Chapitre VI : Impartial - Dernière Partie

331 27 45
                                    



Assis derrière leur pupitre en arc de cercle, les juges de la Citadelle affublés de leur robe respectivement rouge, blanche et verte, patientaient implacablement. Toute attention se figea sur le Méridien lors de son introduction, y compris celle de l'assemblée particulièrement populeuse, des magistrats, du scribe et...du conseil ? La présence de ce dernier déconcerta Hagron.

Les capelines funèbres en parenthèses, le jeune homme avança avec sang-froid. Il traversa l'allée fendant les bancs de l'assemblée sous un silence mortifère. Accablé par les regards inquisiteurs, la voix d'Orcéus vibra dans son crâne, désormais plus à même de réfléchir : La dignité demeure seule arme profitable quand l'on combat la fatalité. Le Méridien garda la tête haute.

Il reconnut des visages importants parmi la foule ; des ministres, dignitaires, ambassadeurs, burgraves, chefs militaires, représentants royaux et ducaux. Nombres d'entre eux ne résidaient ni à la Citadelle, ni à la Lisière. S'étaient-ils tous déplacés pour ce procès ? Certainement. Le Médiateur avait été assassiné, et l'un des suspects, nul autre que son Méridien, se trainait juste devant eux dans des bottes trop larges. Il serait impensable de manquer un évènement si historique.

La cour des condamnations militaires était une salle circulaire au centre de laquelle trônait un piédestal. Sachant la vanité de feindre l'incompréhension, Hagron s'y hissa, le claquement de ses chaines accaparant l'ambiance sonore. Il arqua ensuite le cou pour fixer ses convocateurs le surplombant.

Gracieusement nommés Impartiaux, les juges de la Citadelle se regroupaient en triade dans chaque commission, elles même au nombre de trois : criminelle, économique et militaire. Les Impartiaux étaient complétés par deux magistrats – l'un chargé d'établir les preuves visant à incriminer l'accusé, l'autre, au contraire, celles permettant de l'acquitter – un scribe ; parfois accompagné d'un illustrateur comme présentement ; et de neuf citoyens sans lien avec l'affaire, réquisitionnés pour apporter un point de vue objectif à l'audience.

Justement ! S'inquiéta Hagron en observant les membres du conseil jouant ce rôle pour son procès. Ils sont impliqués indirectement, pourquoi eux ? Une myriade de conjectures virevolta dans son esprit. Et une majorité donnèrent lieu à la même conclusion.

Machinations.

Le juge à la robe blanche leva un maillet, le frappa contre un socle de bois. "Qu'en ces lieux démarre l'instance, récita-t-il dans l'ancienne langue commune, l'impartialité pour seule guidée."

Le scribe, un humain aux yeux bridés, se leva et criailla son texte : "Comparais aujourd'hui pour suspicion de lèse-majesté passive, voire active, ayant mené à la mort du feu Médiateur Orcéus Siri de Belius, le Saxeeg, également appelé Méridien, de ce dernier "

Sorti d'on sait d'où, la femme capeline arracha le masque de Hagron. S'il eut été encore une sensation de rêve, elle éclata définitivement comme une bulle. "Que faites-vous ?" S'indigna le jeune homme en couvrant son visage à la manière d'une créature hostile à la lumière. Les deux autres capelines funèbres responsables de son escorte l'obligèrent à ôter ses mains, et le monde sembla s'effondrer sur les épaules du Méridien. Désemparé, il balaya d'un coup d'œil la cour à la recherche d'un endroit où fuir. Des gardes obstruaient fermement les issues. Les fenêtres ? Trop haute, trop d'obstacles. Hagron sentait les regards l'assaillir conjointement à la panique, décuplée par l'absence d'abri mentale que représentait son masque.

Le visage d'Orceus lui apparut. D'Aarius aussi.

Il ne céda pas. D'abord parce qu'il s'agirait d'un affront à l'éducation sur la maitrise de soi que s'était évertué à lui fournir le Médiateur. Ensuite parce que, dorénavant, un nouveau but l'animait : comprendre.

L'effondrement des Piliers Tome 1: Le Déclin d'un AstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant