- Parle-moi.

La voix rauque d'Eliam brisa brutalement le silence assourdissant. Garance tressaillit. Elle tournait le dos au jeune homme. Elle avait la sensation qu'un abîme les séparait. Face à son silence, Eliam réitéra.

- Je t'en supplie, parles-moi.

Après un long moment, un murmure lui parvint.

- Il est mort seul...J'aurais du être à ses côtés.

Eliam pesa ses mots avant de lui répondre, il voulait seulement soulager la peine de Garance.

- Avais-tu le choix ?

- J'aurais pu repartir quand tu me l'as proposé, mais j'ai préféré rester.

- Je ne t'aurais pas laissée rentrer en Elenith après tout ce que tu m'avais avoué, murmura Eliam.

- Cela n'a aucune importance, ne cherche pas à me déculpabiliser.

La voix de la jeune femme se brisa. Eliam voulait s'imposer une distance, lui laisser encaisser le choc mais elle dégageait une telle solitude qu'il la rejoignit sur le lit. La jeune femme était allongée en chien de fusil, le corps tremblant. Le Prince se glissa derrière elle et la prit dans ses bras. Son cœur se brisa quand il la sentit se raidir.

- Je l'ai abandonné seul face à la mort, sans un regard en arrière, murmura-t-elle alors qu'un sanglot la secoua.

Eliam resserra son étreinte, enfouissant son visage dans la soie de ses cheveux bruns.

- Tu étais toi-même seule face à une foule d'ennemis, tu as survécu c'est tout.

- J'ai fui. J'ai fui mon pays, ma patrie, mon père agonisant. J'ai fui mes responsabilités, répondit-elle, secouée de sanglots.

Eliam la força à se retourner et à lui faire face. Son coeur se serra un peu plus en voyant son visage ravagé par le chagrin. Elle avait l'air tellement fragile. Il eut, face à la souffrance de cette femme, la certitude qu'elle avait le pouvoir de lui arracher le coeur rien qu'avec ses larmes.

- Garance, je t'interdis de te fustiger de la sorte, quelque soit ta peine, tu dois savoir que tu n'as fait que survivre.

Les prunelles grises de la jeune femme se figèrent dans celle d'Eliam. Elles lui firent peur, car elles recelaient à la fois résignation et détermination, elles étaient profondément égarées. Le choc était d'une telle violence, que Garance remettait en cause les fondements de sa vie.

- Eliam, je t'aime.

Ce murmure résonna étrangement comme un adieu aux oreilles du jeune prince qui fondit immédiatement sur les lèvres de la jeune femme. Ils échangèrent ce baiser au goût de violence, de larmes et de désespoir. Leurs bouches ne s'écartèrent que lorsque le souffle vint à leur manquer.

- Je veux être tienne cette nuit, chuchota la jeune femme contre ses lèvres.

Eliam tressaillit et pris immédiatement conscience du corps tendre de Garance sous la transparence de son sous-vêtement de coton. Le tissu était remonté le long de ses jambes, jusqu'à ne couvrir que le haut de ses cuisses. Ses bras étaient entièrement dénudés, sa gorge exposée. Les mains d'Eliam se posèrent sur ses jambes et effleurèrent délicatement sa peau, tandis que son regard scrutait chaque détail. La beauté, la pureté que dégageait la jeune femme dans l'impudeur de sa nudité à peine cachée lui coupa le souffle. Ses lèvres gonflées de ses baisers, ses yeux baignés de larmes, sa peau d'albâtre parcourue de longs frissons, elle éveillait en lui un désir si douloureux, si violent, qu'il aurait voulu hurler son besoin d'elle. Il comprit alors que chaque jour, chaque heure qu'il avait passé dans son aura, n'avaient fait qu'intensifier les exigences de son corps au lieu de les assouvir. Alors que tout son être se mit à trembler du désir qu'elle lui insufflait, ses mains rugueuses remontèrent le long de la douceur de ses cuisses. Ses lèvres se posèrent au creux de sa gorge, et glissèrent jusqu'au lobe de son oreille, arrachant un frisson à la jeune femme. Il avait la sensation d'appartenir à une espèce carnassière tant son besoin de la mordre, la marquer, de la faire sienne était intense. Il avait attendu cette demande depuis leur rencontre, mais pas dans ces conditions, pas alors qu'elle était submergée de chagrin.

- Je t'aime tellement, je veux que tu sois à moi.

Il ânonnait chaque mot, essoufflé par le trop plein de son désir. La jeune femme saisit alors son visage entre ses mains et plongea son regard dans le sien.

- Je suis à toi.

- Alors cesse de me torturer, tu seras mienne lorsque je t'aurais épousé, dit Eliam dans un soupir.

- C'est de la folie d'attendre, nous n'avons aucune emprise sur notre destin, aucune certitude quant à notre avenir, je t'ai donné mon âme, alors prends le reste.

- Tu es une reine...ma reine, je ne prendrais "le reste" que lorsque je t'aurai donné mon nom.

- Je ne te comprends pas, répondit-elle en laissant courir ses doigts sur les joues rugueuses d'Eliam.

Le prince ferma les yeux puis se détacha de la jeune femme. Il la recouvrit délicatement du drap puis de la couverture.

- Tu es en état de choc. Je ne te demande pas de me comprendre mais de me faire confiance. Reposes-toi, je resterai près de toi, dit-il en déposant un chaste baiser sur son front.

Eliam tisonna le feu dans l'âtre, jeta quelques bûches puis revint vers le lit. Il tenta de caler confortablement son corps immense dans le fauteuil. Garance était de nouveau allongée sur le côté mais elle lui faisait face. Son visage reposait sur l'oreiller. Ses prunelles argentées dévisageaient Eliam. La nuit allait être longue. Le jeune homme avait l'impression qu'il allait devoir se ligoter au fauteuil pour ne pas aller se glisser dans le lit avec elle.

Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de CendreOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz