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« Ah non, Anthia viens avec moi ou sinon je ne joue pas, proteste Meredith.

- Mais vous allez gagner directement si vous êtes ensemble, c'est nul ! râle Dylan en retour.

- Justement, c'est ça qui est drôle. »

La jeune femme blonde sourit diaboliquement et son interlocuteur lui tire la langue comme un bambin. Il est tard. La nuit a déposé son manteau noir d'encre autour de nous, mais nous ne nous sommes pas laissés impressionnés.

Entassés autour de notre feu de camp qui danse sur la plage, nous nous disputons bruyamment pour savoir quels seront les binômes pour le jeu qu'Anthia nous a proposé. Enfin, surtout Meredith et Dylan, qui veulent chacun être dans l'équipe de ma tante.

Hélio, Moran et Envel regardent la scène d'un œil dubitatif. Mériadec et Nérée ne sont pas là. Ils ne souhaitaient pas se joindre à nous, l'un à cause de son âge « trop avancé » et l'autre parce que son obstination l'empêche de nous considérer comme plus que de simples camarades d'infortune, et donc de ressentir l'envie de passer du temps avec nous. Moran non plus ne voulait pas venir d'ailleurs, mais il nous manquait un joueur et nos supplications ont fini par avoir raison de lui.

« Je la connais depuis plus longtemps !

- Elle me préfère à toi !

- Qu'est-ce que tu en sais ? Tu lui as déjà demandé peut-être ?

- Non, mais je sais qu'elle confirmera ce que je viens de te dire si tu lui pose la question ! »

A ce rythme-là, on en a pour la nuit. Je soupire, puis me penche vers la sœur de mon père et lui chuchote à l'oreille :

« Ça te dit de te mettre avec moi, comme ça plus besoin de les départager.

- Bonne idée. Meredith ! Dylan ! Plus la peine de vous disputer : je vais faire équipe avec Mila.

Les deux autres se tournent vers elle d'un même mouvement et la fusillent du regard.

- Et on fait comment nous maintenant ?

- Eh bien vous n'avez qu'à vous mettre ensemble.

- Pas question que je fasse équipe avec cet attardé !

- Et moi pas avec cette pimbêche prétentieuse !

- Dans ce cas, trouvez-vous un autre partenaire. Tiens, Meredith, met-toi avec Moran et Dylan ira avec Hélio. »

Dylan ouvre la bouche pour protester mais Anthia lui fait comprendre d'un regard que ça suffit les enfantillages. Enfin, nous pouvons commencer à jouer. Les règles sont très simples : l'un des membres du binôme doit mimer quelque chose, n'importe quoi, que lui auront indiqué les autres duos et tâcher de le faire deviner à son partenaire.

Si ce dernier trouve en moins d'une minute, son équipe remporte un point. Comme elle doit montrer l'exemple, ma tante passe en première. Meredith lui souffle ses indications dans l'oreille et l'autre fait une tête bizarre. Ça ne me dit rien qui vaille...

Anthia s'allonge par terre puis reste comme ça sans bouger. De temps à autres, elle fait légèrement onduler son corps. Je ne vois vraiment pas ce qu'elle est censée représenter ; les possibilités sont tellement nombreuses. En plus, le décompte de mes amis n'arrange rien. Trente-quatre. Trente-trois. Je n'ai toujours aucune idée. Vingt-sept. Vingt-six. Il va falloir que je me résigne à donner des réponses au hasard. Dix-neuf. Dix-huit. Soudain, le déclic se fait dans ma tête et je m'écris :

« Je sais ! Un dauphin échoué sur la plage.

Anthia, Meredith, Dylan et Hélio éclatent de rire. J'ai dit quelque chose de drôle ?

- Tu n'y es pas du tout ! me dit ma tante en se redressant. C'était une Feather.

- Quoi ? Mais c'est impossible à mimer, ça !

- Je sais, je viens d'en faire l'expérience. »

Pour se venger de Meredith, Anthia l'oblige à imiter un grain de sable. La motivation assez peu conséquente de Moran n'aidant pas, ils n'obtiennent pas de point non plus. Vient ensuite le tour d'Hélio, qui devient un court instant une mouette, puis c'est de nouveau à mon équipe.

Dylan se penche vers moi et me chuchote ce que je vais devoir jouer. J'ouvre de grands yeux et mes joues s'empourprent. Non, je ne peux pas. Pourtant, si je refuse de le faire, les autres vont me traiter de froussarde et de tricheuse. Je ne sais pas quoi faire. Finalement, je me force à sourire puis me lève et, prétextant une envie pressante, je m'éclipse dans le sous-bois.

Une fois suffisamment loin du campement, je m'adosse à un arbre et ferme les yeux. Mais qu'est-ce qui lui est passé par la tête, à lui ? Pendant que mon petit cœur affolé tente désespérément de reprendre un rythme normal, je me laisse lentement glisser le long de mon tronc jusqu'à ce que les fesses touchent le sol. Quelques secondes plus tard, j'entends une voix crier :

« Mila ! Mila, où es-tu ? »

Je rouvre les paupières. Les buissons en face de moi s'écartent et Dylan apparait.

« Pourquoi t'es-tu enfuis comme ça ? me reproche-t-il avec douceur. Je m'en suis pris plein les plumes à cause de toi. Ils m'ont tous reproché de t'avoir fait peur. J'ai essayé de leur dire que je n'y étais pour rien mais ils ont refusé de m'écouter. Surtout que je n'ai pas voulu leur révéler ce que je t'avais dit pour te mettre dans cet état. Mais je ne pensais pas que cela te troublerait à ce point.

Il vient s'asseoir à côté de moi et m'ébouriffe gentiment les cheveux. Je baisse les yeux tout en tâchant de dissimuler mes pommettes encore roses.

- Ça ne m'a pas « troublée », mais je ne pouvais pas le faire. C'est tout simplement impossible. Je ne peux pas t'imiter, toi.

- Ah bon ? Et pourquoi cela ?

- Parce que tu es trop imprévisible. On ne s'attend jamais à ce que tu vas faire. Tu peux être très sérieux à un moment, puis complètement dégenté l'instant d'après. Tu... Je... »

Au secours, je commence à bafouiller ! Heureusement, mon camarade ne semble se rendre compte de rien. Il me sourit d'un air entendu puis passe un bras autour de mes épaules. Je trésaille, mais ne fais rien pour le repousser. Prenant cela pour une invitation,

Dylan commence à jouer négligemment avec mes cheveux. J'ai chaud. Très chaud. Je sens que mon ami se rapproche lentement de moi. Je ne sais pas quoi faire.

Je ne suis pas totalement sûre de vouloir allez aussi loin avec lui, mais en cet instant, c'est comme si mon corps n'était plus le mien. Même si je le voulais, il me serait impossible de faire quoi que ce soit pour me dégager de son étreinte. Ni pour la lui rendre, d'ailleurs.

La main de Dylan qui n'est pas déjà autour de mon cou vient se poser sur ma joue et il la caresse avec délicatesse. Ce geste est comme un déclic dans ma tête et soudain, toutes mes réticences volent en éclat et je me jette dans ses bras. Il me serre contre lui sans rien dire. La tête dans son cou, je respire à plein poumons son odeur mêlée à celle du sous-bois.

Soudain, je sens ses lèvres se poser sur ma peau, juste au coin de ma bouche. Je sursaute et m'écarte de lui, peut-être un peu trop brusquement. Aussitôt, je m'en veux d'avoir gâché un tel instant. Puis mon regard croise le sien et je comprends que tout n'est encore pas perdu.

Et c'est là que Dylan m'embrasse. Son baiser est à la fois doux et sauvage. Je le lui rends et le savoure jusqu'à ce qu'il prenne fin - bien trop vite à mon goût.

Pendant que nous peinons à reprendre notre souffle, j'observe Dylan à la dérobée. Ses cheveux en bataille, son regard profond, les ombres que le crépuscule fait apparaitre sur son visage pâle... C'était mon premier baiser. Et je suis heureuse que ce soit avec lui qu'il ait eu lieu. 

.・✭ Les Oubliés de l'OcéanTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon