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Héloïse

Nous atteignîmes le château du Duc d'Orléans un peu avant la tombée de la nuit. Tristan s'était montré curieux pendant le trajet et j'avais craint qu'il ne se doutât de quelque chose jusqu'à ce qu'il mit de la distance entre nous, me serrant le cœur. J'avais passé le reste du trajet à observer son dos plusieurs mètres devant moi tandis qu'Edwin me racontait des choses que je n'écoutais que d'une oreille distraite. L'envie de me libérer du joug du Vicomte de Marsan se faisait de plus en plus pressante. À peine la grande arche de pierre à l'entrée de la cour du château franchie, qu'un comité d'accueil se précipita à notre rencontre dans la cour. Un homme, richement vêtu d'habits verts émeraude, se planta devant Tristan tandis que celui-ci faisait un léger signe de tête en signe de respect après être descendu de sa monture.

- Mon seigneur le Duc de Nemours, salua-t-il. Merci de nous accueillir en attendant le retour du Duc d'Orléans.

- Tristan d'Armagnac, c'est un plaisir d'enfin vous rencontrer après avoir entendu tant d'éloges sur vos talents de combattant. Toute une aile du château a été réservée pour vos hommes. Ma fille va vous accompagner jusqu'à votre chambre afin que vous puissiez vous changer pour le banquet de ce soir. Constance, tu sais où tu dois l'amener.

À ces mots, une jeune fille sortit de l'ombre de son père pour s'avancer jusqu'à Tristan avec un sourire charmeur aux lèvres, ses boucles brunes relevées en une savante coiffure. Elle n'était pas plus vieille que moi et vêtue d'une robe d'un rouge sombre dont le corsage étalait sa poitrine qu'elle mit sous le nez de Tristan. J'osai penser que si Tristan lui tendit son bras ce fut dans un élan de courtoisie et non de lubricité. Elle s'y accrocha comme une sangsue à notre peau à proximité de certains ruisseaux. Tristan se tourna vers moi et je crus à tort qu'il cherchait de l'aide.

- Pourriez-vous vous occuper de mon cheval ?

Sans attendre de réponse il tourna les talons et commença la traversée de la cour avec la fille du Duc à son bras. Je restai un instant sidérée avant de me rappeler qu'il était fils de Comte et que, durant ce voyage du moins, je n'étais que son valet. Me voyant immobile, Gauthier attira mon attention, pour que je les suivisse à l'écurie où nous laissâmes nos montures après avoir retiré tout l'équipement qu'elles portaient.

- Tu ne parles pas beaucoup de toi ! Fit remarquer Edwin en me mettant une grande tape dans le dos tandis que nous rentrions au château.

- C'est qu'il n'y a pas grand chose à dire, répondis-je légèrement crispée en baissant la tête pour la dissimuler un peu plus sous ma capuche.

- Mais enfin, on ne sait presque rien de toi. Tu as quel âge pour commencer ?

- Dix-sept ans mais d'ici quelques jours on ne se verra plus alors je ne vois pas vraiment l'intérêt de vous encombrer avec des informations inutiles...

- Tu es plus vieux que ce que je pensais, s'exclama Edwin en commençant à tâter mes joues. On dirait que la nature t'a oublié ! Mais en même temps, tu dois faire tomber les demoiselle avec ce visage juvénile...

Je commençais à me sentir légèrement mal à l'aise mais je n'avais aucune échappatoire. Edwin continua ses questions.

- Tu es déjà marié ? Alors fiancé ? Supposa-t-il en voyant mon signe de dénégation. Ce n'est pas possible, elles doivent te courir après normalement ! Ne t'en fais pas, on s'occupera de ça ce soir, tu ne retourneras pas à ta chambre seul...

Cette fois-ci j'étais définitivement gênée mais Edwin ne s'en aperçut pas et me laissa seule devant la porte en bois de ce qui devait être ma chambre supposai-je. Le mobilier à l'intérieur était rudimentaire : un lit, une chaise en bois et une petite table avec un bac et une cruche d'eau. Je déposai mes maigres affaires de voyage dans un coin et en attendant le début du banquet pour fêter l'arrivée de Tristan, je cousis des motifs sur une bande d'un pied* de large en bas de ma robe.

Héloïse ou Le double jeuWhere stories live. Discover now