Chapitre III : Déclin - Dernière Partie

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  L'effort à fournir pour franchir la porte sans rétracter son engagement fut colossal. Le Méridien quitta la chambre du Médiateur, traversa la sienne et se dirigea vers un pan de mur d'où, plus tôt dans la nuit, avait surgit Benedo le serviteur. Aarius ignora les râles d'agonie d'Orcéus et chercha à tâtons l'emplacement du levier qu'il connaissait pourtant parfaitement. Le mur glissa pour laisser entrevoir un couloir secret dont le jeune homme surmonta l'obstacle que représentait le seuil. Aussitôt, le mur reprit position, coupant court aux plaintes du Médiateur et accessoirement à toute forme de lumière.

Aarius prit une forte inspiration le temps d'accommoder son regard. Si le son de la pièce voisine ne lui parvenait plus, la voix d'Orcéus, elle, ne désemparait pas de sa tête et lui tint compagnie durant son périple dans les boyaux poussiéreux du palais, se transformant tour à tour en confidences, suppliques, accusations.

Il était encore possible de faire demi-tour.

Afin de rompre ma dernière promesse à Orcéus ? Que la mort m'emporte avant.

Hagron aura besoin d'informations. Le laisser derrière serait le condamner à une mort plus que probable.

Le Médiateur lui parlera j'en suis certain.

Certain à quel point ?

Le doute et l'émotion s'associèrent dans un assaut de vertiges qui frappa Aarius là où la fatigue commençait déjà à l'affaiblir. Toutefois, marquer le moindre arrêt résulterait sans aucun doute à un volte-face de sa part. Le jeune homme opta plutôt pour s'imposer du silence dans ses réflexions. Une, deux, puis trois bifurcations, un escalier suivi d'une intersection le menèrent à un autre couloir qui longeait le sous-sol des cuisines.

La lumière s'y fit précaire, reste plus opportun que néant. À vrai dire cela importait peu, Aarius connaissait les passages secrets du palais jusqu'au nombre de leurs marches. Il sillonna aisément le conduit au-dessus duquel le personnel du palais égayait les cuisines de leurs ragots et autres paillardises, ignorant ce qu'il s'était produit dans les quartiers du Médiateur quelques instants auparavant. Leur préoccupation actuelle se résumait à savoir qui de dame Khenali ou dame Madregor allait obtenir les faveurs du roi Drakhonik, ou encore à propager que sire Nor ne tenait pas aussi bien l'alcool qu'il voulait le laisser entendre. Aarius en vint presque à jalouser leur inconscience.

En passant sous les fourneaux, l'odeur du pain tout juste cuit aviva en lui une faim inconsciente. Cadet de ses soucis.

Le passage déboucha sur un escalier, qui lui-même aboutissait à une porte dont le bois s'irisait de lueurs diaphanes. Elle faisait issue sur une courtine où se nichait la porcherie et les poulaillers. Aarius monta les marches, ouvrit la porte et renouvela, soulagé, ses poumons avec de l'air extérieur. Avant de vomir.

Une bile ardente qu'il régurgita les larmes aux yeux, la gorge brûlante. À chaque inspiration, une vision du cadavre d'Orcéus l'assaillait et crispait douloureusement son abdomen. Son cœur s'emballa, ses jambes tremblèrent sous son poids, dépouillée de leur force. L'espace d'un instant il crut cracher son âme. Le jeune homme ne sut comment, mais il puisa en lui la détermination nécessaire pour ne pas s'effondrer. Il s'essuya la bouche et reprit sa respiration. Ainsi que sa fuite.

La courtine était un carré d'herbe qui n'intéressait personne sinon les marmitons et les Méridiens. En effet, elle était le point intermédiaire qui permettait de quitter le palais pour rejoindre les tunnels de la Citadelle, l'entrée se trouvant dans un petit cabanon à l'air désolé, curieux contraste avec l'entretien impeccable dont bénéficiait le reste de la résidence Médiatoriale.

Aarius pénétra dans la cahute, tapota le sol du pied jusqu'à trouver l'endroit qui sonnait creux et souleva la planche qui se trouvait là. La suite consistait simplement à s'engouffrer dans les tunnels et marcher.

L'effondrement des Piliers Tome 1: Le Déclin d'un AstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant