Chapitre IX : Nuit éternelle - Première Partie

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Muedorn inspira profondément, convainc de l'agencement en relâchant l'air de ses poumons. Aarius approuva à son tour puis étala la couverture sur les trois cadavres. Il consulta le patriarche lorsqu'il se redressa : "Vous avez de l'argile aux alentours ?

— Pourquoi diable ? S'étonna celui-ci d'un haussement de sourcil. 

— Les odeurs. Avec de l'argile dans la pièce elles se propageront moins vite.

— Non...non j'ai pas. De toute manière ils auront pas le temps de pourrir parce qu'on va trouver une solution. Si t'as l'astuce de l'odeur, tu dois bien avoir celle de la vue. "

Aarius ne sut s'il s'agissait d'ironie ou de reproche, il s'abstint de réagir ; un sourire pouvait mener à de bien graves interprétations quant à son empathie.  

    Le jeune homme suivit Muedorn hors du cabanon, là où la lumière diurne achevait son entreprise sur le jour. Dehors le patriarche lui saisit l'épaule : "À part moi, personne ne vient dans la réserve de bois. Tu tiens ta langue et tout ira bien"

Le Méridien acquiesça en silence, mais Muedorn sembla désireux de poursuivre la conversation. "Cette facilité avec laquelle tu...."

    Il examina les alentours à deux reprises. "Avec laquelle tu tues. C'est Orcéus qui t'as appris ça ?" 

Aarius branla à nouveau du chef sans s'affranchir de son mutisme. Il ne désirait guère s'étaler sur sa formation, ni mentionner Orcéus sous peine de laisser son esprit tergiverser immanquablement vers son échec à maintenir celui-ci vivant. 

"Je te juge pas gamin, la vie est ce qu'elle est. J'aurais seulement voulu que ma fille ait pas à voir ça. Pas comme ça. T'as abattu ce type...il représentait plus de menace.

—  Libérer ce mercenaire revenait à condamner l'entièreté de votre famille, objecta cette fois le Méridien. Vous vous étonnez de mon aisance à conduire l'ennemi au tombeau ? Ce ginseo n'aurait pas eu l'once d'un repentir s'il occupait ma place et votre fille la sienne. En outre, vous êtes le décisionnaire de cette condamnation pour m'avoir dénoncé à ces gens."

Le patriarche se renfrogna aussitôt : "C'est comme ça que tu montres ta reconnaissance après ce qu'on a fait pour toi ? S'indigna-t-il

— On n'oblitère pas une action par une autre Muedorn. Je vous suis fort obligé de votre hospitalité, de même je vous accuse de m'avoir jeté en pâture sans demander votre reste. 

— Ça c'est ta faute mon gars. Tu débarque chez nous, ton sac remplit de secret et ta langue pleine de mensonge. Comprends que je pouvais pas te faire confiance.

— Je comprends, et je peux tout aussi bien vous appeler à comprendre mes choix et mon comportement, mis au clair Aarius. Cependant la justification derrière un acte n'atténue en rien ses conséquences, je ne me blanchirais pas avec ça, faites-en de même.

— Sauf que les conséquences ne seraient pas celles qu'elles sont si tu nous avais pas menti. "

    Le Méridien estima l'argumentation futile. Il savait son raisonnement supérieur à celui du patriarche, cela lui suffisait. Peu fréquentes étaient les personnes à faire preuve d'effort intellectuel pour s'attarder sur le point de vue d'un opposant sans être aveuglé par la volonté de défendre le leur. Orcéus faisait partie de ceux-là. 

    Se résignant à attendre une réponse, Muedorn conclut : "On verra ce qu'on peut faire demain. Oublions ça pour ce soir, tu veux ?"  

Et ils se dirigèrent vers l'agreste chaumière. 

"Ne me demande pas comment, mais je me suis débrouillé pour qu'aucune d'elles ne vous ait vu les transporter", chuchota Yolrindda à son père à l'instant où Aarius et lui firent irruption dans la maison. Muedorn se contenta d'embrasser sa fille sur le front. Le Méridien haussa les épaules face au regard intrigué qu'elle lui lança alors. 

L'effondrement des Piliers Tome 1: Le Déclin d'un AstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant