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Tristan

J'étais dans la cour en train de sceller mon cheval bien avant le lever du jour. La tension liée à cette première vraie mission nouait mes épaules. Mon père descendit me voir avant que les premiers membres de l'escorte n'arrivèrent. Il me serra dans ses bras sans un mot, oubliant toutes les convenances liées à son rang.

- Prends soin de toi mon fils, après ta mère je ne supporterai pas qu'il t'arrive quelque chose.

- Père, vous n'avez pas à vous en faire, je ne suis plus le jeune adolescent d'il y a trois ans et j'ai pris soin à m'entourer des meilleurs.

- Même lui ? Demanda mon père en regardant derrière moi avec un sourire moqueur.

Je me retournai pour voir Elliot entrer dans la cour, suivi du cheval de Frédéric.

- Détrompez-vous père, ce jeune homme est un as du tir à l'arc, quoique vous puissiez penser à son apparence.

- Tiens, je voudrais bien voir ça, ça pourrait me changer les idées après la visite de cette enflure de Vicomte !

J'appelai Elliot pour qu'il nous rejoignît, ce qui le fit sursauter.

- Mon père ne croit pas à ton talent à manier l'arc, une petite démonstration devrait le convaincre facilement.

- Quelle cible messire ? Demanda Elliot à mon père.

Le Comte lui désigna l'œil d'une statue à l'entrée du château, à environ six toises.

- Vous ne craignez pas que je l'abîme ? Demanda Elliot.

- Si c'est le cas, cela me fera une histoire à raconter à mes invités !

Avec ce dernier accord, Elliot se mit en position de tir, se concentra et lâcha la flèche qui alla se planter exactement où mon père l'avait demandé. Il poussa un sifflement admiratif et tapa sur l'épaule frêle d'Elliot qui manqua de perdre l'équilibre. Il fallait que je réfléchisse à peut-être lui faire prendre du muscle pendant notre périple à travers la France.

- Tu as des mains en or mon petit ! Mes invités n'en croiront pas leurs oreilles quand je leur raconterais ton exploit.

Mon père quitta ensuite la cour pour rentrer au château en s'extasiant sur ce qu'il venait de voir. Je me tournai vers Elliot, il avait l'air un peu mal à l'aise et fixait le sol du regard, la capuche de son pardessus vert rabattue sur son chapeau de feutre marron. Je ne comprenais pas pourquoi le cheval de Frédéric était avec lui alors, intrigué, je lui posai la question puisque l'occasion se présentait.

- Il me le prête pour aller à Paris, je n'en ai pas.

Nous fûmes interrompus par les premiers membres de mon équipe qui arrivaient bruyamment dans la petite cour pavée. Elliot en profita pour s'échapper discrètement. J'avais tout intérêt à me renseigner sur lui avant de rejoindre l'héritier du trône de France parce que pour l'instant ce jeune homme était une véritable énigme.

¤ - ¤ - ¤
Héloïse

Profitant de l'arrivée de mes futurs compagnons de voyage, je fuis la présence intimidante de Tristan, et par la même occasion, ses questions inquiétantes qui pouvaient me percer à jour. Je répondis au salut de quelques hommes en essayant de me fondre dans la masse, ce qui se révéla finalement plus facile que ce que je craignais. Peut-être qu'avoir été élevée avec Frédéric jouait en ma faveur puisque je me sentais presque habituée à une présence masculine. Vivre comme eux ne serait pas bien compliqué, ma mère adoptive n'était jamais parvenue à m'inculquer les attitudes et gestes typiquement féminins, tout ce qu'elle essayait s'effondrait généralement l'heure suivante quand j'allais courir dans les champs avec Frédéric ou tirer à l'arc avec lui. La seule chose où elle avait réussi avec succès, c'était la couture. Je n'avais d'ailleurs pas pu résister à emporter quelques aiguilles et du fil pour ajouter des broderies à la robe que je porterai pour rencontrer mon père.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant