Le vocabulaire de la mise en page

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La chasse est un facteur crucial, puisqu'il aura une influence directe sur la longueur de votre livre et son nombre de pages. De plus, une chasse plus étroite limite les problèmes liés à la justification du texte. Attention malgré tout: une chasse trop étroite rendra le texte plus dense. De plus, comme la longueur de ligne se compte en caractères, diminuer la chasse augmente la longueur de ligne. Une ligne plus longue rend la lecture plus difficile, parce que l'œil a du mal à trouver la ligne suivante. Il faut alors augmenter la hauteur de ligne, annulant tous les avantages tirés d'une chasse étroite. Une chasse plus longue peut faciliter la lecture, dans une certaine mesure, mais amplifie les soucis liés à la justification. La meilleure manière d'en juger est de faire des expériences et d'en évaluer les résultats avec une copie imprimée.

La chasse peut être réglée, par la commande «horizontal scale» présente dans tous les logiciels. Ne le faites pas. Jamais. Non, vraiment. En changeant la largeur des lettres (et leur hauteur aussi, d'ailleurs), vous perturbez les proportions du dessin et le résultat est toujours affreux. En vérité, un changement de 4 % est trop léger pour être perçu par l'œil humain, mais réservez ce genre de manipulations pour les rares moments où vous en aurez d'une exception pour résoudre un problème ponctuel (éviter une veuve ou un orphelin, par exemple, ou une page en fin de chapitre avec seulement deux lignes en haut). La plupart du temps, si vous travaillez bien, ces manipulation contre-nature seront inutiles.

Il n'y a aucune autre manière d'évaluer la chasse d'une fonte de d'en examiner un échantillon. C'est un facteur important du choix d'une police de caractère, qui est évoquée plus en détails dans cet article.

L'œil de la lettre et la hauteur x

Voici deux notions très différentes, mais reliées.

L'œil désigne la couverture d'encre d'un caractère. Un caractère à l'œil plus important paraît plus massif. L'œil varie selon la lettre et la graisse et elle est à peu près impossible à mesurer. On l'évalue au coup d'œil.

La hauteur d'x est la hauteur d'une lettre sans jambage, comme par exemple le «x» minuscule, d'où son nom. C'est une mesure objective facile à mesurer.

Ces deux notions forts différentes sont souvent confondues parce qu'une police à forte hauteur d'x tend à comporter un œil plus important.

De manière générale, vous n'aurez pas besoin de vous préoccuper de ces notions. Ce sont des mots, essentiels pour décrire les lettres et les comparer entre elles, et ils expriment des notions que vous devez connaître afin de choisir votre police et son corps de manière éclairée, mais vous n'en verrez presque jamais de mention dans votre logiciel de mise en pages.

L'approche (tracking et kerning)

L'approche désigne l'espace supplémentaire glissé entre les lettres ou, à notre époque libérée du caractère de plomb, retiré entre les lettres. On en distingue deux sortes. Il y a l'approche de caractères, qui concerne une seule paire de caractères, et l'approche de texte, qui concerne une longue suite de caractères, comme un titre ou un paragraphe. Cet espace est généralement mesuré en millièmes de quadratin. Scribus le mesure, bizarrement, en pourcentages. Ces valeurs font partie de l'arsenal des connaisseurs, et vous pouvez parfaitement monter un roman sans en avoir entendu parler. Malheureusement, les amateurs qui tombent sur la fonction par hasard semble possédés et se mettent souvent à l'utiliser à tort et à travers.

L'approche de caractère (kerning en anglais) est la distance entre deux lettres spécifiques. Il varie de paire de lettre en paire de lettre, ajusté par le créateur de la fonte afin que l'approche semble régulière au sein d'un texte long. C'est un véritable travail de moine, comme on peut s'en douter. La qualité de ces réglages est une des caractéristiques d'une bonne police, et l'une des principales raisons pour lesquelles vous ne devriez pas choisir votre police sur Dafont. Votre logiciel de mise en page devrait utiliser par défaut ces réglages, mais certains offrent l'option de la régler de manière «optique», ce qui est une mauvaise idée. Basiquement, cela ralentit votre logiciel et lui fait faire un travail pour lequel il n'est pas équipé, puisqu'il n'a aucune notion d'esthétique.

L'approche de texte est une mesure égale disposée entre les lettre de tout un texte. Typiquement, on la laisse à zéro, sauf pour faire un effet (ce qui peut être une très mauvaise idée). Dans le texte courant, ce n'est jamais une bonne idée, mais vous pouvez vous en servir pour mettre un peu de fantaise dans les entêtes ou les bas de page. Si vous le faites, n'y allez pas à moitié. Une approche ressemble drôlement à un texte mal monté jusqu'à 200 millièmes de quadratin. N'hésitez pas à utiliser une valeur de 500, voire 1000 millièmes de quadratins. Ou mieux, n'y touchez pas.

Dans le cas où vous auriez à sauver une veuve ou un orphelin et qu'une subtile modification de la chasse ne suffit pas, une approche négative peut faire la différence (quoi que typiquement, son effet est grandement inférieur au changement de chasse). Jusqu'à six millièmes de quadratins environ, le changement est imperceptible pour l'œil humain. Si cela s'avère insuffisant, pensez à faire l'inverse et donner plus d'espace à votre texte.

La hauteur de ligne (leading)

La hauteur de ligne est l'espace qui sépare la ligne de base de la ligne suivante. Comme le corps, elle est mesurée en points. On utilise souvent, à tort je crois, le terme interligne.

La hauteur de ligne doit être strictement supérieure au corps. Sinon, les caractères vont inévitablement se toucher d'une ligne à l'autre (il existe de très rares exceptions, qui ne concernent pas les livres de fiction). Le résultat est abominable, mais pas assez apparemment, puisque j'ai déjà vu plusieurs fois des «professionnels» commettre cette bourde.

Par défaut, les logiciels de mise en page, comme les traitements de texte, assignent une valeur par défaut à la hauteur de ligne (1,2 fois le corps, la plupart du temps). Cette valeur n'est pas plus mauvaise qu'une autre, mais c'est une bonne pratique que d'assigner soit même une valeur absolue à la hauteur de ligne, plutôt que de laisser celle par défaut. Pourquoi? Simplement parce que la hauteur de ligne perçue varie selon divers facteurs, comme la hauteur x. Parce qu'une longueur de ligne plus grande exige une hauteur de ligne plus importante, pour aider le lecteur à passer d'une ligne à l'autre. Parce que la hauteur de ligne a un effet esthétique qu'une machine ne peut évaluer. Parce qu'une machine ne lira probablement jamais votre livre et ne l'achètera certainement jamais.

Mon premier professeur de typo disait que la hauteur de ligne devait être de un point supérieure au corps, mon deuxième disait qu'il devait le dépasser de deux points, et ils en seraient probablement venus aux coups s'ils avaient discuté du sujet. En ce qui me concerne, leurs formules ne sont pas plus intelligentes que celle de la machine. Selon la fonte, la longueur de ligne, votre corps de texte, même la couleur de votre papier, votre hauteur de ligne peut varier. C'est une de ces zones où la mise en pages atteint le statut d'art. Une chose est certaine: la hauteur de ligne a un impact important sur la lisibilité du texte; dans le cas d'une œuvre de fiction, elle devrait être choisie uniquement par des critères de lisibilité, sans le moindre compromis, et surtout pas être diminué pour des raisons d'espace. Pour sauver des pages, jouez sur la police, la chasse, l'approche et surtout sur le corps — jamais sur la hauteur de ligne.

Mise en pages d'un romanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant