L'effondrement des Piliers Tome 1: Le Déclin d'un Astre

Chapitre VI : Impartial - Première partie

    "Messire Méridien, nous vous sommons de vous rendre !"

Un déluge s'abattait sur le marbre du parvis. Ce qui avait été un modeste crachin en début de journée prenait désormais une tournure torrentielle. Une tordante analogie assimilable à la situation de Hagron ! Son estramaçon fermement logé dans ses poings, le jeune homme balaya la scène des yeux. Nul endroit où il ne posait le regard n'était pas investi par la garde venue l'intercepter. En arrière-plan, les riverains spectateurs de ce désordre ne se mouvaient point, suspendu dans l'appréhension insoutenable d'un dénouement tragique

Hagron franchit la dernière marche de l'entrée du tribunal et avança de deux pas. L'ensemble des soldats recula du même nombre. Le Méridien tourna sur lui-même, analysa la situation. Plus d'une cinquantaine de gardes avait envahie les lieux. Perchés sur les toits alentours, deux douzaines supplémentaires ciblaient ce qu'ils définissaient désormais comme une menace avec arcs et arbalètes. Bloquant la moindre échappatoire, dix capelines funèbres fermaient le guet-apens perchés sur leur cheval. La porte du tribunal s'ouvrit à grand fracas derrière le jeune homme et déploya alors un nouveau lot de renfort. Hagron ferma les yeux, s'abandonnant dans l'écoute de son propre souffle.

Était-ce la fin ?

Tout avait commencé quelques instants après que le soigneur, de son air désolé, n'ait déclaré Orcéus Siri de Belius mort. Le grand Secreus Noxaas, préservateur de Vie, n'était plus. Hagron s'était effondré au chevet du Médiateur, la dignité pour seul rempart à la frontière de l'affliction.

Autour de lui, une poignée de gardes, le couvre-chef retiré et la main sur le cœur en gage de respect dans cette chambre paraissant désormais beaucoup trop grande. Une équipe à la charge du médecin débarqua dans les interminables minutes d'un silence couvert de désolation qui suivirent. Ils couvrirent le corps d'un linceul et l'embarquèrent en salle d'autopsie. La main de son régent dans la sienne, Hagron s'apprêtait à faire escorte au cortège lorsque fit irruption Bomen Wag, capitaine des capelines funèbres, coiffé de son casque intégral noir. Seuls les ornements et la pointe dorée qui surmontait son crâne, caractéristiques de son statut, permettaient de l'identifier. Car, à l'instar de toutes les capelines funèbres, son visage n'était pas visible. Bomen effectua une révérence, pointa sa paume droite de son index gauche à l'encontre de Hagron, lui aussi caché derrière son masque d'ours. "Où est votre partenaire ?" interrogea le capitaine d'un ton grave. La question eut l'effet d'un déclic. Où était Aarius ? Hagron tourna la tête à plusieurs reprises, plus par réflexe que pour réellement chercher son camarade. "Je...je ne sais pas, bafouilla le Méridien, il m'a dépêché pour retrouver l'assassin, peut-être a-t-il lui-même trouvé une piste ou...

—Un assassin ? Vous voulez dire qu'on a attenté à la vie du Médiateur ? "

Décontenancé, Hagron hocha la tête. "N'est-ce pas la raison de votre présence ?

—Non messire Méridien, ce n'est pas la raison de ma présence. Qu'attendiez-vous pour donner l'alerte ? Vous êtes pourtant au fait de la procédure !"

Fulminant, Bomen pivota vers les subalternes qui l'accompagnaient. Sa voix hurla dans un raisonnement guttural à travers son casque : " Que l'on fasse sonner le cor, les cloches ! Que les portes de la ville soient fermées sans délais ! Un meurtrier se terre dans la Citadelle, je ferais écarteler moi-même le premier ginseo à foutre le pied dehors avant qu'on ait mis la main sur ce malfaiteur ! Par les neufs messire Méridien pourquoi n'avez-vous pas ordonné cela vous-même ?"

Hagron ne répliqua point. Pour dire vrai, il ne savait guère quoi répondre, il n'avait tout bonnement aucune excuse. Les évènements s'étaient déroulés si vite que son cerveau n'eut aucun temps pour assimiler l'ensemble des informations qui déferlèrent cette nuit-là. Une désagréable sensation de rêve éveillé. Autour les regards étaient rivés sur le jeune homme. Des regards, Hagron le savait, accusateurs.