Les Royaumes d'Eredjan 1 - La Princesse de Cendre

Partie 22

Eliam et Théo mirent plus de quatre jours à rallier Estran. Le blizzard qui s'abattit sur le royaume de Saillans les obligea à mettre pied à terre et à se terrer pour ne pas mourir gelés ou s'égarer. Eliam fulminait de se voir ainsi ralenti, mais l'épuisement de son compagnon de route et de leurs montures le forcèrent à tempérer son impatience.

Quand ils parvinrent dans la capitale, un mètre de neige recouvrait les routes. Ils franchirent les portes en tenant à peine sur leurs chevaux. Théo tomba littéralement de cheval dans l'enceinte du château. Eliam parvint difficilement à descendre sur ses deux jambes. Il leva la tête et vit une dizaine de domestiques accourir de toute part.

- Occupez-vous de Théo, tenta-t-il d'articuler en s'apercevant que les mots ne franchissaient pas ses lèvres gelées.

Il sentit qu'on le soutenait, mais le blizzard qui continuait à supplicier chaque parcelle de son corps l'empêchait de garder les idées claires. Soudain, le froid mordant fit place à une douce torpeur, sa vision se fit plus claire et il s'aperçut qu'il était dans le hall du château. Il leva les yeux pour tenter de l'apercevoir. Pourquoi ne distinguait-il pas son visage, pourquoi ne parvenait-il pas à reconnaître sa silhouette au milieu de celles qui l'assaillaient ?

- Mon Dieu ! Eliam, s'écria la reine en apercevant la silhouette massive de son fils, prête à s'effondrer sur les dalles.

- Montez-le immédiatement dans la chambre de la princesse, faites chauffez de l'eau pour le bain et préparez du vin chaud.

Tandis que les domestiques s'affairaient, elle suivit ceux qui aidaient Eliam à gravir les marches. Jamais elle n'aurait pensé qu'il serait assez fou pour prendre la route par ce blizzard. Sa chambre n'était pas prête, et la pièce la plus chauffée du château était indéniablement celle de Garance d'Elenith, la jeune femme du Sud n'ayant jamais connu de véritable hiver était frigorifiée à longueur de journée.

Garance était blottie dans un fauteuil, occupée à lire, quand le remue ménage du rez-de-chaussée parvint à ses oreilles. La porte de sa chambre s'ouvrit à la volée. Elle resta bouche bée en voyant deux domestiques avancer soutenant un troisième homme. Son sang ne fit qu'un tour quand elle reconnut les boucles brunes recouvertes de givre.

- Eliam, laissa-t-elle échapper dans un murmure.

Le jeune homme releva immédiatement la tête et son regard croisa ses yeux azur. Même ses cils étaient givrés. Ses lèvres, bleuies, prise d'un tremblement convulsif articulèrent son prénom, et son regard s'éclaira d'une lueur malicieuse.

- Vite, ôtez-lui ses vêtements trempés et glissez-le sous les couvertures.

L'ordre de la Reine arracha Garance à sa torpeur, et lui redonna une contenance, l'empêchant de se jeter sur Eliam, pour le réchauffer elle-même.

- Pardonnez-nous cette intrusion Garance, mais Eliam nous arrive dans un triste état, je n'avais pas préparé sa chambre et je sais que la votre est bien chauffée.

- Je comprends, puis-je être utile ? demanda la jeune femme d'une voix blanche, alors que son regard ne quittait pas le corps frigorifié d'Eliam.

Adrissa ne quittait pas son fils des yeux non plus, mais le ton de la jeune femme, lui fit tourner la tête.

- Garance, allez-vous bien ? demanda la Reine en scrutant la Princesse du regard.

- Oui, oui, s'empressa-t-elle de répondre en essayant de reformer son masque d'impassibilité, j'ai été surprise, voilà tout.

Eliam entendait des voix lointaines, il aurait voulu ouvrir les yeux pour la contempler mais ses paupières étaient tellement lourdes. Il lutta un moment puis sa tête se laissa aller dans le moelleux réconfortant de l'oreiller. Il fut submergé par un parfum qui ne quittait plus son esprit depuis des semaines. Mais, à cet instant les effluves étaient si vivaces, qu'il crut se perdre dans sa chevelure. Comment était-ce possible ? Quand le bain fut prêt, Adrissa considéra qu'il était temps pour Garance et elle-même de quitter la pièce.