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80. Les malheurs de Shin - Page 1 / Journaux intimes n°2

On continue avec les journaux de Shin. Ce texte date du 7 mai 2017.

LES MALHEURS DE SHIN

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Chère Tywaen,

En ce moment, la vie est trop dure. Et injuste. Être un demi-élémentaire d'eau, c'est parfois une belle arnaque. Comme aujourd'hui par exemple.

On a traversé une plaine sèche toute la journée, en plein soleil. J'aime pas voyager dans les zones non-boisées pendant l'été, c'est jamais amusant. Il y a Théo qui se plaint de la chaleur mais qui pète une durite quand on lui propose de retirer son armure, parce que c'est contraire à sa religion et qu'il se sent vulnérable sans. Il y a Balthazar qui se plaint des coups de soleil qu'il attrape, mais qui refuse de mettre un chapeau parce que ça ne suit pas avec son teint. Il y a Mani qui raconte toujours la même histoire et qui gonfle tout le monde. Et Grunlek qui teste des trucs sur le dos de Lumière avec des limaces qui puent. Une journée par-faite.

J'ai sué toute la journée et je ne te cache pas que ça sent le fauve. Mais c'est peut être aussi parce que Théo a retiré ses chaussures et qu'il est à côté de moi. J'ai cru que Bob allait mourir en l'aidant à retirer son armure tout à l'heure. Il est devenu presque aussi rouge que sa robe à force d'essayer de ne pas respirer. On s'est bien marré avec Grunlek. Mais je rirais moins demain, c'est à moi de l'aider à retirer son armure. On a organisé des tours avec Bob et Grunlek pour ça, parce que je te jure que c'est une infection. Je sais même pas comment ça se fait que des champignons n'aient pas encore poussé là dedans.

Mais c'est même pas le pire. Tout à l'heure, j'ai subi la pire des humiliations. On a monté le camp près d'une colline. Tout s'est bien passé, Bob a foutu le feu à un buisson et le nain a pu commencer à faire la cuisine. On est partis faire un tour avec Mani pour trouver un coin d'eau pour se laver. Enfin, on m'a forcé à le prendre pour ne pas qu'il fasse de bêtises.

Il est pire qu'un gosse, mais au moins il fait de l'animation. Et puis il est pas méchant, et un peu con. Hier je lui ai fait croire qu'il y avait un monstre qui mange les orteils qui rôdait dans les bois. Il a pas fermé l'œil de la nuit. Je m'en suis un peu voulu. D'autant plus qu'il m'aime bien. Il est toujours collé à moi, c'est à se demander ce que je lui ai fait. Je trouve ça gênant. Bon, d'accord, sauf quand il se propose pour me porter pour que je puisse atteindre des pommes dans les arbres. Là, il est vachement cool. C'est pratique les elfes, ils sont grands et naïfs, tu peux en faire tout ce que tu veux !

On a pas trouvé d'eau, donc on a fini par rentrer, après avoir tué deux lapins sur la route. Mani a pleuré, mais je l'ai convaincu en lui disant que c'était ça ou les limaces de Grunlek. Même avec son cerveau limité, son instinct de survie a été plus fort que tout. On a dîné, en refilant les limaces à Eden. J'espère qu'elles étaient toxiques et qu'elle va en crever, parce qu'elle a encore pissé dans ma couchette cette saloperie. Sauf que j'ai plus le droit de râler, parce que Grunlek se vexe dès qu'on dit du mal de sa merde poilue.

Après manger, il a fallu nettoyer les plats du nain, et les fioles de Mani. Et remplir les seaux pour laver Théo. Le problème, c'est qu'il y avait pas de point d'eau. C'est quand j'ai croisé le regard désolé de Bob que j'ai compris pourquoi ils s'étaient tous tournés vers moi.

Je me suis tapé toute la vaisselle. Et le remplissage des seaux. Je ne sais pas combien de litres d'eau j'ai sorti de mon corps, mais je suis à peu près certain que c'est pas à ça que pensaient les élémentaires quand ils m'ont donné mes pouvoirs. C'était horrible. Je suis devenu un demi-élémentaire de vaisselle. Je ne sais même pas si ça existe. Mais c'est dégueulasse ! Je les voyais tous se reposer (et je suis même presque sûr que Bob était en train de se grossir les couilles avec un sort) pendant que moi je bossais.

Et bien sûr, comme si ça suffisait pas, il a fallu remettre de l'eau à Théo parce qu'il avait renversé son seau. Tu verrais comment il est à poil. Il est super musclé, tu te sens minable à côté. C'est pas juste. En plus il fait que manger, comment c'est possible ? Et comme je suis resté un peu trop longtemps à fixer ses pectoraux, il a demandé bien fort si j'étais jaloux, et les autres se sont foutus de ma gueule.

Je te jure, c'était pas une bonne journée.

Et puis tu me manques, petite sœur, comme tous les jours. J'espère que tu es bien là où tu es. Et que t'es entouré de beaux mecs musclés. Tu le mérites.

Putain, je rêve, Mani vient de me demander de laver ses fioles. Je vais tuer quelqu'un. Je dois te laisser, le devoir m'appelle...

Je t'aime, fais attention à toi dans les étoiles.

Ton Shinddha.