Chapitre 12. Ambiance Merdique

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Chapitre 12. Ambiance Merdique

Eythan

« Passe le tournevis !

Merde je l'ai mis où ? Pas là... Pas là non plus...

– Mais idiote ! C'est toi qui l'as ! »

Une flaque commence à se former dans son dos. Ses tremblements l'empêchent de viser. Son cœur crie à l'aide même s'il sait parfaitement que personne ne viendra nous sauver.

C'est son plan à elle et elle seule. Elle ne m'en a pas parlé une seule seconde avant de le mettre en place. Pourtant, ce n'est que maintenant qu'elle prend conscience du danger.

On aurait pu descendre à la première sortie et se réfugier dans un coin reculé et facile à défendre. Au lieu de jouer la sécurité, Madame a choisi de nous envoyer nous promener sur un champ de mines. N'importe quel erreur peut nous sauter à la figure d'une minute à l'autre.

N'importe quel esprit sensé aurait quitté le navire à la première hésitation. Aucun esprit satisfait par sa vie ne se serait lancé dans une telle mission suicidaire. Je ne sais pas si Hélène a de la chance de m'avoir ou si c'est l'inverse.

« Tout le monde descend ! »

Elle ne le répétera pas. Je l'entends s'exploser le cul sur du carrelage. Je la vois ramper sur quelques mètres, juste assez pour que je puisse sauter sans détruire sa colonne vertébrale. Quelle délicate attention. Je glisse mes jambes dans l'encadrement et saute d'un coup sec. Mes pieds encaissent le gros du choc.

À première vue, je dirais que notre cachette se résume aux toilettes pour mecs. À la deuxième aussi d'ailleurs. Mes visions me trompent rarement. J'ai beau tendre l'oreille, aucun bruit de pas ne vient troubler ma chute d'adrénaline. Logiquement, tous les otages sont enfermés dans des salles de cours. Les plus proches se trouvent à l'autre bout du rez-de-chaussée.

Les drogués responsables de l'architecture de ce bâtiment ont conçu deux toilettes pour garçons identiques. Un au premier étage et un au rez-de-chaussée. Afficher ma tête en dehors de notre planque temporaire ne m'attire pas énormément. Je dois nous localiser sans prendre de risques. Depuis la nuit des temps, la salle de musique ambiance le premier étage. Et puisqu'on a descendu un véritable gouffre sur le chemin, on est sûrement au niveau du sol.

« Personne à l'horizon. »

Le temps que je finisse ma phrase, Hélène a fui l'entrée pour se coller aux urinoirs. Je comprends. Le Glock AA étant en ma possession, mieux vaut que ce soit moi qui surveille le hall. Personne ne risque de se prendre une balle perdue si les armes se retrouvent en tête à tête.

Je m'appuie contre un mur en tournant le dos à ma camarade. En guise de précaution, je sors mon pistolet de mon sweat. Puis les secondes passent. Je réalise que mon troisième plus grand atout ne contient que quatre munitions. Je décide de ne pas corriger cette erreur.

Je crois que je me lasse de la dimension que prennent les événements. Mon taux d'adrénaline est retombé à zéro. Tuer, avoir peur pour sa vie, se cacher puis tuer à nouveau et ainsi de suite. Cette boucle infernale devient trop prévisible. Et ce qui est prévisible n'est pas amusant. Plus j'efface mon ennui, plus vite il reprend ses marques. Le naturel revient toujours au galop paraît-il.

Cette habitude sera toujours là. Qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente. Je devrais m'enfuir dès maintenant. Les otages peuvent aussi bien crever que ma vie ne bougerait pas d'un iota. Et puis je ne pense pas que quoi que ce soit ici puisse m'amuser à nouveau dans les prochaines heures.

Pssssss.

D'un geste brusque, je me tourne vers l'origine du bruit. Je m'en détourne aussitôt. Pauvre Hélène. Il n'y a que des urinoirs ici. Les caisses de la France ont d'autres projets à financer. Des projets bien plus intéressants que des toilettes correctes pour un énième collège. L'argent des impôts préfère être investi dans les poches de juges ou de prostituées. L'honneur d'Hélène baigne au fond de leurs priorités.

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