Chapitre 6. Montagnes Russes

49 8 120
                                    

Chapitre 6. Montagnes Russes

Hélène

Les dernières minutes ne m'apparaissent pas clairement. La mare orangée flottant dans quelques litres d'eau potables me rappellent les grandes lignes. En y repensant, ma bouche est forcée de s'ouvrir à son potentiel maximum tandis qu'un geyser jaunâtre sort à toute vitesse de mon œsophage. Une fois les derniers morceaux évacués, un filet de bave coule sur ma lèvre inférieure. L'infirmière dans mon dos me tend une feuille d'essuie-tout.

Eythan est assis à ma droite. Sa jambe gauche en contact avec le carellage, son poignet droit posé sur son genou surélevé. Il dépose sa main gauche sur la mienne. Il caresse ma main la plus sale. Comme pour dire qu'il accepte les souillures pour moi.

Ou alors, il caresse la main la plus proche de lui. Seul de rares psychopathes telles que moi interprètent de si petits détails. J'ai hâte de voir comment sera un Eythan sentimental. J'espère que je serais la seule à connaître cette version de lui. Il va m'entendre sinon ! ... Le jour où j'aurais le courage de lui parler de la place qu'il tient dans mon cœur. C'est-à-dire, jamais.

Mon petit doigt me chuchote de ne pas non plus compter sur lui pour nous rapprocher. Il n'a pas l'air de vouloir provoquer des cadres romantiques. Il n'a pas l'air de me vouloir tout court. Il n'a même pas l'air de vouloir que notre relation dépasse la prise d'otage ! Je devrais peut-être lui envoyer des signaux plus clairs pour savoir ce qu'il en est vraiment. Quoi qu'il en soit, ses caresses m'aident à retrouver mon calme. Ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle.

Je peux voir avec lucidité toute l'étendue de ma faiblesse. Son immensité me dégoute. J'aimerais ne plus faire qu'un avec moi-même. J'aimerais ne plus être moi.

« Je suis si faible... Je vomis pour des blessures graves alors que tu as vu tant de cadavres...

S'en plaindre ne résoudra pas le problème. Je dois me reprendre en main !

– Il était aussi au collège ce matin ?

La question de l'infirmière m'arrache un sourire ironique. Cela me semble si évident ! Je n'aurais pas survécu deux minutes sans la perfection de son calme et de son sens de l'observation. Mais Monsieur m'a dit de ne rien dévoiler à propos de ce matin alors...

– Croyez-moi ou non, mais notre journée a été plus intense que celle de n'importe quel otage.

– C'est-à-dire ?

– Avec tout le respect que je vous dois, ce n'est pas le moment de parler de ça.

J'adore quand Eythan se préoccupe de moi. J'ai l'impression de compter à ses yeux. Qu'il ne pourrait se passer de moi... Quel rêve magnifique.

– Pardon. »

Enfin un adulte qui se rend compte de la pression qu'il peut me mettre. Laissez-moi mourir en paix bordel ! Est-ce que j'aggrave mon état pour m'imaginer soignée par mon compagnon ? Évidemment. La seule imagination du Prince Eythan s'apprêtant à réveiller Hélène la belle au bois dormant m'arrache un petit sourire pervers.

« Hélène... Tu as vu une amie en grand danger alors que je n'ai fait qu'éliminer une menace.

– Avant de venir me soigner, tu as caché tous les corps pour que je ne les vois pas. Je ne veux pas que tu sois avec moi pour me protéger. Je n'en ai pas besoin !

Je me fais horreur à être si faible ; tellement faible que je ne peux repousser sa protection sans me mentir à moi-même. Je serais morte sans lui. Je ne peux le nier. Mais... Mais merde, je refuse qu'il soit mon garde du corps ! Je ne veux pas avoir ce type de relation avec lui.

AscensionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant