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Mais où suis-je ? Comment se fait-il que je sente le vent dans mes cheveux ? Je suis sensée être morte dans cette mer même qui m'a vu naître ! Je sens comme un souffle doux effleurer ma joue. Je sursaute involontairement. 

Une espèce de grondement retentit. Plusieurs secondes s'écoulent avant que l'information n'atteigne mon cerveau. 

J'ouvre brusquement les yeux et me retrouve nez à nez avec un... ours ? Je fixe le visage sans comprendre. Heureusement, ce n'est qu'un homme doté d'une épaisse barbe broussailleuse. Impressionnant, mais pas surnaturel. Quoi que... comment se fait-il que je ne sois pas mouillée alors que je me trouve au beau milieu de l'océan ? 

Je tente de me redresser pour comprendre mais mes muscles endoloris m'en empêchent. Je me contente donc de suivre des yeux l'inconnu qui s'active autour de moi. Quelqu'un gémit quelques mètres plus loin. 

Je plisse le nez et ferme les yeux. Mon cerveau embué n'arrive pas à traiter les informations et je préfère économiser mon énergie. Sans même m'en rendre compte, je retombe progressivement dans le sommeil.

»»——⍟——««

Lorsque je me réveille, je suis allongée sur un lit. On m'a déplacée pendant que je dormais, ce qui n'est guère rassurant. Quelque chose bouge près de moi. Je tourne la tête et découvre un garçon d'environ mon âge, assis, les bras repliés autour des genoux. 

Mon cou me fait mal et je lâche un grognement. Le garçon tourne la tête et je reconnais : c'est Hélio, celui qui espionnait les filles à la fête du village. Ces cheveux roux sont collés sur son crâne, lui donnant un air un peu misérable. Des taches de rousseur parsèment son visage ici et là mais ses yeux verts restent éteints.

« Tu es réveillée ? » me demande-t-il enfin d'une voix rauque.

J'aimerais lui répondre mais j'en suis incapable. Compatissant, il se rapproche de moi, soulève doucement ma tête et la pose sur ses genoux. Ensuite, il me masse les épaules et le cou en appuyant fort avec ses pousses. Mes muscles se crispent puis se détendent, m'arrachant un discret soupir de satisfaction. Après un moment, je parviens enfin à articuler péniblement :

« Pourquoi tu fais ça ?

Il hausse les épaules et répond :

- Je ne sais pas, c'est ce que lui a fait.

- Qui ça « lui » ?

- Le gars qui nous a recueillis. »

Après ça, Hélio se renferme comme une huître dans une bulle de solitude et je comprends que je n'en tirerais rien de plus.

»»——⍟——««

Pendant près de quatre jours, nous restons là, cloitrés dans cette minuscule cabane de bois sans nouvelles du monde extérieur. De temps à autres, une main anonyme glisse sous la porte un bol de ragoût ou une assiette de poisson à peine cuit. 

Cela n'est peut-être pas de la grande gastronomie mais ça a au moins le mérite de me redonner assez de force pour pouvoir faire quelques pas dans l'espace restreint de la pièce. 

Hélio, pour sa part, passe presque tout son temps recroquevillé dans un coin sans mot dire. Chaque fois qu'un repas est servi, il attend que j'aie mangé ce que je voulais avant de daigner poser le regard sur l'écuelle. Je ne sais pas s'il le fait par pitié, gentillesse, ou simplement parce qu'il ne trouve plus d'intérêt à la vie. A vrai dire, ça m'est égal. 

Il n'y a qu'un seul lit dans la pièce et nous sommes obligés de nous le partager. Hélio m'a proposé de dormir sur le tapis mais j'ai refusé si énergiquement que j'ai cru qu'il allait se mettre à pleurer. Heureusement, il ne ronfle pas et ne bouge pas dans son sommeil. On ne peut pas en dire autant pour moi. Enfin bon, cela n'a pas l'air de déranger mon compagnon d'infortune. 

.・✭ Les Oubliés de l'OcéanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant