Chapitre 9 ; partie 3

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                                                                 * * *

La pluie tombait toujours autant quand Cristina vint me chercher sous ma tente. Sans échanger un mot, on sortit et partit en direction du complexe russe. On marchait à pas de loup entre les rangées de tentes qui étaient toutes éteintes à l'exception de quelques-unes dont les locataires ne dormaient pas encore.

Assez rapidement pour me protéger de la pluie et cacher mes cheveux, je mis ma capuche. La veste que j'avais mis faisait partie des affaires que m'avait apporté Kim et maintenant je la remerciai de tout cœur de me l'avoir donné. Elle était parfaite pour se camoufler.

Cristina me fit signe de m'arrêter lorsqu'on arriva à la fin du secteur des tentes et me demanda à voix basse de m'accroupir. Je compris rapidement qu'un Guetteur était dans le coin. Ces résistants faisaient des rondes toutes les nuits pour s'assurer qu'aucun intru n'entrait dans le camp.

Le Guetteur en question n'était autre que Logan. Je le reconnus tout de suite même avec cette pluie et la pénombre. Depuis quand était-il Guetteur ? Il ne m'en avait jamais parlé durant le peu de temps où j'étais chez les résistants.

Il ne portait qu'une petite veste ! Il allait attraper froid ! Je me retenais d'aller le disputer, des fois, j'avais vraiment l'impression d'être sa mère... Mais je voulais juste qu'il ne lui arrive rien, je m'en voudrais toute ma vie sinon...

Logan passa à quelques mètres de nous sans nous repérer. Une fois qu'il fut plus loin, on se dépêcha de courir jusqu'à l'orée de la forêt. Dès que l'on fut à l'intérieur, on courra encore quelques minutes pour mettre le plus de distances entre les Guetteurs et nous.

Cristina finit par prendre la décision de se reposer quelques minutes avant de reprendre notre marche vers le camp russe, nous étions déjà loin du campement. Je m'effondrai sur un rocher trempé mais je m'en moquai totalement. Nous avions à peine commencé notre mission que j'étais déjà fatiguée.

En plus, je n'arrivai pas à me sortir l'image de Logan faisant une ronde du côté des tentes. Je ne comprenais pas pourquoi il était chez les Guetteurs et surtout je trouvais ça bizarre qu'il ne m'ait rien dit.

Je fermai les yeux en relevant la tête vers le ciel, malgré les arbres, la pluie tombait sur mon visage. Je ne devais pas penser à Logan, on en parlera quand je serai rentrée. Pour le moment je devais me concentrer sur notre mission.

Cristina posa sa main sur mon bras, j'ouvris les yeux par réflexe. Ses cheveux dépassaient de sa capuche et faisaient couler encore plus d'eau sur ses vêtements. Dans la pénombre, je la vis me sourire.

« La pause est terminée, il faut qu'on y aille, avec un bon rythme de marche, on arriva juste avant le lever du soleil, chuchota-t-elle comme si elle avait peur que quelqu'un nous entende.

-S'il existe toujours, ironisai-je, parce que ça fait un moment qu'il n'a pas pointé le bout de son nez celui-là. »

Cela fit rire ma coéquipière qui me tendit la main pour m'aider à me relever. Je réprimandai une grimace de douleur, d'une part parce que je lui avais donné mon bras droit encore meurtri à cause mon épaule et d'autre part parce qu'elle m'avait attrapé la main avec une force inimaginable.

J'avais les doigts totalement broyés mais je ne dis rien, ce n'était pas le moment de jouer les sensibles. Il fallait qu'on avance. Plus vite nous aurons terminé notre mission, plus vite nous rentrerons au campement des résistants.

On se remit en route, toujours sous une pluie diluvienne et avec un vent qui s'intensifiait de plus en plus. Le sol était devenu totalement boueux et plusieurs fois je perdis l'équilibre manquant de tomber.

Au loin un orage se préparait, on pouvait déjà entendre ces grondements qui résonnaient dans les montagnes. Cristina accéléra encore la cadence, et pour rester à sa hauteur je devais presque courir. Je maudis ma petite taille... Je devais toujours courir pour rester à la hauteur des autres et cela commençais à m'énerver.

On marcha cinq longues heures en faisant de courtes poses toutes les demi-heures. Ce fut pendant l'une d'elles que je me mis à me poser des questions au sujet de ma coéquipière :

« Cristina ? Tu viens bien du Nouveau-Brésil ? demandai-je d'une voix mal assurée.

-Oui, c'est ça. Pourquoi cette question ? répondit-elle gentiment.

-Comment ça se fait que tu sois ici... Je veux dire, me repris-je mal-à-l'aise, en Nouvelle-Russie, personne n'entre de son plein gré dans ce pays.

-Oui, c'est sûr, celui qui vient ici de son plein gré est fou mais c'est mon cas. Tu connais Lisandro Cobina ? »

Je hochai la tête, tout le monde ou presque le connaissais, c'était quand même le Chancelier du Nouveau-Brésil. Le pays ne s'était jamais porté aussi bien depuis la création des nouveaux Etats grâce à lui.

« Je travaillais pour lui au Nouveau-Brésil. J'étais une espionne en quelque sorte, expliqua-t-elle en fermant les yeux. Je devais infiltrer et démanteler des réseaux terroristes par exemple. Un jour, le Chancelier m'a demandé d'aller en Nouvelle-Russie et d'approcher Pivov, le soi-disant Président.

-Oui, je sais et c'est aussi le père de Tatiana.

-Exact, répondit-elle en me regardant cette fois. Je n'ai jamais été obligée d'accepter cette mission suicide mais par amour pour mon pays, j'ai tout de suite voulu venir. Pendant près de dix mois, Pivov n'a vu que du feu... Malheureusement, j'ai fini par être démasquée et je me suis enfuie avant qu'on ne me tue. Depuis j'ai rejoint les résistants et j'essaye de me faire une place parmi eux.

-Ça fait combien de temps que tu es chez les résistants ? la questionnai-je encore.

-Bientôt cinq mois et même si je me plais ici, dans le sens où tout le monde est sympa, j'espère pouvoir retourner chez moi... finit-elle d'une petite voix.

-J'espère pour toi aussi... »

En face de moi, Cristina avait les yeux dans le vague comme si elle se remémorait sa vie dans son pays natal. Elle n'avait pas l'air d'aller très bien mais avant d'avoir pu lui demander si ça allait, elle reprit la parole en secouant la tête, chassant sûrement ses souvenirs :

« Bon, dit-elle d'une voix ferme, trêves de bavardages, il faut que l'on continue notre route. Si tout va bien, nous serons arrivées d'ici une demi-heure, trois quarts d'heure au maximum. Allez, debout. »

Cette fois-ci, je me relevai avant qu'elle ne me tende sa main pour m'aider, je ne voulais pas avoir les doigts broyés une deuxième fois. Cristina ne m'attendit même pas et ouvrit la marche comme à chaque fois.

Le ciel était encore noir mais il y avait plus de lumière, ce qui annonçait que le jour se levait. La pluie avait cessé mais le vent continuait de souffler et l'orage s'approchait dangereusement, désormais on pouvait voir les premiers éclairs zébrer le ciel.

Comme Cristina l'avait dit, une demi-heure plus tard, nous étions aux portes du complexe russe qui était totalement méconnaissable...

 Ce n'était plus qu'un champ de sable, de poussière et de béton.


Lindsey KansasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant