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Héloïse

Tristan lâcha mon menton pour aller à la rencontre du cavalier visiblement blessé. Je le suivis, intriguée par le nouveau venu.

- Vous êtes Messire d'Armagnac ? Demanda-t-il en se laissant tomber difficilement de son cheval.

- Oui c'est bien moi. Que vous arrive-t-il ?

- Je fais partie de la garde rapprochée du Duc d'Orléans, nous avons été attaqués et mes hommes ne seront pas assez pour protéger l'héritier jusqu'ici. J'en ai perdu trois pendant l'affrontement, je suis moi-même blessé au bras et je crains pour sa sécurité. Si nous tombons dans une autre embuscade, ça en sera fini alors j'ai besoin de vos hommes.

À ces mots, Tristan se dirigea vers l'écurie où ses hommes attendaient de pouvoir sortir les chevaux sans se douter de ce qui se tramait. Ils allaient en effet pouvoir sortir dégourdir les pattes de leur monture. Je lui emboîtai le pas, je ne pouvais laisser mon père mourir avant qu'il ne m'ait libérée du Vicomte de Marsan. C'était peut-être égoïste comme réflexion, mais finalement, il avait été absent de ma vie alors je ne pouvais prétendre qu'un réel lien nous unissait.

- Vous vouliez sortir les chevaux, ça tombe bien, le Duc a besoin de notre protection immédiatement, sa sécurité est compromise. Armez-vous le plus rapidement possible et on part sur le champ ! Annonça Tristan en commençant à enfiler sa protection de cuir sur son torse.

Je me dirigeai vers mon arc posé non loin des autres armements et pris soin de remplir entièrement mon carquois. Mais avant que je n'ai eu le temps de monter le cheval de Frédéric, Tristan attrapa mon poignet.

- Pas toi Elliot. Je veux que tu restes ici et que tu te positionnes sur le tour de garde pour couvrir nos arrières quand nous arriverons avec le Duc. Tu as autorisation de tirer sur tout ce qui menacera sa survie, c'est bien compris ?

- Oui messire. Et euh... faîtes attention à vous, ajoutai-je dans un souffle.

- Ne t'en fais pas pour moi Elliot, répondit Tristan avec un léger sourire alors que je croyais avoir parlé suffisamment doucement pour qu'il ne m'entendît pas.

Je sentis mes pommettes me brûler et m'empressai de baisser ma tête pour disparaître sous ma capuche avant de tourner les talons pour rejoindre le poste qui m'avait été attribué. J'y restais plus de deux heures après le départ de Tristan et ses hommes sans qu'il n'y eut de signe de leur retour. J'avais eu le temps d'imaginer mille fois la façon dont pouvait se dérouler la rencontre avec mon père lorsque les premiers cris provenant de la forêt clairsemée se firent entendre. Immédiatement, je glissai une flèche dans l'encoche de mon arc et guettai le moindre mouvement en provenance des arbres. Le premier homme que je reconnus, ce fut Gauthier, très vite suivi de deux hommes arborant des fleurs de lys sur leurs habits et d'un autre que je soupçonnai être le Duc d'Orléans, mon père. Puis ce fut au tour de Edwin de quitter le couvert des arbres, talonné de prêt par une menace pour mon père. Je le visai et une fois suffisamment prêt, à un peu moins de trente toises, je tirai. La flèche atteignit l'homme à quelques pouces de l'épaule sur son torse et le déséquilibra, ce qui le fit chuter de son cheval. De la même façon, je mis hors jeu deux autres hommes tout en guettant la sortie de Tristan et des derniers de ses hommes des bois. Je les vis enfin arriver à découvert, indemnes, et ne pus retenir un soupir de soulagement. Ils rejoignirent le groupe avec le Duc qui s'était arrêté dans sa course à dix toises de l'entrée du château mais avant qu'ils n'aient eu le temps de repartir, trois autres hommes sortirent des bois à cheval, armés d'arbalètes. Tristan fit partir mon père en premier pour qu'il se mît à l'abri en priorité.

- Qu'est ce qu'il fait ? M'alarmai-je en voyant Tristan rester immobile pendant que ses hommes partaient les uns après les autres franchir l'entrée. Oh non, il attend que tout le monde soit entré pour faire de même...

Je mis le premier cavalier à terre d'une flèche dans le haut de la cuisse, ce qui m'attira l'attention des deux autres et de Tristan. Le deuxième cavalier prit la flèche en plein dans le ventre mais avant que je n'ai pu ajuster la direction de mon arc pour le troisième, il tira avec son arbalète dans ma direction.

Un cri s'échappa de mes lèvres lorsque le fer de sa flèche lassera mon flanc gauche. Tristan me fixait, complètement paniqué, tandis que j'essayais quand même de viser l'archer. Ma flèche toucha seulement son gant de cuir, sans le déstabiliser plus que cela. Entre temps, il était arrivé à la hauteur de Tristan qui n'hésita pas à le frapper du pommeau de son épée derrière la tête. L'homme s'affaissa sur sa monture qui finit par s'immobiliser d'elle-même.

Soulagée de voir que Tristan ne craignait plus rien, je lâchai mon arme pour porter une main à mon flanc blessé que je récupérai légèrement poisseuse de sang. Retenant mes gémissements de douleur, j'appuyai contre ma plaie pour empêcher le liquide rouge de sortir et commençai à descendre les escaliers de pierre qui me ramèneraient à la cour. J'y eus à peine mis un pied que Tristan se précipita à ma rencontre.

- Elliot ! Tu as été blessé ?

J'acquiesçai tandis que mes forces me quittaient. Tristan me soutint et commença à attraper le bas de ma tunique pour constater l'étendue de ma blessure.

- Non ! Criai-je complètement paniquée en attrapant fermement sa main pour l'empêcher de remonter le tissu.

- Mais tu es blessé Elliot, rétorqua-t-il étonné par ma réaction.

Je m'affaissai un peu plus contre lui, à bout de force.

- Je sais mais pas ici, pas devant eux... le suppliai-je d'une voix faible.

- Je te ramène à ta chambre pour que l'on te soigne, abdiqua Tristan. Est ce que tu peux marcher ?

- Si vous me soutenez, j'y arriverais.

Épaulée par Tristan, nous commençâmes la traversée de la cour en direction de l'accès à l'aile de nos chambres. À quelques pas de la porte, une tornade brune se jeta dans les bras de Tristan, le forçant à me lâcher.

- Vous allez bien ? S'inquiéta Constance de Nemours en observant sous toutes les coutures Tristan tandis que je m'affaissais jusqu'au sol, épuisée.

- Lâchez-moi ! Ordonna Tristan d'une voix forte faisant frémir la femme qui s'était accrochée à son cou.

Attristée, je détournai le regard de cette scène et vis à peine Tristan repousser violemment la fille du Duc.

- Est ce que ça va ? M'interrogea Tristan, penché à mon niveau. Si son état s'est aggravé, je vous en tiendrais personnellement responsable, menaça-t-il Constance de Nemours qui fixait le sol, mal à l'aise.

Il passa ensuite l'un de ses bras sous mes genoux et l'autre dans mon dos pour me porter jusqu'à ma chambre. Il poussa la porte d'un coup d'épaule avant d'aller me déposer sur le matelas froid de mon lit. Mes yeux papillonnaient et ma vue commençait à se troubler. Quand Tristan saisit à nouveau le bas de ma tunique de coton, je posai ma main sur la sienne pour l'interrompre.

- Fermez la porte avant, s'il vous plaît...

Il obtempéra sans me demander mes motivations et se pencha à nouveau vers moi.

- Attendez, soufflai-je en réprimant un gémissement. Ne m'en voulez pas, je n'ai pas eu le choix...

Tristan fronça les sourcils, ne comprenant pas où je voulais en venir.

- Vous comprendrez d'ici quelques secondes, mais promettez-moi de ne pas m'en vouloir, implorai-je en plantant mes yeux dans les siens.

Cela sembla le faire céder et il promit du bout des lèvres, presque à contre cœur.

- Merci, soufflai-je en sentant sa main remonter le tissu de ma tunique avant de m'évanouir.

Héloïse ou Le double jeuWhere stories live. Discover now