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J'ai du m'enfermer dans une cabine, aux toilettes, pour qu'aucun des gars présents aux urinoirs ne me pose trop de questions. Le sang avait arrêté de couler, il n'avait été aussi abondant que parce que j'avais toucher une veine. Mais rien d'inquiétant. J'avais déjà vécu pire.

Je déchirais donc un bout de tissu et le passais sous l'eau du robinet à côté de moi. J'avais une tonne de vieux vêtements déchirés au fond de mon sac, au cas ou une de mes plaies ne se rouvrait pendant la journée. J'avais vécu ça un jour, c'était en plein milieu de mon dos, et on m'avait regardé avec tellement d'insistance durant toutes la journées que j'avais pris l'habitude de faire un stock de bandages depuis.

Mon bras était nettoyé, je devais maintenant retourner en cours. S'il apprenait que j'en avais manqué, j'allais passer un sale quart d'heure. Pourtant, alors que je n'avais que poser ma main sur la poignée, une force invisible m'empêcha d'avancer. Comme si mon corps savait que, dehors, je n'étais pas en sécurité. Comme si cette cabine était le seul endroit ou il ne me trouverait pas.

Je me revis soudain, à sept ans, courir dans ma cours d'école quand une dame, un peu forte et avec une barbe naissante, m'avait demandé de la suivre. Elle m'a alors dit que mes parents avaient eu un accident de voiture.

"Ils sont à l'hôtital ?

- Non mon grand.

- A la maison ?

- Non. Adam, ton papa et ta maman sont partis. Tu ne pourras jamais les revoir.

- Comme papi ?

- Comme papi."

Papi. Je l'avais perdu un an plus tôt. Mes parents aussi m'ont dit qu'il était parti, que je ne le reverrais plus. Mais j'avais pendant longtemps eu l'espoir que, comme chaque mercredis, maman me dépose chez lui. Là, j'ai compris ce qu'était la mort. Donc, si mes parents étaient comme papi... J'avais commencé à pleurer, a hurler et à taper du pied. Je l'avais même frappée.

L'air commençait à me manquer, et la panique gagnait du terrain en moi. Je voyais de plus en plus flou, et les larmes coulaient a flots. J'eus un soubresaut, puis deux, puis trois. Au quatrième, le contenu de mon estomac faisait le chemin inverse jusque dans les toilettes. Je toussais, crachais, essuyais du revers de la main le coin de ma bouche. L'air revint peu à peu jusque dans mes poumons, aidant mon coeur à se calmer. Je me laissais glisser le long du mur, prenant ma tête entre mes mains.

"Est-ce que cet enfer s'arrêtera un jour ?"

C'était la grande question. Et la seule réponse que je pouvais donner, c'était "bientôt, s'il continue ses tortures"...

Une belle journée pour mourirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant