part de sa hanche, cachée sous ses vêtements, et se termine à ses pieds. Elle est elle-même lardée de dizaines d'autres cicatrices plus fines, plus irrégulières, aussi cruelles.

Harper renifle avec dédain, puis se laisse tomber sur son lit avant de prendre deux cachets. Il les fait passer en terminant une petite bouteille d'eau qu'il finit par balancer à travers la pièce.

Il ne m'a toujours pas regardée une seule fois.

D'un pas tranquille, pour ne pas le brusquer, je le rejoins et m'assois sur le matelas. Juste à côté de lui. La chaleur de sa peau, de sa fièvre ? effleure mon corps et me fait frissonner.

Tout comme il s'est permis de fouiller dans mon intimité, j'ouvre le tiroir de sa table de nuit et je prends une à une les boîtes de médicaments que je retourne entre mes doigts. Les noms barbares ne me disent rien, mais je comprends quelques mots. Il s'agit d'anti-douleurs et de décontractants.

Un épais tube de crème, par contre, me fait prendre conscience qu'il a toujours des soucis musculaires malgré le fait que son accident date d'il y a longtemps, comme le prouve la cicatrisation de sa blessure. Alors en attendant qu'il se décide à me parler, j'ouvre le tube, dépose une noisette de crème transparente sur sa cuisse, et je me mets à la masser.

Un peu gênée, je lui jette un petit regard et pour la première fois depuis de longues minutes, Harper se décide enfin à me le retourner. Je vois un « merci » timide qui obscurcit ses beaux yeux, alors je prends mon temps, pour appliquer le gel. J'en rajoute un peu. Non, beaucoup, pour ne jamais arrêter de le toucher.

Une bonne odeur de fleurs et de plantes embaume la pièce, et contribue à nous calmer tous les deux. Je crois que ça va être à moi de rompre le silence sinon, il ne me parlera plus jamais.

Harvard Confidential (Harper + Ella)Where stories live. Discover now