.・✭ Les Oubliés de l'Océan

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Nous sommes arrivés sur notre île depuis maintenant exactement six jours. Nous n'avons pas encore trouvé de fonctionnement bien fixe et je dois avouer que la routine que nous avions instauré sur notre Feather, à Hélio, Moran et moi, me manque quelque peu.

Là-bas, nous nous connaissions si bien que nous n'avions même pas besoin de parler pour pouvoir communiquer alors qu'ici, je me trouve en compagnie de gens que je connais à peine et dont je n'ai pas encore décrété si je les aimais ou non.

C'est pour cette raison d'ailleurs que je me suis isolée cet après-midi. J'avais besoin d'être seule pour pouvoir réfléchir tranquillement sans avoir Meredith ou Nérée dans les pattes. Je me suis rendue sur une petite avancée de sable dont le bout est en partie caché par trois grosses pierres.

Assise dans leur ombre, je regarde l'horizon en songeant à tout ce qui pourrait être en train de m'arriver si notre expédition s'était passée comme prévu. J'aurais retrouvé mes parents. Les apercevant de loin, j'aurais couru à leur rencontre et eux, n'imaginant pas me revoir un jour, seraient restés sans bouger pendant que je les aurais pris dans mes bras en leur soufflant qu'ils m'avaient manqué.

Finalement, ils m'auraient rendu mon étreinte et pleurant et joie et en me disant à quel point ils m'aimaient. Ensuite, les Oubliés auraient réglé pacifiquement leurs comptes avec Venceslas, puis tout serait rentré dans l'ordre, et nous aurions tous vécu heureux jusqu'à la fin de nos jours.

Bon d'accord, peut-être que j'idéalise un peu. Dans tous les cas, cela aurait forcément été mieux que de se retrouver coincés ici.

Un léger vent se lève, mais malgré son sifflement, j'arrive à entendre une sorte d'infime froissement. Instinctivement, je sais de quoi il s'agit sans avoir besoin de me retourner. Mais je ne veux pas. Je n'ai pas envie de la revoir. Pas encore. Plus maintenant.

Je sais que cela peut paraitre étrange, mais j'ai fini par faire mon deuil, du moins en partie, et je sais que ses apparitions subites et imprévisibles qui me laissent chaque fois dans l'incertitude ne vont pas m'aider à me remettre totalement de sa disparition.

Pourtant, en sentant son regard brûlant dans mon dos, ma curiosité finit par l'emporter et je me retourne tout de même vers elle. Elle n'a pas changé depuis la dernière fois. Toujours le même sourire triste, la même robe que lors de sa mort, le même teint translucide... D'un autre côté, quelque chose semble changé.

En inspectant son visage, je remarque l'infime pli entre ses sourcils qui trahit chez elle une certaine inquiétude. Cela n'est pas pour me rassurer mais je décide de faire comme si de rien était et tends une main vers elle.

« Célia...

Elle s'avance vers moi en s'assoit dans le sable comme elle aurait pu le faire de son vivant. Elle reproduit à la perfection les petits gestes et tiques de ma sœur. C'en est presque inquiétant, mais après tout, quoi de plus normal puisqu'elle est ma sœur.

- Ça faisait longtemps... Pourquoi n'es-tu pas venue me voir plus tôt ?

Elle me fait comprendre qu'elle ne pouvait pas.

- Qu'est-ce qui t'en empêchait ?

Elle me montre ses lèvres celées. Elle ne peut pas me répondre par des phrases, seulement signer. Il va falloir que je change la formulation de mes questions.

- Quelque chose t'en empêchait ?

Elle m'apprend que oui. Je n'insiste pas plus, comprenant que ce serait vain, car même si Célia était en mesure de me répondre, je doute fort qu'elle accepterait de me raconter ce qui se passe dans l'au-delà.