92. Les sublimes carnets de Balthazar - Page 2 / Journaux intimes n°4

68 12 0
                                    

Une autre aventure de notre demi-diable qui fait suite directement à la dernière :D Cette page date du 8 novembre 2017.

LES SUBLIMES CARNETS DE BALTHAZAR

PAGE 2

Très cher admirable, divin et adorable moi-même,

J'ai tenu une semaine. Je t'avoue que je ne suis pas fier de moi et que j'aurais préféré tenir bien plus longtemps, mais il se trouve que la vie est trop courte pour ne pas profiter des plaisirs de l'amour. Ou plutôt que Shinddha draguait encore une jeune femme absolument charmante sur laquelle j'avais des vues et qu'il m'a outrageusement volé.

Après ma curieuse mésaventure avec cette ourse-garou qui m'a valu des commentaires de mes quatre « amis » pendant quelques jours, ainsi que de la moitié des habitants de ce village moisi, j'ai pressé mon ami paladin pour quitter au plus vite cet endroit déplaisant. Bien sûr, comme il est de coutume dans notre groupe discordant, il s'est mis à râler en osant prétendre que si nous passions encore trop de temps dans la forêt je me mettrais à « geindre comme une pucelle prête à se rentrer sa première saucisse dans le cul ». Une poésie charmante provenant de sa bouche, comme à l'accoutumée.

A force d'acharnement et de supplications, il a fini par céder à mon chantage affectif et nous avons repris la route, après avoir donné un bain de force à Mani qui s'était roulé dans une étable la veille au soir pour une raison que nous ignorons encore. C'est un elfe, je suppose que le contact avec les déjections animales est naturel de là où il vient. Peut-être est-il irrésistiblement attiré par l'odeur. Il faudrait que j'étudie ce cas très spécifique de plus près, un jour ou l'autre, je suis sûr que nous en apprendrions beaucoup.

Après quelques heures de route, nous avons été grossièrement attaqués par des malandrins, cachés dans des buissons. Shinddha a brillé en touchant deux des attaquants d'une flèche, Théo s'est chargé de faire de la bouillie du dernier. Il l'a tellement massacré qu'il nous a été impossible de le fouiller tant son corps ne ressemblait guère plus qu'à une compote de bouillie d'araignée que Grunlek fait cuire actuellement. J'ai déjà prévu d'être malade ce soir, cela fera de plus grosses portions aux autres mais au moins, mon précieux estomac sera épargné dans la bataille. Après ce furieux combat, nous avons trouvé, sur l'un des bandits, un parchemin ordonnant la livraison d'une jeune femme à un marchand d'esclaves local.

Théo et Mani ont préféré rester près des cadavres, pour les piller, pendant que Grunlek, Shinddha et moi nous dirigions vers le lieu supposé de leur planque. Nous l'avons finalement trouvé après trois heures de galère, Shinddha ne sachant toujours pas lire une carte après dix ans sur les routes. La planque se trouvait dans une grotte. Nous n'avons pas eu de mal à venir à bout des gardes, grâce à un magnifique lancer de flammes qui, sans me vanter, leur a fait regretter leur naissance infâme. Dans l'obscurité, nous avons perçus des pleurs de femme. Une pauvre gamine était attachée comme du vulgaire gibier dans le fond de la grotte, à moitié dénudée.

Je suis tombé sous le charme au premier regard. C'était une jeune elfe, dans la fleur de l'âge et aux formes gracieuses. Les larmes lui donnait un regard si beau que je sus immédiatement que je devais la séduire. Puis j'ai croisé le regard de Shinddha. Dans ses yeux brillait la même lueur que dans les miens et j'ai immédiatement su que je devrais m'engager dans une lutte fratricide pour obtenir l'attention de la belle.

Nous l'avons soigné dans un campement dressé à la hâte. Elle nous remercia chaudement. Et là s'est produit la pire chose qui puisse se passer. Elle a croisé le regard de Mani et j'ai su immédiatement que ni Shinddha ni moi n'aurions son cœur. Désespéré, j'ai cherché par tous les moyens à éloigner l'elfe du camp. Mais il est tellement bête et naïf que je craignais qu'il ne se perde dans la forêt et je l'ai accompagné au ruisseau comme un père accompagne son fils à l'école. Pas le mien, en tout cas. Mais je suppose que c'est que les pères font.

Mais quel empoté ! Je lui ai demandé de faire la vaisselle, puisque c'était son tour (enfin c'était le mien, mais profitons de son manque d'attention pour se libérer de tâches ingrates...). Il a pris un premier plat et l'a lâché sur le reste de la vaisselle. Résultat : deux assiettes cassées, un verre tordu, le plat brisé. Cet elfe est une catastrophe ambulante, je ne sais plus quoi faire de lui. Je l'ai abandonné dans sa bêtise en le sommant de nettoyer cette catastrophe et je suis rentré au camp.

Et là, qu'ai-je vu ?! Shinddha, assis à côté de la jeune femme, visiblement charmée. Il était en train de pavaner comme un coq en rut ! Mon cœur s'est brisé en un millier de morceaux de douleur et, dans la colère, je lui ai lancé une casserole que j'avais gardé à la main. J'ai raté mon coup et l'ustensile a cogné dans la tête de la pauvre dame qui s'est écroulée comme une masse. La honte de ma vie. Je me suis senti rougir, alors que mon ami à l'arc se tournait dans ma direction, choqué. Qui ne l'aurait pas été ? Je venais d'agresser une femme ! J'ai vainement essayé de plaider mon démon et un acte inconscient, mais Théo s'est mis à me menacer de me tuer si je me transformais et j'ai fini par me confondre en excuses, terriblement confus et désolé.

Elle est revenue à elle après de longues minutes et s'est mise à pleurer à chaudes larmes dans les bras de mon rival, finalement ravi d'avoir obtenu un rapprochement aussi soudain qu'inespéré grâce à moi. Monstre ! Je me jure de lui faire payer cet acte. En attendant, elle coule des jours paisible en sa compagnie et je jurerai l'avoir vu l'embrasser plus tôt dans la soirée. Au prochain village, sur ma vie, nous la renverrons chez elle. Hors de question qu'elle reste plus longtemps dans notre groupe. J'ai réussi à plus ou moins convaincre Théo, qui de toute façon est aussi sociable qu'un bout de bois et a approuvé ma volonté de l'éjecter. Grunlek a levé les yeux au ciel, Mani s'en fout. Il ne reste que Shinddha à convaincre, ce qui sera délicat. Mais nous en reparlerons dans quelques jours, le prochain village est à trois jours de marche.

Foi de Balthazar, j'aurai ma revanche !

Balthou'.

Un vent d'Aventures | One Shots AventuresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant